BOUC, CHARLES-JEAN-BAPTISTE, marchand et homme politique, né le 25 novembre 1766 à Terrebonne, Québec, fils de Louis Bouc, marchand, et de Marie-Angélique Comparé ; décédé le 30 novembre 1832 au même endroit.
Charles-Jean-Baptiste Bouc appartient à une famille de la petite bourgeoisie rurale, diligente et assidue à la tâche, que son niveau d’instruction et sa richesse placent au-dessus des artisans des villages et des paysans. Après la Conquête, son père s’est établi à Terrebonne et y a installé un petit commerce de détail qui connaît un vif succès. À force de travail et d’abnégation, Louis Bouc est devenu aussi l’un des propriétaires fonciers importants de sa paroisse. Somme toute, l’enfance de Charles-Jean-Baptiste se déroule dans le monde exigeant et difficile du petit commerce, à la merci des hasards de la conjoncture, mêlé d’inquiétude et de hardiesse, sujet à de grands espoirs comme à d’amères déceptions. Qu’il en ait été marqué s’impose d’évidence.
Le 20 septembre 1785, à l’âge de 18 ans, Bouc épouse à Terrebonne Archange Lepage, et ils auront cinq enfants. Dans son contrat de mariage, son père l’avantage en lui assurant une somme de 10 000#. Ce dernier place ainsi son espoir en son fils aîné qu’il compte voir un jour devenir un gros marchand de la région. Le jeune Bouc en profite alors pour élargir son champ d’action et entrer dans le petit groupe privilégié des commerçants de campagne. Au départ, ses spéculations portent sur deux types de marchandises : le blé et la fourrure. Par ses activités en ce domaine, il est amené à entrer aussi dans le circuit des manieurs d’argent. Il reste néanmoins un petit usurier traditionnel qui avance de faibles sommes à des cultivateurs et à des artisans de la région. Ses premiers succès financiers s’accompagnent d’un enrichissement intéressant : en vertu du testament de son père, rédigé le 26 mai 1796, Bouc hérite de plusieurs instruments aratoires, d’un cheptel important et de six terres qu’il ne peut vendre ou aliéner sa vie durant.
Cette ascension économique notable fait de Bouc un excellent candidat à la députation. En juillet 1796, il est facilement élu député d’Effingham. Au début, Bouc déborde d’activité et s’intéresse à plusieurs problèmes de sa circonscription. Sa carrière politique semble donc prometteuse et est facilitée par ses nombreux contacts avec son milieu. Mais deux ans après son élection, il est impliqué dans une affaire de fraude de blé. Traduit devant la Cour du banc du roi, le 9 mars 1799, il est condamné à une peine d’emprisonnement de trois mois et à payer une amende de 20#. Il doit en plus donner des garanties de bonne conduite pour une période de trois ans. Le Conseil exécutif, qui n’est pas sans craindre ce député considéré comme un des organisateurs influents au sein de la députation montréalaise, prend prétexte de cette fraude pour l’expulser de la chambre d’Assemblée. Réélu aux élections générales de juillet 1800, Bouc n’est pas moins exclu une seconde fois, puis une troisième fois au début de 1801. Élu de nouveau en avril de la même année, il est expulsé pour une quatrième fois du Parlement. Il souhaite revenir à la chambre d’Assemblée, mais celle-ci met définitivement fin à sa carrière politique en adoptant, en 1802, une loi au titre évocateur : « acte pour rendre Charles-Baptiste Bouc inhabile et incapable d’être élu, de siéger ou de voter comme Membre de la Chambre d’Assemblée ».
Député déchu de sa circonscription, Bouc n’en continue pas moins d’être considéré comme un homme prestigieux dans son milieu. Son rôle dans les institutions paroissiales est important comme en témoigne sa participation active aux assemblées de fabrique. Ces institutions lui servent donc de cadre privilégié pour affermir son rôle de leader au sein de sa communauté. En 1805, il est même élu syndic de paroisse et chargé, à ce titre, de faire exécuter les réparations à l’église. Sa place de choix dans l’église vient aussi confirmer sa notabilité par rapport aux autres paroissiens.
En 1807, Bouc est emprisonné pour intrigues criminelles. Quatre ans plus tard, il est accusé à nouveau de fraude et d’escroquerie et il est condamné à six mois de prison. Du même coup, sa position sociale et sa fortune s’en trouvent profondément altérées. Sa réputation est ternie. De retour à Terre-bonne au début de l’année 1812, Bouc est l’objet de pénibles vexations et il doit subir les médisances et les calomnies de son entourage. Déshonoré, traîné dans la boue, c’en est fini de son autorité et de son prestige dans sa localité. Cette déchéance s’accompagne de difficultés financières de plus en plus considérables. Dans ce contexte, Bouc n’a pas d’autre solution que de se replier sur ses terres et de les louer. C’est péniblement qu’il réussit à survivre ne parvenant, même pas à payer régulièrement ses redevances seigneuriales. Après 1820, il doit vendre quelques-unes de ses terres pour éviter la faillite.
Miné par ses échecs, abandonné de tous, Charles-Jean-Baptiste Bouc meurt le 30 novembre 1832 dans la déchéance la plus totale. Son enterrement au cimetière, et non dans l’église, constitue un autre signe tangible de sa disgrâce. Après son inhumation commencera une difficile succession qui ne se réglera que deux ans plus tard.
ANQ-M, CE6–24, 25 nov. 1766, 20 sept. 1785, 3 déc. 1832 ; CN1-295, 18 sept. 1811 ; CN3-7, 17 sept. 1785 ; CN6-13, 5 avril 1800 ; CN6-17, 21 juin 1813, 15 sept. 1818 ; CN6-24, 20 oct. 1829, 9 nov. 1830, 22 avril 1835 ; CN6-27, 18 juin 1810, 10 avril 1814, 11 juill. 1816, 23 sept. 1820, 20 mars 1829 ; CN6-29, 26 mai 1796.— AP, Saint-Louis (Terrebonne), Reg. de l’assemblée des marguilliers, 3 nov. 1805.— Lionel Bertrand, « L’Étrange Aventure de Bouc, député de Terrebonne de 1796 à 1802 », Rev. de Terrebonne (Terrebonne, Québec), 16 déc. 1966 : 37.— Yvon Bock, « Charles-Baptiste Bouc, député de Terrebonne », BRH, 52 (1946) : 259–265.— Hare, « l’Assemblée législative du B.-C. », RHAF, 27 : 377.— P.-G. Roy, « Charles-Baptiste Bouc », BRH, 7 (1901) : 53–55.
Richard Chabot, « BOUC, CHARLES-JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bouc_charles_jean_baptiste_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |