CARIGOUAN (Carigonan), célèbre sorcier guérisseur montagnais hostile aux Français ; décédé vers la fin de 1634.

Carigouan faisait partie d’une bande de Montagnais avec lesquels le jésuite Paul Le Jeune passa l’hiver de 1633–1634, s’associant à leur vie nomade dans les montagnes et les vallées situées au sud du cours inférieur du Saint-Laurent. Son hôte était Mestigoït, frère de Carigouan et chasseur à la fois brave et bon. Carigouan avait deux autres frères, Pastedechouan et Sasousmat, sur lesquels il exerçait une grande influence.

Carigouan, qui était alors le plus célèbre de tous les sorciers montagnais, en imposait à tous les gens de sa tribu et ils lui obéissaient aveuglément ; même la nuit ou par temps froid, ils accomplissaient les rites et les cérémonies qu’il leur prescrivait.

Le père Le Jeune fait part dans ses récits des manifestations dont il fut témoin : fêtes, danses, prières et rites mortuaires, y compris les fêtes de l’Ours et de la « Jambe du Manitou », au cours desquels on accrochait à l’endroit où Carigouan était installé un sac de cuir recourbé et rempli de poil de castor. Le Jeune fut témoin de cérémonies de secouage des tentes et il vit Carigouan « tuer », en accomplissant un rite, un sorcier qui se trouvait en Gaspésie, à plus de 100 lieues de là. Il arrivait à Carigouan de s’isoler dans une case située un peu à l’écart et d’y passer huit ou dix jours à pleurer, à crier et à battre du tambour.

Le Jeune a rapporté des conversations qu’il eut avec Carigouan et ses admirateurs au sujet de la création, ainsi que de la nature de l’univers, avec tout ce qu’il renferme, qui, croyaient-ils, fut restauré par Messou après le déluge, et aussi de la nature des « génies », qui connaissaient l’avenir et qu’on invoquait dans la cérémonie du secouage des tentes ; des âmes humaines et animales (les âmes étaient, pour eux, des ombres qui possédaient des attributs physiques et qui devaient, par conséquent, manger, dormir, boire et chasser) ; et du village des âmes disparues. Il décrit les rêves, les chants, les danses, les tambours, les sueries et les guérisons.

Carigouan demeura hostile à l’égard du prêtre, qui l’estimait « sale au dernier point ». Il réclamait sans cesse des cadeaux, surtout du tabac, et il se plaignait amèrement des efforts que faisait Le Jeune pour le discréditer. « C’estait luy arracher l’ame du corps par violence », écrivait Le Jeune. Carigouan avait naturellement les Français en aversion. Il cherchait à empêcher Le Jeune d’apprendre la langue, il blasphémait en sa présence et, devant ses sympathisants, il tournait sans cesse le père en dérision, allant même bien souvent jusqu’à le menacer de mort. Il ne participa aux prières qu’à Noël, alors que sévissait la famine.

L’hiver suivant, celui de 1634–1635, Carigouan fut brûlé vif dans sa case ; quelqu’un de sa propre tribu y avait mis le feu pour se libérer du fardeau de ce sorcier, qui était alors malade. Après sa mort, on amena son fils au père Le Jeune, qui le baptisa en 1636.

Elsie McLeod Jury

JR (Thwaites), passim.

Bibliographie de la version révisée :
« Documents 26, 64, 114 », dans Monumenta Novæ Franciæ, Lucien Campeau, s.j., édit. (9 vol., Rome et Québec, 1967–2003), 3 : 42–130, 182–404, 520–798.

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Elsie McLeod Jury, « CARIGOUAN (Carigonan) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/carigouan_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2014
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