CÔTÉ, LOUIS, cordonnier, manufacturier de bottes et de chaussures, inventeur et homme politique, né le 21 mars 1836 à Saint-Dominique, Bas-Canada, fils de Georges Côté, fermier, et de Julie Langelier ; le 5 octobre 1868, il épousa à Sainte-Rosalie, Québec, Louise Pigeon, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 6 février 1915 à Saint-Hyacinthe, Québec.

Fils aîné d’un fermier pauvre, Louis Côté manifesta de bonne heure des talents pour la mécanique. Enfant, il bâtit des moulins miniatures le long d’un cours d’eau qui passait dans la ferme paternelle à Saint-Dominique. Ses constructions suscitèrent l’admiration des passants, mais provoquèrent la colère d’un voisin dont il inonda la terre. Son inventivité et sa dextérité expliquent sans doute en partie pourquoi, lorsqu’il eut 14 ans, ses parents le mirent en apprentissage chez son oncle, cordonnier à Saint-Hyacinthe.

Après avoir acquis quelques rudiments d’instruction à Saint-Hyacinthe, Côté continua ses études à Montréal. Pendant qu’il suivait des cours du soir, il fut invité, dit-on, à devenir pensionnaire et élève à temps plein à l’école normale Jacques-Cartier. Bien qu’aucune trace de son séjour dans cet établissement ne subsiste, il dirait un jour que le directeur de l’école, l’abbé Hospice-Anthelme-Jean-Baptiste Verreau*, lui avait donné, le premier, les moyens de réussir. Côté mena ensuite la vie nomade des compagnons artisans : il travailla à Montréal, au Massachusetts, ailleurs peut-être. Ce cordonnier habile, doué pour la mécanique, gagnait gros en maintenant en état de marche la machinerie de certaines fabriques de bottes et de chaussures, par exemple la Smith and Corcoran à Montréal.

Toutefois, Côté aspirait à plus qu’un salaire décent de contremaître ou de machiniste. En 1863, lui-même et son frère Georges, cordonnier lui aussi, s’associèrent à Guillaume Bresse* à Québec. Leur entreprise fut éphémère. Dès 1866, les deux frères retournaient à Saint-Hyacinthe pour fonder une société de bottes et de chaussures, la Côté, Côté et Côté, une des premières entreprises industrielles de la ville.

Les associés de Louis Côté étaient son frère Georges, son cousin Jean-Baptiste Bourgeois et un marchand de cuir du lieu, Victor Côté, qui avait de l’expérience et du capital. Selon une description datant de 1871, leur entreprise produisait « toutes sortes de bottes et de souliers ». Elle était de loin le plus gros employeur de la localité : son personnel comprenait 43 hommes, 22 garçons et 24 filles, et sa liste de paie dépassait les 20 000 $ par an. Son équipement était mu par une machine à vapeur fixe, une des premières utilisées dans le tout nouveau secteur manufacturier de Saint-Hyacinthe. En septembre 1876, l’incendie qui ravagea la basse ville détruisit l’usine. Les Côté envisagèrent un déménagement à Montréal, mais, un an plus tard, sur un nouvel emplacement et sans Victor Côté, ils étaient de nouveau en affaires sous le nom de Louis Côté et Frère. On ignore si Jean-Baptiste Bourgeois s’associa à eux. En 1883, Louis et Georges s’établirent dans un autre endroit, toujours à Saint-Hyacinthe. Ils y demeurèrent jusqu’à la vente de la compagnie à leurs demi-frères Joseph-Amable et Magloire Côté, en 1893.

Pendant qu’il exploitait ces manufactures, Louis Côté acquit la notoriété en tant que principal inventeur canadien de machines à fabriquer des chaussures. En avril 1870, il déposa sa première demande de brevet canadien, pour la machine Côté de découpage et de finissage des semelles. À compter de cette date jusqu’en 1905, il fit breveter quelque 32 inventions au Canada (sans compter les renouvellements de brevets). Toutes ces inventions, sauf cinq, étaient reliées à la fabrication de chaussures. Côté détenait deux brevets en association avec un machiniste de Saint-Hyacinthe, Isaïe Fréchette, qui fabriquait peut-être les machines de Côté pour la vente au Canada et l’exportation.

Les machines à fabriquer des contreforts étaient la spécialité de Côté. En janvier 1874, il sollicita un brevet pour une « machine rotative servant à former des contreforts de bottes et de souliers ». Quatorze de ses 25 inventions ultérieures étaient soit des améliorations de cet appareil, soit des modifications aux contreforts eux-mêmes. Ces derniers étaient particulièrement résistants parce qu’ils avaient la forme d’une coquille de palourde. On les utilisa bientôt dans des fabriques de chaussures de toute l’Amérique du Nord et de l’Europe.

Les inventions de Côté apportèrent à ce dernier une renommée mondiale, et notamment une mention honorable à l’Exposition universelle de Paris en 1889. Au moins une fois, elles furent à l’origine d’un litige international. Une compagnie de la Nouvelle-Angleterre tenta d’utiliser ses machines sans permission. Côté lui intenta des poursuites, eut gain de cause et se vit accorder 63 000 $ par un tribunal de Boston. Toutefois, la compagnie fit faillite et il ne reçut jamais un sou.

Malgré son naturel réservé – « son verbe n’était ni facile, ni abondant », a noté un observateur –, Côté ne passa pas sa vie dans son atelier. Il fut nommé à la commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail en novembre 1887, mais remplacé moins de quatre mois plus tard par Guillaume Boivin pour cause de maladie. En tant que membre du Conseil des arts et manufactures de la province de Québec et fervent partisan de l’éducation populaire, il promut l’idée de fonder une école de dessin technique à Saint-Hyacinthe. L’École des arts et dessins industriels, créée en 1874, résulta en grande partie de son initiative. Il fut conseiller municipal vers 1875 et septième maire de Saint-Hyacinthe de 1882 à 1885 ; ce furent ses principaux rôles sur la scène publique.

Côté avait promu aussi, avec succès, l’installation d’une usine de distribution d’eau dans sa ville. Sa double qualité de maire et de président de l’entreprise privée à laquelle appartenait ce service public, la Compagnie de l’aqueduc de Saint-Hyacinthe, engendra une certaine controverse. Au printemps de 1884, des citoyens commencèrent à se plaindre que la prise d’eau potable avait été posée trop près des sources d’effluents industriels et domestiques. La santé publique était menacée et Côté fut vivement critiqué. Il admit l’existence d’un conflit d’intérêts, ce qui l’honore, et offrit de démissionner de la mairie le 26 décembre. La majorité des conseillers, dont d’autres associés de la compagnie, refusèrent d’accepter sa démission et de soutenir ce qui équivalait à un vote de blâme.

Dès lors, Côté fut moins présent sur la scène publique. Après la vente de son usine de bottes et de chaussures en 1893, il appliqua son esprit d’invention à des appareils de mesure et à des instruments de dessin technique. Il demanda son dernier brevet canadien, pour un compas de réduction, le 27 juin 1905.

Au moment de son décès, en février 1915, Louis Côté était en difficulté financière. En 1903, lui-même et son frère Georges avaient investi dans une minoterie-boulangerie à Saint-Hyacinthe. L’entreprise n’était peut-être pas rentable. Pour régler sa succession, les notaires proposèrent à ses créanciers de leur verser 76 ou 77 cents par dollar. Le véritable héritage de Côté est ailleurs. Il a laissé une longue liste d’innovations techniques et un bel exemple à ceux, Canadiens français surtout, qui aspiraient à réussir en affaires.

Peter Gossage

AN, RG 31, C1, 1871, Saint-Hyacinthe, Québec, tableau 7.— ANQ-M, CE2-25, 21 mars 1836, 5 oct. 1868.— Arch. de la Soc. d’hist. régionale de Saint-Hyacinthe, FG52 (Fonds Gilles Guertin).— Arch. de la ville de Sainte-Hyacinthe, Procès-verbaux du conseil municipal, 1870–1894.— Arch. du séminaire de Saint-Hyacinthe, AFG1 (Fonds C.-P. Choquette).— Bureau canadien des brevets (Hull, Québec), Brevets nos 402, 526, 975, 1101, 1199, 1493, 1926, 3026, 4001, 4569, 4767, 6918, 8506, 9286, 15492, 17351–17352, 19821, 21949, 24073, 25305, 25355, 25358, 25655, 29087, 35604, 37864, 42425, 42828, 25570, 57300, 93916.— Canadian Illustrated News (Montréal), 4 janv. 1879.— Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 18841885, 16 mars 1918.— Almanach, Saint-Hyacinthe, 1875.— Annuaire, Canada, 1871.— C.-P. Choquette, Histoire de la ville de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, 1930).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— Jacques Ferland, « Évolution des rapports sociaux dans l’industrie canadienne du cuir au tournant du 20e siècle » (thèse de ph.d., McGill Univ., Montréal, 1985).— Peter Gossage, « Famille et Population dans une ville manufacturière : Saint-Hyacinthe, 18541914 » (thèse de ph.d., univ. du Québec à Montréal, 1991).— Saint-Hyacinthe illustré (Montréal), 1 (déc. 1886).— St-Hyacinthe, P. Q., Canada (Montréal, [1912]).

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Peter Gossage, « CÔTÉ, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cote_louis_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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