CRANE, WILLIAM, marchand, juge de paix, juge et homme politique, né le 15 février 1785 dans le canton de Horton, Nouvelle-Écosse, sixième enfant du colonel Jonathan Crane et de Rébecca Allison ; en 1813, il épousa Susannah Dixon (décédée en 1830), d’Amherst, Nouvelle-Écosse, et ils eurent une fille, puis le 25 octobre 1838 Eliza Wood, de Londres, et de ce mariage naquirent quatre filles et deux fils ; décédé le 31 mars 1853 à Fredericton.
Après des études à Horton, William Crane s’installa dans le comté de Westmorland, au Nouveau-Brunswick, au cours de la première décennie du xixe siècle. Il se lança dans les affaires comme marchand à Westcock, mais ne tarda pas à s’établir dans la ville plus importante de Sackville. En société avec Bardin Turner, il y fit du commerce pendant presque une décennie, soit jusqu’en 1819. Puis il s’associa à son jeune cousin, Charles Frederick Allison, pour fonder une entreprise commerciale qui devait durer jusqu’à sa mort. Typique de son époque, la Crane and Allison échangeait des matières premières de la région contre une variété de marchandises importées de Grande-Bretagne et des États-Unis ou venant de Halifax et du Bas-Canada. Une succursale, fondée à Miramichi, lui permit de se lancer, à partir de ce port, dans l’important commerce transatlantique du bois et de fournir aux exploitants forestiers du nord du Nouveau-Brunswick les surplus agricoles du comté de Westmorland [V. Alexander Rankin]. Malgré des relations commerciales étendues, cette firme était peu structurée, et sa gestion se fondait sur le crédit par l’intermédiaire d’agences situées dans des ports éloignés. La Crane and Allison possédait des navires en bois construits dans la région et manœuvrés par un équipage local, cherchait des marchés pour le bois du Nouveau-Brunswick dans les ports britanniques et s’efforçait d’organiser des voyages rentables, revenant souvent par la Nouvelle-Angleterre. Les liens familiaux jouèrent un rôle important dans le fonctionnement de la firme. Le neveu de Crane, Thomas Crane, vint travailler dans le magasin de Sackville ; un autre William Crane commandait un schooner pour le compte de la firme dans le détroit de Northumberland, tandis que William B. Fairbanks et John C. Allison, qui prirent la relève de la compagnie dirigée par Enos Collins*, s’occupaient d’une partie du commerce de Halifax.
Pendant que la Crane and Allison prospérait et prenait de l’expansion, ses dirigeants exerçaient une influence considérable sur la communauté de Westmorland. L’ascension sociale de Crane se révèle de manière frappante dans les registres locaux des mariages et des testaments. La signature qu’il apposa comme témoin sur plusieurs documents montre une évolution : en 1809, il signait « William Crane », en 1810 « William Crane [...] marchand » et, dès 1819, « William Crane, Esquire ». Il occupa les fonctions de juge de paix et de juge à la Cour inférieure des plaids communs du comté de Westmorland ; il joua un rôle important dans la Société d’agriculture de l’endroit et fut un des principaux défenseurs de l’amélioration de la culture et de l’assèchement des terrains marécageux. Le magasin situé au « Crane’s Corner » devint un point de repère à Sackville et la maison familiale sise à proximité, construite en pierre à la fin des années 1830, figurait parmi les plus belles du comté. Les colons de toute la région de Chignectou (Chignecto) comptaient sur l’aide de Crane dans leurs rapports avec la lointaine bureaucratie de Fredericton, soit pour obtenir des concessions de terre et des permis de coupe du bois ou pour s’assurer que le tracé de la « Grande Route » ne serait pas changé au « grand détriment du comté ». Le crédit alloué par le magasin de la Crane and Allison permit à bon nombre de gens de se procurer le nécessaire de chaque jour, qui pouvait être payé avec du bois au printemps, du beurre ou du bétail à l’automne ou des périodes de travail quand les circonstances le permettaient. De plus, Crane finançait des hypothèques pour des colons établis dans la région qui s’étendait entre Moncton, Shédiac et Baie-Verte.
Élu à la chambre d’Assemblée du Nouveau-Brunswick à l’occasion d’une élection partielle dans la circonscription de Westmorland en 1824, Crane conserva son siège lors de quatre élections générales, mais fut défait en 1842. Il occupa le poste de président de la chambre de 1831 à 1835 et fit partie du Conseil exécutif de décembre 1837 à mars 1843. Nommé au Conseil législatif en décembre 1843, Crane démissionna en 1850 et, en juillet de la même année, il fut réélu à l’Assemblée où il siégea jusqu’à sa mort. Nommé encore une fois président de la chambre en janvier 1852, Crane dut cependant abandonner son poste en mars de l’année suivante à cause de sa mauvaise santé.
En 1836, la chambre d’Assemblée désigna Crane et Lemuel Allan Wilmot* comme délégués auprès du ministère des Colonies. L’Assemblée souhaitait obtenir l’entière administration du domaine public et des revenus qui en provenaient [V. Thomas Baillie]. Des démarches antérieures auprès de la Grande-Bretagne afin d’exposer les griefs contre le gouvernement colonial n’avaient pas abouti à des conditions acceptables, mais l’expansion économique du Nouveau-Brunswick au milieu des années 1830 et la nomination au poste de secrétaire d’État aux Colonies de lord Glenelg, homme au caractère conciliant, incitèrent la chambre à soumettre une nouvelle demande au gouvernement britannique. Celle-ci choisit Crane et Wilmot comme délégués pour leur attitude modérée à l’égard de la question ; en août et septembre 1836, ces derniers convinrent des conditions selon lesquelles l’Assemblée administrerait les terres de la couronne au Nouveau-Brunswick. L’opposition au transfert d’autorité manifestée par le lieutenant-gouverneur sir Archibald Campbell* et le solliciteur général George Frederick Street, qui porta sa cause en Angleterre au début de 1837, retarda la mise en œuvre des accords et obligea les deux délégués à retourner en Angleterre une seconde fois. Mais sir John Harvey avait succédé à Campbell et, en juillet 1837, l’approbation de la liste civile donna à l’Assemblée la haute main sur les terres qui n’avaient pas encore été concédées et sur les liquidités du bureau des Terres de la couronne. Le Nouveau-Brunswick reçut ainsi la responsabilité de financer seul son administration.
À sa mort, William Crane laissait une fortune dépassant £120 000. Environ un dixième de sa succession se composait de valeurs en banque et d’autres fonds ; une somme de près de £7 000 provenait de petites propriétés immobilières dispersées que Crane avait lui-même achetées ou encore qu’il avait acquises par des saisies d’hypothèques. Mais la plus grande partie de sa richesse consistait en créances, ce qui reflète combien le crédit de Crane étayait l’économie locale, économie de subsistance essentiellement où l’argent était rare. Crane fut un personnage clé de cette collectivité en plein essor. Député, arbitre, financier, fournisseur, employeur et chef de file dans les affaires de l’Église et de la communauté, il devint un véritable patriarche de la société locale. Jouant un rôle d’intermédiaire entre les intérêts de la région et les forces impersonnelles et lointaines du monde des affaires et de la bureaucratie, Crane fut l’inspirateur de la conscience collective et encouragea le sentiment d’appartenance de la population hétérogène dans le milieu nouveau et changeant de Chignectou au début du xixe siècle.
Musée du N.-B., Crane family, cb doc ; N.B. Hist. Soc. papers, Crane & Allison corr., 1834–1852 ; William Crane corr., 1824–1852.— N.-B., Législative Library (Fredericton), Card file, members of the N.B. legislature.— PANS, MG 3, 300.— J. F. W. Johnston, Notes on North America, agricultural, economical, and social (2 vol., Édimbourg et Londres, 1851), 2 : 83–90.— N.-B., House of Assembly, Journal, 1824–1853.— New-Brunswick Courier, 1830–1853.— New Brunswick Reporter and Fredericton Advertiser, 1844–1853.— Royal Gazette (Fredericton), 1836–1844.— W. C. Milner, History of Sackville, New Brunswick (Sackville, 1934).— Graeme Wynn, « The assault on the New Brunswick forest, 1780–1850 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1974) ; « Industrialism, entrepreneurship, and opportunity in the New Brunswick timber trade », The enterprising Canadians : entrepreneurs and economic development in eastern Canada, 1820–1914, L. R. Fisher et E. W. Sager, édit. (St John’s, 1979), 5–22.— W. S. MacNutt, « The politics of the timber trade in colonial New Brunswick, 1825–40 », CHR, 30 (1949) : 47–65.
Graeme Wynn, « CRANE, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/crane_william_8F.html.
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Année de la publication: | 1985 |
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