BROWN, PAOLA (Paoli, Paole, Peole), crieur public et homme à tout faire ; circa 1828–1852.

Selon la tradition, Paola Brown, né en Pennsylvanie vers 1807, aurait été un esclave qui s’était enfui d’une plantation du sud des États-Unis. Toutefois, son prénom, peut-être dérivé du nom d’une ville avoisinant Philadelphie ou du célèbre libérateur de la Corse, Pasquale Paoli, mort en 1807, ajouté au fait qu’il se prétendait instruit, laisse supposer que Brown était probablement un homme libre ou un domestique lié par contrat, vivant en ville, plutôt qu’un esclave vivant à la campagne.

Brown apparut dans le Haut-Canada à la fin de 1828, comme un chef itinérant des familles de Noirs disséminées entre Niagara (Niagara-on-the-Lake) et Dundas. Afin d’obtenir des terres pour fonder un établissement qui rassemblerait les familles noires de Niagara à Waterloo, il prépara deux pétitions. Dans la première, on déclarait que l’établissement du canton d’Oro que le gouvernement avait réservé aux Noirs était trop éloigné, et on demandait une nouvelle concession mieux située. Au début de décembre, le Conseil exécutif rejeta la pétition et insista pour que les Noirs s’établissent dans le canton d’Oro ou à proximité. La seconde pétition fut envoyée peu après ; elle demandait qu’on approuve la création d’une compagnie qui permettrait d’acheter des terres faisant partie des réserves du clergé situées sur la rivière Grand, où les pétitionnaires projetaient de cultiver du tabac. Le 17 janvier 1829, le conseil rejeta la pétition, affirmant que les terres en question n’avaient pas encore été arpentées et n’étaient pas à vendre à ce moment-là.

Une des raisons pour lesquelles les pétitionnaires réclamaient une attention particulière était le besoin qu’ils éprouvaient de se protéger eux-mêmes ; ils citaient d’ailleurs des cas de Noirs kidnappés et ramenés aux États-Unis. De plus, des incidents raciaux, peu importants quoique violents, s’étaient produits dans le Haut-Canada, et, peu après l’envoi de ces pétitions, Brown lui-même en fut victime. En mai 1829, George Gurnett*, éditeur de la Gore Gazette, journal d’Ancaster, fut accusé de « voies de fait sur [la personne d’]un certain Paoli Brown, homme de couleur ».

Incapable de mettre sur pied un nouvel établissement, mais conservant un intérêt soutenu pour le bien-être des Noirs des districts de Niagara et de Gore, Brown se rendit à Hamilton. L’essor de cette ville, à la fin des années 1820 et pendant les années 1830, attira un petit groupe de Noirs auprès desquels Brown assuma un rôle de chef. Après 1833, il rassembla les Noirs de la région lors des célébrations annuelles du 1er août qui commémoraient l’abolition de l’esclavage dans l’Empire britannique. Il continua aussi à s’occuper de pétitions en faveur des Noirs. En 1837, il en signa une dans laquelle la communauté noire lançait un appel afin que l’audience tenue pour décider de l’extradition de l’esclave fugitif Jessé Happy soit juste. Cinq ans plus tard, son nom figurait en tête d’une liste de 170 « personnes de couleur de Hamilton et des environs » qui envoyèrent une pétition à sir Allan Napier MacNab* pour protester contre le retour forcé de Nelson Hackett*, de Sandwich (Windsor), à l’esclavage aux États-Unis.

Durant les années qu’il passa à Hamilton, Brown subvint à ses besoins et à ceux de sa femme en travaillant comme homme à tout faire et comme crieur public et crieur de ventes aux enchères. Au dire de gens de la ville, il était exceptionnel et populaire ; Laura B. Durand écrivit plus tard, dans des souvenirs anecdotiques et condescendants, que « sa vanité et son affectation étaient aussi typiques de sa race que sa bonne nature et sa volubilité ». Le crieur public Brown, portant un pantalon et un haut-de-forme blancs par temps chaud et une grande cape militaire en hiver, usait de sa voix « grave et sonore » et s’aidait d’une grosse cloche. Toutefois, ces activités ne plaisaient guère à certains habitants de la ville ; Brown reçut des insultes, et on lui demanda de se taire. En 1849, les gens qui le percevaient comme un ennui étaient assez nombreux pour que soit adopté un arrêté municipal qui, s’il avait été appliqué à la lettre, l’aurait empêché de crier ses messages et de sonner sa cloche.

L’intérêt de Brown pour l’instruction et la religion fut la source de divertissements cruels et incita les « jeunes badins » de Hamilton à faire de lui la victime de leurs farces. Bien qu’il ait prétendu que les « grands auteurs de l’Antiquité » étaient ses « fidèles compagnons », Mme Durand allégua qu’il était « absolument sans instruction ». S’il transportait simplement un livre, on s’empressait de lui demander avec sarcasme comment il réussissait dans ses études. Le comportement de la communauté renforça chez Brown un certain fatalisme qui dut faire de ses déclarations sur les fléaux de l’époque un témoignage amer plutôt qu’un exposé plein d’humour de la part d’un aimable personnage de l’endroit.

En 1843, un important mouvement adventiste, dirigé par William Miller, déferla sur l’ouest de l’état de New York. On y professait que l’heure de la délivrance de l’homme par l’homme était dépassée et que la seconde venue du Christ était imminente. De nombreux dirigeants de ce mouvement, qui fut surtout très fort à Rochester, étaient d’éminents abolitionnistes, et ils décrivaient un monde où l’on rencontrait de plus en plus de violence et de corruption. Adepte du mouvement et animé de prosélytisme, Brown, qui était un des membres du temple de Hamilton, se trouvait parmi ceux qui s’assemblèrent le 22 octobre 1844, dans l’espoir d’être emporté au ciel ; cette journée passée sans que rien ne survienne ne fit sans doute qu’exacerber une cruauté déjà évidente à Hamilton.

Au début de 1851, plus de 200 citoyens invitèrent Brown à faire une conférence sur les maux de l’esclavage. Le 7 février, il commençait tout juste son allocution devant une grande foule lorsqu’un mauvais plaisant éteignit les lumières et sema la panique. Le discours de Brown, publié la même année, marie dans une rhétorique prophétique sa passion pour la liberté des Noirs aux États-Unis et sa vision de la justice divine. Le message était clair : « Propriétaires d’esclaves, je prends Dieu, je prends les anges, je prends les hommes à témoin que votre destruction est proche et qu’elle sera promptement consommée, à moins que vous ne vous repentiez. »

Le recensement de 1852 indique que Paola Brown occupait les bureaux, situés dans un sous-sol, de Hugh Bowlby Willson*, avocat éminent et spéculateur foncier de Hamilton. Il disparut peu après, et on a prétendu qu’il était mort dans l’indigence.

John Weaver

Paola Brown est l’auteur de : Address intended to be delivered in the City Hall, Hamilton, February 7, 1851, on the subject of slavery (Hamilton, Ontario, 1851). Un compte rendu du discours et de son interruption a paru sous le titre de « Lecture of Paola Brown, Esq., on slavery », Weekly Spectator, 13 févr. 1851.

APC, RG 1, E3, 35 : 225–227 ; L3, 50 : B15/115 ; RG 5, A1 : 50676–50678.— HPL, Hamilton census and assessment rolls, 1837, 1840–1841 ; Scrapbooks, H. F. Gardiner, 215 : 43 ; 216 : 51 ; 273 : 109.— McMaster Univ. Library (Hamilton), Research Coll. and Arch., Hamilton Police Village minutes (copie dactylographiée).— Canadian Freeman (York [Toronto]), 5 janv. 1832.— Hamilton Spectator, and Journal of Commerce, 25 juill. 1849.— DHB.— G. E. French, Men of colour : an historical account of the black settlement on Wilberforce Street and in Oro Township, Simcoe County, Ontario, 1819–1949 (Stroud, Ontario, 1978).— D. G. Hill, The freedom-seekers : blacks in early Canada (Agincourt [Toronto], 1981).— L. B. Durand, « Peole » Brown : town crier ; an incident of 1843 », Canadian Magazine, 50 (nov. 1917-avril 1918) : 291–294.— C. R. McCullough, « Head of the Lake : a review of an old-time address », Hamilton Spectator, 1er nov. 1941 : 15 ; « Colourful characters of bygone years », 14 sept. 1946 : 5.

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John Weaver, « BROWN, PAOLA (Paoli, Paole, Peole) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brown_paola_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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