CARRIER, MICHEL, prêtre catholique et archiprêtre, né le 27 août 1805 à Québec, fils de Michel Carrier et de Catherine Bleau ; décédé le 15 janvier 1859 à Baie-du-Febvre (Baieville, Québec).
Fils d’un tanneur du faubourg Saint-Roch de Québec, Michel Carrier, « tombé dans la pauvreté », est accueilli et protégé par Joseph Signay*, alors curé de Québec. Après ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1814 à 1824, il franchit les différentes étapes qui le conduisent à la prêtrise. Ordonné prêtre le 1er mars 1828, il est aussitôt nommé vicaire de la paroisse Notre-Dame de Québec où il exerce son ministère pendant quatre ans. En 1832, une épidémie de choléra s’abat sur Québec, et l’abbé Carrier est alors désigné auprès des cholériques. Pour accomplir sa mission, il doit se soumettre à une quarantaine éprouvante, ne sortant que pour se rendre auprès des malades et recevant sa nourriture par un guichet. Même s’il n’est pas atteint, il sort de cette épreuve presque chauve et rongé par une très grande fatigue qui laissera des séquelles durant toute sa vie ; désormais, les petites contrariétés deviendront pour lui des drames.
Pour récompenser Carrier de son dévouement, l’évêque de Québec, Mgr Bernard-Claude Panet*, lui confie dès l’automne de 1832 l’importante cure de Saint-Édouard (à Bécancour). À son arrivée dans cette paroisse, le nouveau curé se distingue par des sermons d’une grande éloquence. En 1835 et 1836, il accompagne Mgr Signay, évêque de Québec, dans sa visite épiscopale, à titre de prédicateur, tout en gardant sa cure.
La paroisse Saint-Édouard aura servi de tremplin à Carrier, car, le 8 octobre 1836, il est nommé curé de Saint-Antoine-de-Padoue, à Baie-du-Febvre, en remplacement de Charles-Vincent Fournier*. Connaissant sa réputation d’éloquence, les paroissiens se réjouissent de sa venue. Dès le mois de mars 1837, Carrier doit cependant faire face à une première difficulté. À l’occasion de la reddition annuelle des comptes, on découvre qu’un vol a été perpétré dans le coffre-fort de la fabrique. Cet homme d’une trop grande sensibilité se retrouve donc à la tête d’une paroisse dépouillée de 12 000 ; en outre, l’église et le presbytère demandent des agrandissements et des réparations. Mgr Signay, qui connaît le tempérament timoré du curé, lui prodigue sans cesse conseils et encouragements.
À partir de 1845, Carrier est aux prises avec des problèmes découlant du financement des écoles. En dépit du fait que la loi scolaire de 1841 prévoit que les écoles seront financées à même les fonds publics [V. Jean-Baptiste Meilleur*], certains marguilliers font des pressions pour que la fabrique soutienne les écoles, mais le curé s’y oppose, car le presbytère et les dépendances sont en ruine, et les travaux effectués dans l’église depuis 1839 ne sont pas payés. Carrier est tellement affecté par ce problème qu’il contracte une maladie sérieuse et doit, en 1847, se reposer à l’Hôtel-Dieu de Québec. En janvier, le vicaire général Thomas Cooke* fait part à Mgr Signay de ses inquiétudes : « [L’abbé Carrier] a besoin d’être égayé. La solitude lui est contraire. »
Outre ses fonctions curiales à Baie-du-Febvre, Carrier, qui devient archiprêtre en 1849, prend part, à la colonisation des Bois-Francs et des Cantons-de-l’Est. Il est lié à la fondation des paroisses Saint-Louis, à Saint-Louis-de-Blandford, Saint-Félix, à Saint-Félix-de-Kingsey, Saint-Pierre, à L’Avenir, Saint-Germain-de-Grantham, Saint-Bonaventure-d’Upton, à Saint-Bonaventure, Saint-Jean, à Wickham, et Saint-André, à Acton-Vale. Cooke, qui devient évêque de Trois-Rivières en 1852, lui confie les missions les plus délicates, même celles qui concernent la nomination des curés, et le charge de vérifier le bien-fondé des demandes de création de nouvelles paroisses. Carrier accomplit ces tâches avec une grande conscience et dans un esprit de justice sociale, mais toujours il lui faut être soutenu et encouragé par son évêque. Ainsi, dans le cas de la division de la paroisse Saint-Guillaume-d’Upton, à Saint-Guillaume, en 1856, il demande conseil à Mgr Cooke, car la division menace de couper de belles terres en deux, puis finalement, libéré de cette responsabilité, il lui écrit : « Merci de me décharger du pénible fardeau que j’avais sur les épaules. »
Malgré cette anxiété maladive, l’abbé Carrier jouit d’une grande réputation d’éloquence. Il est le prédicateur attitré des visites épiscopales de Mgr Signay pendant plus de dix ans. Il excelle dans le mode de prédication en faveur à l’époque, appelé la conférence, qui consiste en une controverse entre deux prêtres, l’un, généralement Carrier, se tenant dans le chœur et jouant le rôle du pécheur ou de l’avocat du diable, l’autre, du haut de la chaire, personnifiant l’avocat de Dieu. Cette éloquence est aussi particulièrement mise à profit pendant les troubles de 1837–1838 pour calmer les esprits surexcités. Il mène une campagne de prédication énergique contre les patriotes de la région de Nicolet.
Les dernières années de Michel Carrier sont très difficiles, les moindres petits contretemps devenant pour lui des problèmes insolubles. Les lettres de détresse se succèdent à l’évêché de Trois-Rivières. Accablé, l’abbé Carrier ne se sent plus la force de diriger sa paroisse et, en décembre 1858, il en informe Mgr Cooke : « Vous ignorez l’état où je me trouve ; si vous le connaissiez, vous ne m’abandonneriez pas [...] Je me trouve entièrement bouleversé. J’en suis rendu au point que je ne peux plus m’appliquer ni aux affaires de mon ministère, ni à mes affaires particulières. Je ne peux plus résister. » D’ailleurs, il ne résiste pas longtemps et meurt le 15 janvier 1859. Il lègue une partie de ses biens à sa famille, notamment à son père qui vivait avec lui, et fait don « d’une somme de cinq cent livres, la moitié à l’évêché et l’autre moitié au séminaire de Nicolet ». Il est inhumé le 19 janvier, par l’évêque de Trois-Rivières, dans le chœur de l’église à Baie-du-Febvre. De nombreux paroissiens le considèrent comme un saint et se procurent des reliques. Malgré une santé altérée par son dévouement lors du choléra de Québec, l’abbé Carrier fut très actif et peut être considéré à juste titre comme l’un des bâtisseurs du comté de Yamaska.
AAQ, 12 A, C : fo 58 vo ; 1 CB, XII : 27.— ANQ-M, CE3-2, 19 janv. 1859.— ANQ-Q, CE1-1, 27 août 1805.— Arch. de l’évêché de Nicolet (Nicolet, Québec), Cartable Baie-du-Febvre, 15 janv. 1849.— Arch. de l’évêché de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), Boîte Carrier-Cooke, corr., 5 janv., 19 oct. 1856.— ASN, AO, Séminaire, IV, 26 févr. 1855 ; AP-G, L.-É. Bois, G, 8 : 175.— « Les Dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 194.— Allaire, Dictionnaire, 1 : 100.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Panet », ANQ Rapport, 1933–1934 : 268, 313, 357, 382 ; 1935–1936 : 266 ; « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », 1932–1933 : 219 ; « Inv. de la corr. de Mgr Signay », 1936–1937 : 153, 162, 183, 294 ; 1937–1938 : 51, 128, 132 ; 1938–1939 : 216, 233, 240, 258, 279, 293, 301 ; « Inventaire des documents relatifs aux événements de 1837 et 1838, conservés aux Archives de la province de Québec », 1925–1926 : 223.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 3 : 120–122.— Tanguay, Répertoire (1893), 199.— J.-E. Bellemare, Histoire de la Baie-Saint-Antoine, dite Baie-du-Febvre, 1683–1911 (Montréal, 1911), 183, 197–275.— Chabot, le Curé de campagne, 125.— Douville, Hist. du collège-séminaire de Nicolet, 1 : 451–452.— L.[-H.] Fréchette, Originaux et Détraqués : douze types québecquois (Montréal, 1943), 48–49.— C.-É. Mailhot, les Bois-Francs (4 vol., Arthabaska, Québec, 1914–1925), 1 : 182.
Michel Morin, « CARRIER, MICHEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/carrier_michel_8F.html.
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Auteur de l'article: | Michel Morin |
Titre de l'article: | CARRIER, MICHEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
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