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COBBETT, WILLIAM, soldat et auteur, né le 9 mars 1763 à Farnham (comté de Surrey, Angleterre), troisième fils de George Cobbett et d’Ann Vincent ; le 5 février 1792, il épousa à Woolwich (Londres) Anne Reid, et ils eurent sept enfants ; décédé le 18 juin 1835 à Ash (comté de Surrey).
Le grand polémiste anglais William Cobbett, qui était un tory radical, venait d’une famille rurale, modeste et inculte. Tout jeune, il manifesta cette qualité d’autodidacte rebelle qui caractérisa toute sa vie. Il fit sa première fugue à l’âge de 14 ans et quitta définitivement son foyer le 6 mai 1783 ; après avoir passé quelques mois malheureux en tant que clerc d’un avocat de Londres, il s’enrôla à Chatham (comté de Kent) dans le 54th Foot le 4 février 1784. Durant un an, il connut la vie monotone de la caserne, puis, en mars 1785, il s’embarqua à Gravesend pour se rendre à Halifax où il devait rejoindre son unité ; à cette époque, il avait été promu caporal. Il allait séjourner six ans dans les Maritimes, surtout au Nouveau-Brunswick, avant de regagner son pays avec son unité.
De retour en Angleterre, Cobbett obtint un licenciement honorable, puis porta des accusations de corruption contre les officiers de son ancien régiment. Craignant des représailles, il s’enfuit en France en 1792, et, plus tard la même année, il se rendit aux États-Unis où il acquit la réputation d’être un journaliste anti-jacobin et anti-Jefferson au franc-parler. En 1800, il se vit contraint de retourner en Angleterre à la suite d’une condamnation pour avoir diffamé un médecin important, Benjamin Rush. Au mois de juin, alors qu’il faisait route vers l’Angleterre, il s’arrêta quelque temps à Halifax. Devenu une célébrité et un héros aux yeux des loyalistes, il fut reçu par Edward* Augustus, duc de Kent.
En 1802, Cobbett fonda une publication qui reflétait ses idées personnelles, le célèbre Cobbett’s Weekly Political Register, dont il fut le rédacteur en chef jusqu’à sa mort. De 1810 à 1812, il fut emprisonné à Newgate pour avoir diffamé le gouvernement et, de 1817 à 1819, il séjourna aux États-Unis, fuyant encore une fois les représailles officielles. En 1830, il publia à Londres son livre le plus connu, Rural rides, qui offre une description inégalée de la campagne anglaise du début du xixe siècle. De 1832 jusqu’à sa mort en 1835, il représenta Oldham au Parlement.
Les années que Cobbett passa au Canada ont été négligées, alors qu’on a beaucoup étudié les autres aspects de sa vie. Mais elles sont importantes, tant par l’influence qu’elles ont eue sur la suite de sa remarquable carrière que par la lumière qu’elles projettent sur l’histoire du Nouveau-Brunswick. Malheureusement, à cause de la rareté des documents de cette époque, on doit s’appuyer sur les écrits ultérieurs de Cobbett, qui sont dogmatiques et souvent contradictoires. Il est même impossible d’établir avec une totale exactitude la chronologie de son séjour au Nouveau-Brunswick. C’est en juillet 1785 qu’il traversa la baie de Fundy en compagnie du 54th Foot ; il partit alors de Windsor, en Nouvelle-Écosse (où le régiment avait été mis en garnison), pour se rendre jusqu’à Saint-Jean. Cobbett fut certainement cantonné pendant quelque temps au fort Howe, à Saint-Jean, et il a pu se trouver avec les troupes appelées à réprimer l’émeute que provoquèrent les élections de novembre [V. Elias Hardy*] ; il devait plus tard faire des observations à propos de ces élections. Il s’installa probablement de façon permanente à Fredericton en juillet 1787.
Cobbett affirmait bien connaître « les fermiers yankees compétents » qui formaient la majeure partie de la population de la nouvelle province du Nouveau-Brunswick, et à leur contact sa vision de la structure sociale fut bouleversée. À sa grande surprise, il découvrit « des milliers de capitaines et de colonels sans soldats, et des milliers de squires sans bas ni chaussures ». Dans son pays, il « n’avait jamais pensé approcher un squire sans [lui faire] un salut des plus respectueux ; mais dans ce nouveau monde, bien qu’[il n’ait été] qu’un caporal, [il avait] souvent ordonné à un squire de [lui] apporter un verre de grog et même de prendre soin de [son] havresac ». Il eut des relations plus personnelles avec un fermier loyaliste de la Nouvelle-Angleterre, dont il fit la connaissance vers juillet 1789. On ne connaît pas le nom de cet homme, mais on sait qu’il habitait à 40 milles de Fredericton et que Cobbett courtisa sa fille. Il faillit d’ailleurs l’épouser, bien qu’il se soit fiancé deux ans plus tôt, au moment où il se trouvait en garnison au fort Howe, avec une adolescente de 13 ans, Anne Reid, qui était la fille de Thomas Reid, sergent dans l’artillerie. On peut en partie attribuer le fédéralisme loyal que Cobbett prôna par la suite et sa critique de la Révolution américaine à ses contacts avec les loyalistes du Nouveau-Brunswick.
Dans la tempête qui faisait rage au moment de la traversée de la baie de Fundy en 1785, Cobbett avait perdu son livre de chevet, A tale of a tub [...], de Jonathan Swift. La perte de cet ouvrage qui, huit ans auparavant, avait provoqué son éveil intellectuel ne refroidit pas sa passion d’autodidacte. Tout en s’élevant en deux ans au grade de sergent-major grâce à un dur labeur et à ses aptitudes naturelles, et, d’après ses dires, en dirigeant pratiquement le régiment au complet, il enseigna à chacun, des officiers jusqu’aux simples soldats, un nouvel exercice militaire, surveilla la construction d’une vaste caserne en pierre à Fredericton, servit de nègre pour la rédaction du rapport d’une commission royale sur le Nouveau-Brunswick (perdu depuis), apprit la grammaire anglaise qu’il enseigna à plusieurs collègues, étudia la géométrie et écrivit un premier manuel, « Notebook on vulgar fractions [...] », qui allait rester à l’état de manuscrit et être suivi de nombreux autres ouvrages. Quand le 54th Foot quitta le Nouveau-Brunswick, le lieutenant-gouverneur Thomas Carleton* loua publiquement les services que Cobbett avait rendus en tant que militaire.
L’expérience que Cobbett avait de l’armée le lança dans une longue carrière de critique des pouvoirs établis, du système des classes et de la corruption. Il affirma que la plupart des officiers étaient ivrognes, incompétents et, pire, vénaux. Aidé du caporal William Bestland, il examina les archives du régiment à la recherche de preuves afin de porter des accusations contre ses supérieurs. Cette tentative naïve échoua mais l’amena à publier son premier ouvrage, The soldier’s friend [...], qui fut imprimé à Londres en 1792. Il avait découvert son métier : se faire le champion de certaines causes par le biais de l’écriture. Il resta « l’ami du soldat » et mena une campagne contre la flagellation, qu’il avait appris à haïr au Nouveau-Brunswick.
Le Nouveau-Brunswick influença Cobbett dans sa vocation de jardinier et d’agriculteur. « J’ai cultivé un jardin à Frederickton, déclara-t-il. J’avais des choux, des navets et des plantes potagères de toutes les variétés rustiques [qui étaient] d’une qualité telle que tout homme doit souhaiter voir. Le maïs poussait et mûrissait bien. » En Grande-Bretagne, il préconisa fortement la culture des navets et du maïs, qu’il appelait, avec la suffisance qui le caractérisait, « maïs de Cobbett ». Grâce aux chèvres du 54th Foot, il se mit à faire valoir les avantages que représentait l’élevage de ces animaux qui demandent peu de soin. Cobbett aima les paysages du Nouveau-Brunswick et les plaisirs de la campagne, dont la chasse, le patinage et surtout les randonnées, sorte de prélude à son ouvrage Rural rides. À l’inverse, il détesta toujours les villes commerçantes. Il pensait probablement à Saint-Jean quand il écrivit : « Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours détesté les ports maritimes. »
Cobbett ne fut jamais très conséquent. Par exemple, ses descriptions du Nouveau-Brunswick vont de l’éloge enthousiaste – « certains de ces endroits surpassent de loin en beauté champêtre tout autre lieu que mes yeux ont contemplé » – au morne commentaire – « ce misérable pays » ; « un grand amas de rochers couverts de sapins ». À la fin de sa vie, ses critiques des colonies nord-américaines augmentèrent, parce qu’il voyait avec horreur les paysans anglais y émigrer. Dans ses nombreux écrits, on retrouve des métaphores inspirées de son séjour au Nouveau-Brunswick. Ainsi il utilisa les rigueurs de l’hiver comme métaphore pour parler des difficultés causées par le papier-monnaie en Grande-Bretagne.
Même si on peut soutenir que William Cobbett fut la personne la plus importante qui vécut jamais au Nouveau-Brunswick, il ne laissa guère de marque dans l’histoire de cette province ; c’est plutôt le Nouveau-Brunswick qui eut de l’influence sur lui. Il ne fait pas de doute que les expériences qu’il y fit l’amenèrent à découvrir sa vraie vocation et, jusqu’à sa mort, il utilisa ces expériences, et en fait sa vie entière, comme matière première de son art, de son écriture et des causes qu’il défendit.
William Cobbett est l’auteur d’un grand nombre d’écrits qui n’ont pas tous été publiés. Il existe deux bibliographies de ses ouvrages publiés : M. L. Pearl, William Cobbett : a bibliographical account of his life and times (Londres, 1953), qui contient aussi quelques informations sur ce qui n’est pas publié ; et P. W. Gaines, William Cobbett and the United States, 1792–1835 ; a bibliography with notes and extracts (Worcester, Mass., 1971). Pour la préparation de cette biographie, les ouvrages et les éditions suivantes ont été utilisés : Advice to young men and (incidentally) to young women in the middle & higher ranks, in a series of letters [...] (Londres, 1926) ; The autobiography of William Cobbett : the progress of a plough-boy to a seat in parliament, William Reitzel, édit. (Londres, [1947]) ; Cobbett’s Weekly Political Reg. (Londres), 1802–1835 ; Life and adventures of Peter Porcupine [...], G. D. H. Cole, édit. (Londres, 1927 ; réimpr., Port Washington, N. Y., 1970) ; « Notebook on vulgar fractions [...] decimal fractions and geometry [...], Fort Howe, 26 January 1789 », manuscrit non catalogué conservé à la Yale Univ. Library, Beinecke Rare Book and
D. G. Bell, Early loyalist Saint John ; the origin of New Brunswick politics, 1783–1786 (Fredericton, 1983).— George Spater, William Cobbett, the poor man’s friend (2 vol., Cambridge, Angl., 1982).— Wallace Brown, « William Cobbett in the Maritimes », Dalhousie Rev., 57 (1976–1977) : 448–461.— Gerald Keith, « The legend of Jenny’s Spring », N.B. Hist. Soc., Coll., no 18 (1963) : 48–54.
Wallace Brown, « COBBETT, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cobbett_william_6F.html.
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Auteur de l'article: | Wallace Brown |
Titre de l'article: | COBBETT, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |