CARDENEAU, BERNARD, marchand, né probablement en 1723 et décédé après 1764.
La première mention de Bernard Cardeneau dans l’histoire de la Nouvelle-France remonte au 24 novembre 1751, date à laquelle il épousa, à Sainte-Foy, Marie-Anne Guérin, veuve de Nicolas Jacquin, dit Philibert. Son contrat de mariage, en date du mois précédent indique que Cardeneau était âgé de 28 ans, qu’il avait « déjà été commis des vivres sur les navires de Sa Majesté » et qu’il possédait 25 000# en marchandises et en espèces. Cardeneau s’occupait activement de commerce ; il était probablement au nombre des marchands qui fournissaient les marchandises et les services au gouvernement de la colonie [V. Pierre Claverie]. On retrouve sa signature sur des contrats qui furent présentés dans l’Affaire du Canada après la Conquête [V. François Bigot*] ais on ignore à peu près tout de ses affaires. Le rôle de Cardeneau tire toutefois son importance des nombreux mémoires qu’il rédigea après la perte de la Nouvelle-France sur la situation du papier-monnaie au Canada et les problèmes reliés à sa liquidation.
En 1763, le ministre de la Marine, le duc de Choiseul, avait renversé la politique du gouvernement français concernant la suspension des paiements sur le papier-monnaie de la Nouvelle-France. Renforcée par la perte du Canada, cette politique avait miné le crédit du trésor national français et suscité des attaques grandissantes contre l’administration gouvernementale. Choiseul insista sur la nécessité de rétablir les demandes des créanciers de la colonie tels que Cardeneau, de façon à éloigner les critiques contre le gouvernement, tout en les faisant retomber sur les malversations des fonctionnaires de la colonie qui avaient été rapatriés après 1760. Choiseul assura alors les détenteurs de numéraire colonial qu’un intérêt annuel de 5 p. cent s’ajouterait au capital impayé des lettres de change du gouvernement lesquelles n’avaient pas encore été remboursées ; il remplaça la vieille commission formée en 1758 pour étudier le problème de la surabondance de papier-monnaie en Nouvelle-France par une commission juridique spéciale chargée de faire enquête et de juger les individus mêlés à des dépenses de fonds publics au Canada durant les récentes hostilités.
Le premier rapport de Cardeneau date du 30 avril 1763, quoiqu’il avait probablement été écrit l’année précédente. Il énumère avec concision les différentes sortes de papier-monnaie du Canada, explique leurs taux variés de dépréciation et justifie leur rachat. Cardeneau était clairement d’accord avec la nouvelle politique de Choiseul visant à favoriser les créanciers coloniaux. Il prétendait posséder pour 20 000# d’ordonnances de paiement et de récépissés et laissait sous-entendre qu’il détenait une valeur beaucoup plus importante en lettres de change. Vers la fin de l’année parut un nouveau mémoire, anonyme, attribué à Cardeneau, proposant un plan destiné à provoquer la rébellion au Canada sous le prétexte de déterminer la quantité d’argent canadien encore utilisée dans la colonie. L’auteur note que près des trois quarts des billets en circulation au Canada avant la Conquête étaient encore entre les mains des habitants ; il suggère qu’en rencontrant la population, pour connaitre la quantité de billets, on pourrait sonder l’attitude des Canadiens à l’égard de la France. Il est possible que le plan, dont les détails ne concernent que le district de Montréal, ait été une ruse imaginée par l’auteur pour obtenir une aide du gouvernement lui permettant de poursuivre ses propres affaires au Canada.
Au printemps de 1764, après la cession du Canada à l’Angleterre, parut un autre mémoire, également attribué à Cardeneau, critiquant les plans établis en France pour liquider la monnaie canadienne. L’auteur s’objectait en particulier à la nomination possible à Paris d’Alexandre-Robert Hillaire* de La Rochette, dernier agent des trésoriers généraux de la Marine au Canada, au poste de commis chargé de recevoir et de classer les déclarations et les demandes des détenteurs de papier-monnaie. Malgré les objections de Cardeneau, La Rochette obtint le poste et, en 1769, déclara qu’il avait racheté pour 90 millions d’argent canadien, la moitié en espèces et le reste en obligations du gouvernement à 4 p. cent. On perd ensuite la trace de Cardeneau. Ce créancier colonial frustré, dont les projets restèrent sans lendemain, disparut aussi discrètement qu’il était apparu.
Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt), II : 946–950, 952–954, 956, 960, 962–964, 972–976.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), X 1 155–1 157.— P.-G. Roy, Inv. ins. Prév. Québec, II 54.— Tanguay, Dictionnaire.— Frégault, François Bigot, I : 382.— P.-G. Roy, L’histoire vraie du Chien d’Or, Cahiers des Dix, X (1945) : 132.
James Pritchard, « CARDENEAU, BERNARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cardeneau_bernard_3F.html.
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Auteur de l'article: | James Pritchard |
Titre de l'article: | CARDENEAU, BERNARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
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