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BRUCE (Brousse), JOHN, charpentier d’origine métisse, président du gouvernement provisoire de la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), fonctionnaire et juge, né en 1837, fils de Pierre Bruce et de Marguerite Desrosiers ; il épousa Angélique Gaudry, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 26 octobre 1893 à Leroy, Dakota du Nord.

Considéré par certains comme une « figure de proue » du mouvement d’opposition des Métis de 1869–1870, John Bruce apparaît plutôt comme un homme d’une certaine importance qui avait des idées bien à lui quant à l’avenir de la colonie de la Rivière-Rouge. Charpentier de son état, il n’avait pas fait d’études particulièrement poussées, mais il aidait des confrères métis à exposer leurs causes devant les tribunaux de l’Assiniboia. En 1869, il travaillait pour la compagnie d’Andrew Graham Ballenden Bannatyne* et d’Alexander Begg.

Au début d’octobre de cette année-là, Bruce rencontra Louis Riel* et trois autres Métis, probablement François-Xavier Dauphinais, Pierre Poitras et André ou Jean-Baptiste Beauchemin, dans le palais de justice situé tout juste à l’extérieur d’Upper Fort Garry (Winnipeg), afin de former un comité qui se chargerait d’empêcher le lieutenant-gouverneur désigné, William McDougall*, d’entrer dans la colonie jusqu’à ce que le gouvernement canadien ait garanti le respect des droits de ses habitants. Riel et Bruce assistèrent ensuite, chez le magistrat Thomas Sinclair, dans la paroisse St Andrews, à une réunion visant à persuader les sang-mêlé d’expression anglaise de s’opposer eux aussi à l’entrée de McDougall, mais ils ne parvinrent pas à les convaincre. À la mi-octobre, Bruce fut élu président du Comité national des Métis et, le 8 décembre, il devint chef du gouvernement provisoire proclamé par Riel. Il démissionna de ce dernier poste le 27 décembre en invoquant des raisons de santé, mais le bruit courait que les chefs du gouvernement étaient en désaccord. En février 1870, dans une lettre au Courrier de Saint-Hyacinthe (Québec), Bruce nia l’existence d’une dissension mais laissa à entendre qu’il était opposé à ce que la colonie fasse partie du Canada plutôt que des États-Unis. Il demeura membre du conseil du gouvernement en qualité de commissaire des travaux publics. Sous sa gouverne, on coupa les glaces autour des pontons qui soutenaient le pont de la rivière Assiniboine, de manière à ce que celui-ci ne soit pas emporté par la débâcle au printemps de 1870, et on fit des réparations à d’autres ponts.

Quoique plus tard Bruce ait nié avoir continué à faire partie du gouvernement provisoire, il se trouvait à Upper Fort Garry en juillet 1870 et il était au courant des activités de Riel. Il écrivit à l’évêque Alexandre-Antonin Taché au sujet des problèmes qu’éprouvait Riel à traiter avec les Indiens venus lui demander son aide par suite des promesses que leur avaient faites, pendant l’hiver, les agents de McDougall et l’agitateur John Christian Schultz, qui était opposé à Riel. Il était également au courant de l’arrivée du capitaine William Francis Butler*, officier de renseignements pour le compte du corps expéditionnaire de la Rivière-Rouge, déjà en route vers la colonie sous les ordres du colonel Garnet Joseph Wolseley*. Cependant, à l’arrivée des troupes de Wolseley, Bruce ne prit pas la fuite avec Riel et Ambroise-Dydime Lépine*. Il demeura dans la colonie, et Adams George Archibald, premier lieutenant-gouverneur du Manitoba, le nomma juge au tribunal des petites causes et magistrat stipendiaire.

En août 1871, Bruce décida de vendre sa terre, même s’il craignait qu’en la vendant à Bannatyne celui-ci la revende à un orangiste. Il écrivit à Mgr Taché qu’il le faisait parce qu’il avait des dettes, mais une autre raison plus impérieuse le poussait à ce geste. En effet, il semblait désormais presque impossible qu’Archibald parvienne à rétablir la paix et l’ordre qu’il recherchait pourtant sincèrement car, durant tout l’automne et l’hiver de 1870–1871, le 1st (Ontario) Battalion of Rifles, régiment de volontaires en poste à Upper Fort Garry, avait pourchassé et attaqué tous les Métis qui s’aventuraient dans le fort, sans tenir compte du fait qu’ils étaient ou non partisans de Riel ; n’importe quel Métis était une bonne prise. La violence avait atteint son paroxysme au cours d’une mutinerie survenue à la prison le 18 février 1871 ; on avait mis des heures à la maîtriser, et plusieurs prisonniers avaient réussi à s’évader. Puis, de nouveaux incidents violents avaient éclaté au printemps. Dans une lettre au premier ministre sir John Alexander Macdonald, Archibald expliqua pourquoi William Bernard O’Donoghue*, l’ancien compagnon de Riel, en se présentant à la frontière avec un groupe armé de féniens, comme la rumeur le laissait entendre, avait de bonnes raisons de compter sur un soulèvement général des Métis : « Beaucoup [de Métis], écrivit Archibald, ont été tellement battus et violentés qu’ils ont l’impression de vivre en esclavage. »

D’après certains renseignements, Bruce aurait rejoint O’Donoghue, qui était arrivé avec une petite troupe à Pembina, dans le Dakota du Nord, à l’automne, en vue de porter un coup à la Grande-Bretagne en envahissant le Manitoba (cette invasion allait avorter). Le 4 octobre, pour expliquer leur absence de la réunion d’un comité qui cherchait à maintenir l’allégeance des Métis aux gouvernements fédéral et provincial, Jean-Baptiste Lépine* et André Nault* écrivirent qu’ils étaient allés « voir ce qu’O’Donoghue [voulait], évaluer sa force et surveiller les agissements de Bruce et de tous les Métis de la province qui étaient près de lui ». On publia une proclamation annonçant que Bruce était destitué de ses fonctions. En novembre, Archibald écrivit à Macdonald que « le renvoi d’un homme nommé Bruce de la magistrature a[vait] aussi fait du bien ».

En 1874, Bruce comparut comme un des témoins importants au procès d’Ambroise-Dydime Lépine, accusé du meurtre de Thomas Scott*, et son témoignage contre l’inculpé lui valut d’être qualifié de « renégat et [de] traître » dans le Métis de Saint-Boniface. Plus tard, il alla s’installer à Leroy avec sa famille. Tombé malade au début de l’année 1892, il voulut se réconcilier avec son Église ; il écrivit à Mgr Taché qu’il avait écouté de mauvais conseils et demanda pardon. Il mourut à Leroy et fut inhumé dans le cimetière catholique.

L’étude de John Bruce jette un éclairage nouveau sur les diverses nuances d’opinion qui existaient tant dans le gouvernement provisoire de 1869–1870 que dans la communauté métisse des années ultérieures, en proie aux souffrances tant morales que physiques.

N. E. Allen Ronaghan

AN, MG 26, A, 102 ; 187–188.— Arch. de l’archevêché de Saint-Boniface (Saint-Boniface, Manitoba), Fonds Taché, T6969, T7752, T9278, T48449–48451.— PAM, MG 14, B26.— PRO, CO 42/689.— St Joseph’s Roman Catholic Church (Leroy, N.Dak.), Reg. of burials, oct. 1893.— Begg, Red River journal (Morton).— Canada, chambre des Communes, Journaux, 1874, app. 6.— Preliminary investigation and trial of Ambroise D. Lepine for the murder of Thomas Scott [...], G. B. Elliott et E. F. T. Brokovski, compil. (Montréal, 1874).— Louis Riel, les Écrits complets de Louis Riel, G. F. G. Stanley, édit. (5 vol., Edmonton, 1985).— Le Courrier de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Québec), 5 févr. 1870.— Manitoba Free Press, 18 oct. 1873.— Manitoba News-Letter (Winnipeg), 11 oct. 1870.— Le Métis (Saint-Boniface), 9 nov. 1871, 5 déc. 1874.— New Nation (Winnipeg), 1er, 8 avril 1870.— Nor’Wester (Winnipeg), 26 oct. 1869.— The genealogy of the first Métis nation ; the development and dispersal of the Red River settlement, 1820–1900, D. N. Sprague et R. P. Frye, compil. (Winnipeg, 1983).— Pioneers of Manitoba (Morley et al.).— George Dugas, Histoire véridique des faits qui ont préparé le mouvement des Métis à la Rivière-Rouge en 1869 (Montréal, 1905).— N. E. A. Ronaghan, « The Archibald administration in Manitoba – 1870–1872 » (thèse de ph.d., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1986).

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N. E. Allen Ronaghan, « BRUCE (Brousse), JOHN (1837-1893) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bruce_john_1837_1893_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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