CARY, THOMAS, homme d’affaires, fonctionnaire, poète, avocat et rédacteur en chef, né en 1751 près de Bristol, Angleterre ; d’une première union, il eu au moins deux fils, Thomas* et Joseph, puis le 20 avril 1795, il épousa à Québec Jane Oliver, et le couple n’eut pas d’enfants ; décédé le 29 janvier 1823 à Québec.
Thomas Cary a apparemment vécu ses premières années en Angleterre et y a sans doute fait ses études. On ignore tout de sa carrière avant son arrivée dans la province de Québec, si ce n’est qu’il a travaillé pour l’East India Company où il se serait initié aux pratiques commerciales. Ses fonctions dans la compagnie l’ont vraisemblablement mis en contact avec des Canadiens, ce qui peut expliquer en partie sa venue dans la colonie. Mais les raisons qui l’ont incité à quitter l’Angleterre restent inconnues.
Contrairement à ce que l’on a toujours écrit, Cary n’est pas arrivé dans la province de Québec vers 1787. Dès 1775, il habite dans la région de Montréal, à L’Assomption, où il vend des spiritueux. En septembre 1779, il met en vente à la demeure du marchand Mathew Lymburner à Québec, chez qui il habite, des produits de consommation courante. Assez rapidement cependant, sa situation financière devient précaire. À l’été de 1785, visiblement criblé de dettes et pressé par ses bailleurs de fonds, il voit un jugement de la cour ordonner à un syndic de saisir son fonds de commerce pour le vendre à l’encan. Probablement la même année, il se trouve un emploi de commis dans un bureau du gouvernement au salaire annuel de £40. En mars 1789, il publie à Québec Abram’s Plains : a poem, qui est modelé sur le style du poète James Thomson à qui il voue une grande admiration. Ce poème de 568 vers rimés décrit la vallée du Saint-Laurent, les villes qui s’y trouvent et les gens qui y vivent. À son amour de la poésie se greffe aussi un intérêt marqué pour le théâtre, qui se manifeste particulièrement par les rôles qu’il interprète dans certaines pièces présentées au théâtre Patagon. Lors de l’inauguration de ce dernier, il récite une poésie de son cru qui fait l’apologie du théâtre « dans le but de le rendre aussi respectable que possible ».
En 1798, Cary devient secrétaire du gouverneur Robert Prescott*. L’exercice de ses nouvelles fonctions l’amène à rédiger un article sur la répartition des terres de la couronne dans Extract of the minutes of Council, of the 20th September, 1798 [...], qui est publié à l’imprimerie de Roger Lelièvre et de Pierre-Édouard Desbarats. Cary avait eu quelques démêlés avec les membres du Conseil exécutif et, par l’entremise de cet écrit, il pardonne aux conseillers qui ont tenu des propos diffamatoires sur ses capacités administratives dans un rapport gouvernemental. Prescott, qui lui aussi est engagé dans une dispute avec l’exécutif à propos des concessions de terre, donne son appui à Cary, ce qui n’a pas l’heur de plaire aux membres du conseil.
Quelque temps auparavant, Cary avait fondé une bibliothèque de prêt. Situé rue Saint-Louis, l’établissement ouvre ses portes le 14 septembre 1797. Le lendemain de l’ouverture, Cary fait imprimer un catalogue chez John Neilson*, en deux tirages différents de 300 et de 1 000 exemplaires, au coût de £5 3s 4d. Ce catalogue, aujourd’hui introuvable, se vend alors 7 1/2d et décrit les auteurs, les titres et les règlements de la bibliothèque. Cary s’approvisionne directement à Londres en livres anglais. Il semble éprouver par ailleurs beaucoup de difficultés à se procurer des titres français, puisqu’il doit publier une annonce dans la Gazette de Québec où il offre d’acheter des ouvrages français appartenant à des particuliers. Aussi, à l’été de 1799, il fait un voyage à Paris, manifestement pour ramener une cargaison de livres français. Les abonnés de sa bibliothèque peuvent emprunter des livres moyennant 20s pour un an, 12s 6d pour six mois, 7s 6d pour trois mois ou 3s pour un mois ; ce mode d’abonnement assure le succès de la bibliothèque. Afin de satisfaire et d’élargir sa clientèle, Cary ouvre, au début de janvier 1798, un cabinet de lecture au deuxième étage de la bibliothèque où il reçoit des périodiques européens, américains et locaux. Enfin, il met aussi sur pied une petite librairie, attenante à la bibliothèque, et y vend des livres, des articles de bureau et des instruments de mathématiques. Le 18 avril 1820, Cary doit céder sa bibliothèque de prêt à son fils Thomas pour raison de santé.
Peu après le rappel de Prescott en Angleterre le 10 avril 1799, Cary avait perdu son emploi de fonctionnaire. C’est vraisemblablement pour cette raison qu’il offre ses services comme conseiller juridique, surtout pour gérer les affaires concernant les terres. En 1800, il est admis définitivement, semble-t-il, comme avocat. La même année, il se porte candidat dans la circonscription de Québec aux élections de la chambre d’Assemblée, mais se fait battre par son adversaire. Cary ne pratique le droit que temporairement, puis-qu’à l’été de 1801 il fait imprimer chez Neilson 150 exemplaires d’un prospectus bilingue annonçant son nouveau commerce d’encanteur et de courtier. Située d’abord rue Saint-Louis, puis rue Sainte-Anne en 1815, sa firme se spécialise surtout dans la vente d’ameublements de maison et de livres. Même après la fondation de son propre journal en 1805, le Quebec Mercury, Cary continue d’annoncer ses ventes aux enchères dans la Gazette de Québec, qui connaît une plus grande diffusion que le Quebec Mercury. En avril 1817, Cary s’associe avec son fils Joseph et, trois ans plus tard, il se retire pour laisser les guides de l’entreprise à ce dernier.
Parallèlement à son activité commerciale, Cary fonde un journal hebdomadaire. Le premier numéro du Quebec Mercury, dont les bureaux sont situés rue Saint-Louis, paraît le 5 janvier 1805. Composé de huit pages, sur trois colonnes, dont plus de la moitié sont consacrées à la publicité, le Quebec Mercury puise ses informations dans des journaux américains et anglais. Il mise beaucoup sur les nouvelles étrangères sans pour autant négliger les nouvelles locales. Imprimé chez Desbarats, le Quebec Mercury se vend une guinée par année. Il devient bihebdomadaire le 14 mai 1816, mais son champ de diffusion reste très limité, puisque seulement sept agents s’occupent de la distribution dans le Haut et le Bas-Canada. Toutefois, Cary établit des contacts outre-frontière avec quelques imprimeurs-journalistes qui servent d’intermédiaire, sur une base réciproque sans doute, pour la vente du journal aux États-Unis. Soutenu par la bourgeoisie anglophone conservatrice de Québec, le Quebec Mercury, dans le but d’assurer la suprématie politique et économique des Britanniques, valorise le commerce, informe les lecteurs sur l’actualité économique, discute des questions sociales de l’heure et s’attaque régulièrement à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada, en majorité canadienne. Cary, qui en est rédacteur en chef, déploie une francophobie de tous les instants à l’endroit des Canadiens ; cette attitude entraîne la fondation du Canadien, autour duquel les débats vont se polariser.
Afin de suppléer aux coûts d’impression du Quebec Mercury, Cary doit chercher d’autres sources de profit, car il ne possède pas d’atelier typographique qui lui rapporterait des revenus supplémentaires. Il doit par le fait même exercer un autre métier. C’est pourquoi il fait paraître régulièrement des annonces où il offre ses services comme encanteur. Contrairement à ce qu’a écrit Antonio Drolet, Cary n’a jamais été imprimeur. Il s’agit en fait de son fils Thomas.
Vilipendé par certains historiens, non pas tant pour ses prises de position dans le Quebec Mercury que pour sa francophobie exacerbée, encensé par certains de ses biographes, surtout à cause de l’étendue de ses connaissances et de son érudition, Thomas Cary demeure un brillant polémiste qui défend ses principes jusqu’au bout. Même si l’histoire l’a retenu pour ses prises de position radicales, sa carrière d’homme d’affaires dans le monde de l’imprimé reste pourtant le fait marquant de sa vie.
Thomas Cary est l’auteur de : Abram’s Plains : a poem (Québec, 1789) ; et « A true extract [...] », Extract of the minutes of Council, of the 20th September, 1798 ; on the waste lands of the crown, being a continuation, of the extract, of the 11th of June last (Québec, 1798).
ANQ-Q, CE1-61, 20 avril 1795 ; CN1-25, 4 févr. 1783 ; CN1-178, 2 mars 1815 ; CN1-253, 20 févr. 1812, 7 juin 1817, 27 juill. 1824, 27 août 1829 ; CN1-256, 2 mai 1791.— APC, MG 24, B1, 64 ; 84 ; 143–144 ; 147.— La Gazette de Québec, 30 sept. 1779–31 janv. 1823.— Quebec Mercury, 5 janv. 1805–31 janv. 1823.— Beaulieu et Hamelin, la Presse québécoise, 1.— Hare et Wallot, les Imprimés dans le B.-C.— H. J. Morgan, Bibliotheca Canadensis ; Sketches of celebrated Canadians, 156–157.— « Papiers d’État – B.-C. », APC Rapport, 1891 : 171, 177–179.— Quebec directory, 1822.— P.-G. Roy, les Avocats de la région de Québec, 77.— Tremaine, Biblio. of Canadian imprints, 271–272, 533–534.— Wallace, Macmillan dict.— Antonio Drolet, les Bibliothèques canadiennes, 1604–1960 (Ottawa, 1965).— Gilles Gallichan, « Bibliothèques et Culture au Canada après la Conquête (1760–1800) » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1975).— Histoire littéraire du Canada, littérature canadienne de langue anglaise, C. F. Klinck et al., édit., Maurice Lebel, trad. (Québec, 1970).— Réjean Lemoine, « le Marché du livre à Québec, 1764–1839 » (thèse de
Daniel Gauvin, « CARY, THOMAS (1751-1823) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cary_thomas_1751_1823_6F.html.
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Auteur de l'article: | Daniel Gauvin |
Titre de l'article: | CARY, THOMAS (1751-1823) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |