CHURCH, JOHN, officier de milice et homme d’affaires, né le 30 septembre 1757 ; décédé le 19 octobre 1839 à Churchville (Sweetsburg, Québec).
Les origines de John Church sont obscures. Il descendrait d’une famille originaire du Palatinat (République fédérale d’Allemagne) qui aurait immigré vers 1710 dans la colonie de New York, aux environs de la vallée de la rivière Hudson, et dont le nom aurait évolué de Shirts ou Shertz vers la forme anglaise de Church. Durant la guerre d’Indépendance américaine, Church serait passé dans la province de Québec pour offrir ses services à la couronne britannique. Il se peut qu’il ait alors joint les rangs de l’armée de John Burgoyne*. Un an après la fin des hostilités, en 1784, il s’installe à Caldwell’s Manor, près de la baie Missisquoi. Peu après, il épouse Tryphena Huntington, elle aussi originaire de la vallée de la rivière Hudson, et ils auraient eu cinq enfants, un fils et quatre filles, tous nés à Caldwell’s Manor.
Le 5 mai 1795, Church prête le serment d’allégeance, procédure indispensable pour obtenir des terres au Bas-Canada. En 1799, il va s’établir dans le canton de Dunham en compagnie du capitaine Jacob Ruiter et de quelques autres. Il y retrouve son frère Henry et son beau-frère William Shufelt, mari de sa sœur Catherine, arrivés depuis peu en suivant la piste tracée en 1795 par John Savage* ; ce sentier deviendra la principale voie de communication entre le canton de Shefford et la baie Missisquoi.
Après avoir acheté un lot de l’arpenteur Jesse Pennoyer* en 1800, Church décide de se fixer dans le canton de Dunham. Le choix de ce lot est judicieux, car il comprend l’emplacement de la future Churchville qui deviendra plus tard le village de Sweetsburg. D’autres acquisitions contribueront à agrandir son domaine. Sa qualité de loyaliste authentique ne semble pas avoir poussé Church à faire de grandes réclamations. Cependant, en 1803, il obtient avec son frère Henry des lots dans le canton de Potton à titre d’associés de Henry Ruiter. Mais Church et son frère ne semblent pas s’être intéressés à ces terres et ont probablement servi, comme beaucoup d’autres, de prête-noms dans ces transactions en retour d’un certain dédommagement.
Assez rapidement, Church met sur pied dans le canton de Dunham un commerce axé sur l’échange des cendres et de la potasse contre certaines marchandises de première nécessité. Située sur une route achalandée, l’entreprise prospère et comprend bientôt une boutique de forge, une potasserie et une distillerie. En 1814, Church s’associe à son fils John et, vers 1819, il construit avec son aide une vaste maison de brique, l’une des premières de la région ; cette maison deviendra une auberge connue à la ronde où d’importantes réunions seront tenues et même des mariages célébrés, mais où le jeu ne sera jamais toléré.
Les pratiques commerciales de Church sont restées légendaires. Il croyait qu’en revendant ses marchandises quatre fois le prix d’achat, il réalisait un profit de 4 %. Ne sachant pas écrire – à peine peut-il signer son nom – ses livres de comptes sont truffés de pictogrammes. Son magasin abrite vers 1830 le premier bureau de poste de Churchville, et c’est son fils qui en prend la responsabilité. On voudrait construire à cette époque une église sur un terrain voisin, mais une souscription ouverte par Charles Caleb Cotton, ministre de l’Église d’Angleterre, rapporte peu malgré un don généreux de Church.
Le 15 mai 1804, Church avait par ailleurs reçu une commission de lieutenant de milice et, en 1805, on l’avait intégré au 1er bataillon des Cantons-de-l’Est, formé cette année-là, ce qui ne l’oblige pas à grand-chose en temps de paix ; il réussit même à ne pas participer à la guerre de 1812. Cependant, vers 1817, il est nommé capitaine de milice, charge dont il s’acquitte assez fidèlement même s’il doit se plaindre au gouverneur, sir John Coape Sherbrooke*, pour se faire indemniser de ses frais de déplacement à Montréal. C’est peut-être à la suite de cette intervention qu’il reçoit une concession de terre dans le canton de Brome.
En 1826, Church et son fils renouvellent les termes de leur association et le père fait dresser son testament. En 1829, il démissionne de son poste de capitaine de milice et recommande son fils comme successeur. Il semble ensuite s’être retiré des affaires, puisque son fils prend un autre associé en 1830. Malheureusement, John Church fils meurt en 1831 et sa femme, Elizabeth Shufelt, le suit dans la tombe en 1833, en laissant trois fils mineurs. Les biens de cette communauté sont alors vendus aux enchères et Church n’est même pas présent au conseil de famille qui suit.
John Church meurt à Churchville le 19 octobre 1839, à l’âge de 82 ans, entouré des membres de sa famille, et il est enterré deux jours plus tard dans le petit cimetière de la famille Ruiter, près de chez lui. Ce n’est que plus tard que son corps sera transporté dans le cimetière de la Christ Church, à Sweetsburg, où il repose toujours. Le nom de Churchville disparaîtra en 1854, mais le souvenir de Church, homme honnête et débonnaire, subsistera longtemps encore dans la région. Dans toute la mesure de ses moyens, il a participé à la vie de son milieu et a contribué à son progrès.
ANQ-E, CE2-38, 19 oct. 1839 ; CN2-21, 31 mai 1810 ; CN2-26, 17 août 1800, 11 mars 1826, 29 janv. 1827, 24 mai 1830, 30 juin, 18 juill. 1834.— APC, RG 1, L3L : 24874, 31112–31115, 72581, 92522 ; RG 9, I, A5, 1 : 98 ; RG 31, C1, 1825, 1831, Dunham.— Brome County Hist. Soc. Arch. (Knowlton, Québec), Fonds H. B. Shufelt, Harrington, « Churchville » (copie dactylographiée).— Missisquoi Hist. Soc. Arch. (Stanbridge-East, Québec), Dossier Church, généalogie.— Bouchette, Topographical description of L.C.— Illustrated atlas of the Eastern Townships and south western Quebec ([Toronto], 1881 ; réimpr., Port Elgin, Ontario, 1972).— Illustrated dictionary of place names, United States and Canada, K. B. Harder, édit. (New York, 1971).— Langelier, Liste des terrains concédés.— Hormisdas Magnan, Dictionnaire historique et géographique des paroisses, missions et municipalités de la province de Québec (Arthabaska, Québec, 1925).— Officers of British forces in Canada (Irving).— « Papiers d’État – B.-C. », APC Rapport, 1892 : 241–248.— Ivanhoë Caron, la Colonisation de la province de Québec (2 vol., Québec, 1923–1927), 2.— C. M. Day, History of the Eastern Townships, province of Quebec, Dominion of Canada, civil and descriptive [...] (Montréal, 1869) ; Pioneers of the Eastern Townships [...] (Montréal, 1863).— J. C. Furnas, The Americans : a social history of the United States, 1587–1914 (New York, 1969).— B. F. Hubbard, Forests and clearings ; the history of Stanstead County, province of Quebec, with sketches of more than five hundred families, John Lawrence, édit. (Montréal, 1874 ; réimpr., 1963).— The loyalists of the Eastern Townships of Quebec, 1783–84 : 1983–84, bicentennial (Stanbridge-East, 1984).— T. R. Millman, A short history of the parish of Dunham, Quebec (Granby, Québec, 1946).— H. B. Shufelt, Along the old roads : reflections, recollections, romance of Eastern Townships history (Knowlton, 1956).— Cyrus Thomas, Contributions to the history of the Eastern Townships [...] (Montréal, 1866).— J. P. Noyes, « The Canadian loyalists and early settlers in the district of Bedford », Missisquoi County Hist. Soc., Report (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec), 3 (1908) 90–107 ; « The Missisquoi German or Dutch », 2 (1907) 31–35 ; « The old Church Tavern », 3 : 45–46.— Marion Phelps, « Dunham Township’s oldest brick building burned », Eastern Townships Advertiser (Knowlton), 3 juin 1965 : 3.
Marie-Paule R. Labrèque, « CHURCH, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/church_john_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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