COFFEY, THOMAS, imprimeur, éditeur et rédacteur en chef, journaliste et sénateur, né le 12 août 1843 à Castleconnell (république d’Irlande), fils de Patrick Coffey et d’Ellen O’Keefe ; le 23 mai 1869, il épousa à London, Ontario, Margaret Hevey, et ils eurent une fille ; décédé dans cette ville le 8 juin 1914.

Thomas Coffey n’alla probablement pas au delà de l’école élémentaire. Arrivée au Bas-Canada le 1er juin 1852, sa famille s’installa à Montréal, où il étudia chez les Frères des écoles chrétiennes. Puis, au plus tard en 1856, ses parents et lui quittèrent la relative sécurité que leur offrait la dynamique communauté irlando-catholique de Montréal pour aller s’établir dans une localité à prédominance protestante, London, dans le Haut-Canada. Si Thomas y fréquenta l’école, ce ne fut sûrement pas durant longtemps. Selon l’un de ses amis d’enfance, Edward Clissold, devenu imprimeur comme lui, Coffey était si petit du temps où il était apprenti au London Prototype, c’est-à-dire dans les années 1850, qu’il rejoignait à peine le marbre de la presse à bras Washington sur laquelle on imprimait le journal.

Une fois devenu compagnon typographe, Coffey fut très sollicité. Il travailla au London Free Press, propriété de Josiah Blackburn*, mais surtout au London Advertiser de John Cameron*. Il participa d’ailleurs au montage du premier numéro de l’Advertiser, paru le 27 octobre 1863. Au fil des 16 années suivantes, sauf pendant une courte période où il fut épicier, il gravit constamment les échelons, chose rare pour un catholique dans une entreprise dont le propriétaire n’était pas lui aussi un catholique. Promu contremaître de l’atelier de composition de l’Advertiser, puis du service des travaux de ville, Coffey accéda enfin à la surintendance du service de mécanique. Ses années dans l’imprimerie influenceraient profondément ses prises de position en faveur du droit des ouvriers à un traitement équitable de la part des capitalistes et du droit des minorités religieuses à l’égalité en vertu de la loi canadienne.

Coffey quitta l’Advertiser quand il prit en main le Catholic Record. Le premier numéro de ce journal avait paru le 4 octobre 1878. Soutenu avec ferveur par Mgr John Walsh*, il était publié à London par Walter Locke. L’histoire de la presse catholique de langue anglaise au Canada n’avait été qu’une série d’échecs. Toutes les tentatives visant à établir un journal purement catholique viable en dehors de la province de Québec avaient été « vaillantes mais éphémères ». Le Record faillit connaître le même sort. Locke était un éditeur absolument nul. Coffey devint officiellement propriétaire du journal le 30 mai 1879.

Coffey fut propriétaire et rédacteur en chef du Catholic Record durant 34 ans. Il avait acheté un journal en faillite, criblé de dettes, pourvu d’une presse désuète et d’un nombre limité de caractères d’imprimerie. Il en fit le principal hebdomadaire catholique du temps. Il ne dépassa jamais une date et n’offensa jamais un évêque. En plus, il imprimait des travaux de ville avec ses presses, ce qui rapportait beaucoup. Le journal était politiquement indépendant, mais farouchement catholique quand il s’agissait de questions directement liées à la place de l’Église dans la société canadienne. Son menu était équilibré : nouvelles diocésaines, apologétique, éditoriaux, morceaux de fiction, dernières nouvelles de la scène politique irlandaise.

Sous la prudente administration de Coffey, le Record sut s’adapter pour bien refléter la culture catholique du Canada anglais dans les années où l’Église voyait sa composition changer (moins de fidèles irlandais, plus de citadins) et où elle portait beaucoup plus d’attention aux enseignements sociaux des papes, surtout l’encyclique publiée en 1891 par Léon XIII, Rerum novarum. En 1913, le Record comptait près de 30 000 lecteurs. Son succès s’explique par le fait que Coffey procédait à « un examen minutieux des commentaires éditoriaux et à un choix judicieux de matière instructive provenant de diverses sources ».

Fervent libéral, Coffey ne manquait jamais une occasion de proclamer le génie de sir Wilfrid Laurier. Finalement, le premier ministre le récompensa en le faisant entrer au Sénat le 12 mars 1903. Durant 11 ans, Coffey remplit les fonctions habituelles des sénateurs : il soumit des requêtes, présenta un certain nombre de projets de loi et fit partie de deux comités, le comité des impressions et le comité du compte rendu des débats. En plus, comme il avait de l’expérience dans l’administration d’un journal, on fit souvent appel à lui pour que la production des débats et périodiques du Sénat n’ait pas de retard.

L’éloquence naturelle de Coffey brilla en trois occasions. En 1903, tout en rappelant les pénuries de charbon de l’hiver précédent, il vota contre un projet de loi qui aurait frappé d’interdit les agitateurs ouvriers américains. « Si les capitalistes se liguent pour hausser le prix des biens de première nécessité [...], dit-il, comment pouvez-vous blâmer l’ouvrier de se liguer pour hausser le prix de son travail et avoir ainsi les moyens de vivre ? » À propos des projets de loi qui, en 1905, créèrent les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan tout en imposant des restrictions sévères aux écoles séparées, il déclara : « En tout temps et dans tous les pays, les catholiques feront des sacrifices pour que leurs enfants soient instruits dans la foi qu’ils chérissent autant que leur vie et souhaitent transmettre à leurs descendants. » Par loyauté envers Laurier, il vota en faveur du compromis sur l’éducation, mais ne put guère « complimenter la majorité sur son sens du fair-play ». La Loi de l’extension des frontières du Manitoba de 1912 lui donna l’occasion de ramener sur le tapis toute la question des écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway*]. Il termina son long plaidoyer en faveur de la population catholique de cette province en rappelant à ses collègues que le Sénat devait être « le champion des faibles, le défenseur des minorités, le tribunal dont les décisions se situent au-dessus et au delà de tout ce qui est petit et mesquin ».

Thomas Coffey appartint à l’Association catholique de bienfaisance mutuelle durant 38 ans et soutenait les Canadian Clubs. Fervent partisan de l’autonomie politique de l’Irlande, il n’avait pas de vœu plus cher que d’assister à l’inauguration d’un Parlement à Dublin. Cet homme aimable et charitable avait peu d’ennemis. En 1907, le collège d’Ottawa lui décerna un doctorat honorifique en droit pour son apport au journalisme catholique. À ses obsèques, tenues en la cathédrale St Peter de London, Mgr Michael Francis Fallon*, dérogea à une longue tradition catholique et lui fit une oraison funèbre dans laquelle il dit : « [Thomas Coffey] était un bon, honnête et consciencieux serviteur de l’État et un représentant typique de l’Église catholique [...] Un homme qui révérait sa conscience comme son roi, qui servait Dieu et son pays. »

Michael Power

A0, RG 22-321, no 11990.— Arch. de l’univ. d’Ottawa, registre des ll.d. d’honneur, 1907.— St Peter’s Cathedral (London, Ontario), marriage certificate, 23 mai 1869.— Catholic Record (London), 30 mai 1879, 20 juin 1914, 23 oct. 1948.— Globe, 9 juin 1914.— London Free Press, édition du soir, 9, 11 juin 1914.— Annuaires, London, 18561857, 18631864, 18711872 ; Middlesex County, 18641865.— Canada, Sénat, Débats, 1903, 1905, 19111912 ; Journaux, 19031913.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1908.— CPG, 1903.— J. K. A. Farrell, « The history of the Roman Catholic Church in London, Ontario, 18261931 » (mémoire de m.a., Univ. of Western Ontario, London, 1949).

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Michael Power, « COFFEY, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/coffey_thomas_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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