CAWDELL, JAMES MARTIN, officier dans l’armée et dans la milice, auteur, instituteur, bibliothécaire et éditeur, baptisé le 24 février 1784 à Sunderland, comté de Durham, Angleterre, fils de James Cawdell et de Sarah Martin ; décédé célibataire le 13 juillet 1842 dans une pension de Toronto.
Selon son propre témoignage, James Martin Cawdell reçut l’« instruction classique habituelle » avant d’entreprendre, « conformément aux vœux de [son] père mais à l’encontre des [siens] », des études de droit. Romantique déclaré, plus avide de « distinctions et [d’]honneurs » que de richesses, il choisit de venir réaliser ses ambitions au Canada. Comme il avait acheté une commission d’enseigne dans le 100th Foot, il rejoignit son unité à Montréal en juillet 1810. Le récit de ce qui lui arriva ensuite provient largement d’une requête qu’il rédigea en décembre 1818.
Le tour de service de Cawdell l’amena en 1810 à York (Toronto), où il provoqua le lieutenant-gouverneur Francis Gore* en se liant d’amitié avec un mécontent, le procureur général William Firth. Le général de brigade Isaac Brock* le muta alors au quartier général régimentaire, au fort George (Niagara-on-the-Lake). Cawdell fut tellement « irrité » qu’il composa sur Gore une satire intitulée Puppet Shew. Comme Brock avait entendu dire – à tort cependant – qu’il y était lui-même raillé, il expédia le jeune insoumis à l’île St Joseph, la « Sibérie militaire du H[aut]-Canada ». En août 1811, Cawdell afficha à cet endroit un autre écrit, qu’on arracha cependant avant qu’il ait produit quelque effet.
Offensé, Cawdell résolut de vendre sa commission et de s’établir sur une terre qu’il avait achetée dans la province. Toutefois, la guerre de 1812 retarda l’exécution de son projet, et il servit en diverses qualités dans le 100th Foot jusqu’à l’approbation de sa démission, en octobre 1813. Alors stationné à Stoney Creek, il était impatient « de faire quelque chose qui [lui] apporterait la renommée tout en étant utile à [son] pays ». En octobre, il exposa par écrit au gouverneur sir George Prevost* un projet qui, il le savait, « a[vait] une allure plus donquichottesque sensée », soit la constitution d’un État indépendant près du fort George. Il y lèverait une troupe de partisans afin de planter une « épine » au pied des Américains. On rejeta sa proposition. Par la suite, les maraudeurs de Joseph Willcocks* capturèrent Cawdell. Après s’être enfui, il tenta de nouveau, en vain, d’obtenir une commission dans la milice. Plusieurs mois après, George Crookshank* lui confia la responsabilité des approvisionnements du commissariat à Holland Landing, poste qu’il occupa jusqu’à la fin des hostilités. En janvier 1816, il demanda à succéder à l’imprimeur du roi, dont la santé déclinait, mais on écarta sa candidature. Cawdell était conscient qu’on le tenait pour un excentrique, voire pour un fou, mais, selon lui, il n’était que de caractère emporté ; pourtant, choisissant une voie qui l’exclurait à jamais de toute place et de tout honneur dans la société provinciale, il ridiculisa Gore encore une fois.
Ainsi Cawdell s’aliéna le gouvernement et tomba vite dans « la pauvreté et l’obscurité ». Au milieu de 1817, il enseignait dans une école de canton. Sûr d’avoir en lui « une petite étincelle de génie » et pressé de sortir de cette ombre qui, pour lui, équivalait à la mort, il sollicita en décembre 1818 les faveurs du nouveau lieutenant-gouverneur, sir Peregrine Maitland*. Benêt en politique, et aussi vaniteux qu’impénitent, il rapporta ne s’être moqué de Gore que par indignation pour avoir été « victime de malice et de duplicité ». De même, il se plaignait de ne pas faire partie de la magistrature alors que « n’importe quel cul-terreux ignare [...] sachant à peine [...] compter jusqu’à dix » y était nommé. Cawdell défendait vivement sa cause ; il préparait un exposé sur la colonisation qui, soulignait-il, n’était « nullement à la Gourlay [Robert Gourlay*] » et « quelques petites choses en vers ». Évidemment, la réponse de Maitland fut cinglante : « [je refuse] d’encourager la publication d’une personne qui m’annonce être le railleur de mon prédécesseur ». Il ajouta que les fermiers étaient plus qualifiés pour devenir magistrats que quelqu’un « qui à [l’]entendre [était] excentrique et doué pour la satire ».
En 1822, Cawdell obtint un modeste poste d’adjudant dans une unité de milice d’York. Un an plus tard, « en proie à de graves embarras pécuniaires », sans domicile fixe et n’ayant pour subsister que son maigre salaire d’instituteur – £16 par an –, il mendia auprès de Maitland, encore une fois sans succès, deux postes vacants depuis peu dans le district de Western. Sa longue quête ne prit fin qu’en 1833 : probablement grâce à l’appui de Robert Baldwin*, il devint secrétaire et bibliothécaire de la Law Society of Upper Canada.
Même si autrefois Cawdell avait préféré la vie de soldat à la littérature parce qu’il croyait ainsi parvenir aux honneurs plus sûrement ou plus rapidement, ce furent ses maigres talents de rimailleur qui lui permirent d’entrer dans l’histoire : il compte en effet parmi les premiers poètes haut-canadiens. À compter du 12 décembre 1810, il publia des vers pendant quelques mois dans la York Gazette, sous le pseudonyme de Roseharp. Composés à la gloire de la constitution ou de l’armée anglaises, de la nature ou des femmes, ses écrits ne semblent pas avoir reçu un bon accueil. Pour John Beverley Robinson*, ce n’étaient que des « inepties ». En mai 1811, soit au moment où Cawdell tomba en disgrâce, Roseharp disparut des pages de la Gazette. Cependant, au début des années 1820, il avait une modeste réputation. Charles Fothergill, en publiant un poème écrit par Roseharp à l’occasion d’un bal de miliciens, signalait que c’était l’œuvre d’un gentleman « bien connu pour son talent poétique ». En 1826, il publia une plaquette de poèmes dont les recettes allèrent à l’une des œuvres de bienfaisance les plus prisées des dames d’York.
Les historiens ont retenu aussi le rôle de Cawdell dans les débuts de la vie littéraire du Haut-Canada. En 1823, il fonda un trimestriel, le Rose Harp. Aucun exemplaire n’en subsiste, mais en juillet de cette année-là un journal de Niagara indiquait avoir reçu le premier numéro. En 1835, Cawdell lança un autre périodique du même nom. Convaincu que la colonie avait « alors atteint un stade de développement suffisant, en termes de population et de richesse, pour que l’on voie déjà s’annoncer l’ère des Arts et des Sciences », il projetait de fonder une « Roseharp Patriotic Academy » pour financer le périodique et pour « encourager et diffuser des sentiments de patriotisme loyal – un goût pour la littérature et les beaux-arts ». De toute évidence, les appuis lui manquèrent car la nouvelle revue ne parut qu’une seule fois.
Avant sa mort, en 1842, James Martin Cawdell souffrit d’une assez grave maladie qui l’empêchait même d’écrire. En mauvais termes avec sa mère et sa sœur, restées en Angleterre, il légua à un petit cercle d’amis ses biens les plus chers : ses livres. La vie ne lui avait pas apporté les honneurs qu’il estimait mériter et il était demeuré le seul à s’attribuer du génie. Si la société dont il convoitait les applaudissements le tint à l’écart, c’est en raison de son tempérament. Contrairement à Gourlay, qu’on percevait comme un critique de la société, Cawdell était seulement un caricaturiste de la personnalité des puissants. Son impétuosité le perdit. Même s’il devint plus prudent après ses démêlés avec Gore, il ne se départit jamais tout à fait de la sensibilité de sa jeunesse. La Roseharp Academy, qui ne vit jamais le jour, devait être « teintée de l’esprit romantique » et, grommelait-il, « si elle attei[gnait] son objectif, les insensibles enfants de la prudence pourr[aient] bien se moquer d’elle autant qu’ils le voudr[aient] ».
Le volume de poésie de James Martin Cawdell, The wandering rhymer, a fragment, with other poetical trifles, a paru anonymement à York (Toronto) en 1826. L’unique édition de son second journal, intitulé Roseharp : for Beauty, Loyalty and Song, a été publiée à Toronto le 1er janv. 1835 ; il semble que le journal ait été entièrement écrit et édité par Cawdell. Des copies de ces deux ouvrages se trouvent à la MTRL qui possède aussi le manuscrit d’une chanson, The Raven Plume, A Romance From a Welsh Legendary Tale [...], que Cawdell a composée pour le York Bazaar Concert de 1833. La requête de Cawdell a été publiée sous le titre de « The memorial of J. M. Cawdell, 1818 », Adam Shortt, édit., CHR, 1 (1920) : 289–301.
AO, MS 4, J. M. Cawdell à J. B. Robinson, 8 juill. 1840 ; MS 78, J. B. Robinson à Macaulay, 15 févr. 1811 ; RG 22, sér. 302, reg. 6 (1838–1842) : 472–474.— APC, RG 1, L3, 106 : C14/7 ; RG 5, A1 : 5026–5027, 11553, 19777–19791, 19795–19798, 31870–31872, 56711–56713 ; RG 8, I (C sér.), 680 : 322 ; 790 : 26–34 ; 1015 : 66 ; 1016 : 105 ; 1168 : 144 ; 1170 : 327 ; 1171 : 41 ; 1203 1/2 : 187, 266 ; 1220 : 152.— Church of Jesus-Christ of Latter-Day Saints, Geneal. Soc. (Salt Lake City, Utah), International geneal. index.— CTA, RG 1, B, J. M. Cawdell à T. McCord, 30 août 1841 (mfm aux AO).— MTRL, Robert Baldwin papers, corr. de M. A. Cawdell à Baldwin.— Doc. hist. of campaign upon Niagara frontier (Cruikshank), 8 : 96.— John Askin papers (Quaife), 2 : 691–693, 697.— Gleaner, and Niagara Newspaper, 19 juill. 1823.— Weekly Register, 29 avril 1824.— York Gazette, 1810–1811.— Law Soc. of U.C., Law Society of Upper Canada, 1797–1972 [...], J. D. Honsberger, édit. ([Toronto], 1972), 59–60, 114.
Robert Lochiel Fraser, « CAWDELL, JAMES MARTIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cawdell_james_martin_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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