BLAYLOCK, HARRY WOODBURN, avocat, homme d’affaires et commissaire principal de la Croix-Rouge canadienne, né le 6 janvier 1878 à Paspébiac, Québec, fils du révérend Thomas Blaylock et d’Eleanor Mariane Lowndes ; le 30 septembre 1905, il épousa à Calgary Agnes Georgina Mills, et ils eurent un fils ; décédé le 25 janvier 1928 à Montréal.

Harry Woodburn Blaylock naît dans la famille d’un prêtre du diocèse anglican de Québec. Il n’a que dix ans quand celle-ci s’installe à Danville, dans les Cantons-de-l’Est, où son père est appelé à exercer son ministère. Il étudie à la Bishop’s College School et au Bishop’s College de Lennoxville, où il obtient sa licence ès arts en 1897. Comme bien des jeunes hommes de la bonne société, Blaylock sert dans la milice non permanente durant l’année 1898, au 54e bataillon d’infanterie (Richmond), dont la première compagnie est installée à Danville. Toutefois, la vie militaire semble avoir peu d’attraits pour lui et il demeure moins d’un an lieutenant à titre temporaire. En 1900, il s’inscrit à la faculté de droit de la McGill University et termine sa licence avec brio en 1903. Durant ces années, il travaille également pour George Alexander Drummond*, sénateur influent, mais surtout industriel du sucre et figure dirigeante de la Banque de Montréal, qui lui confie la préparation des actes juridiques liés à ses transactions foncières. Récipiendaire d’une bourse Macdonald de la McGill University, Blaylock décide de faire une année d’études en droit international à Paris en 1903–1904. À son retour, il s’installe à Montréal, où il entreprend une carrière en droit qui sera toutefois sans éclat.

C’est à cette époque que Blaylock fait la connaissance d’Agnes Georgina Mills, fille de James Mills, éducateur et membre du Conseil fédéral des commissaires des chemins de fer. Il l’épouse en 1905 puis décide d’aller pratiquer le droit à Calgary, où il s’associe pour former le bureau Bergeron and Blaylock jusqu’en 1907. Il laisse alors brusquement le droit, émigre à Londres et participe à des projets de construction d’envergure, liés aux intérêts de sir George Alexander Drummond.

Jusque-là, la carrière de Blaylock demeure en deçà des espérances qu’une éducation brillante et d’excellentes relations familiales et politiques pouvaient laisser espérer. Ce sont les contingences de l’histoire qui permettront à son tempérament actif de se révéler pleinement. Depuis des années, Blaylock connaît lady Drummond [Grace Julia Parker*], la seconde épouse de sir George Alexander Drummond et l’une des personnalités féminines les plus actives au sein de la Société canadienne de la Croix-Rouge. Aussi, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il offre ses services à cette société. Il sert quelques mois au bureau de Londres en compagnie de lady Drummond. Le décès prématuré du commissaire principal de la Croix-Rouge canadienne, le lieutenant-colonel Jeffrey Hale Burland*, en octobre 1914, et son remplacement par son adjoint, le lieutenant-colonel Charles Alfred Hodgetts, lui ouvrent une place de commissaire adjoint.

À ce titre, Blaylock se voit confier la charge des opérations de la société en France. Il doit notamment superviser l’acheminement de l’aide humanitaire et fournir des services aux soldats canadiens et, occasionnellement, aux civils français. La Croix-Rouge rend une vaste gamme de services et distribue toutes sortes de produits, allant des cigarettes, des vêtements et de la nourriture, aux instruments médicaux et fournitures diverses, à l’équipement de salles de soins complètes ou encore à la constitution de colonnes ambulancières. Ce dernier aspect est particulièrement important, puisque l’évacuation des blessés, autrefois négligée, connaît des développements considérables durant la Première Guerre mondiale en grande partie grâce à la Croix-Rouge. Le transport rapide et confortable des blessés vers l’arrière du front sera l’un des facteurs déterminants dans l’abaissement important du taux de mortalité des blessés de guerre.

Pour sa tâche de supervision logistique, Blaylock se fonde sur une maxime simple : « Quand l’aide [est] nécessaire, il faut la donner, et la donner rapidement. » Dans les premiers mois de la guerre, il administre l’aide de la population canadienne comme le ferait n’importe quel organisme de charité de l’époque, quoique sur une échelle bien plus vaste. Le travail de la Croix-Rouge prend toutefois un sens plus dramatique quand est déclenchée la deuxième bataille d’Ypres en avril 1915. Dans ce premier engagement de grande envergure, les Canadiens sont bombardés, gazés et subissent des pertes importantes. La morphine fait défaut aux postes médicaux derrière le front et ce sont les services de Blaylock qui vont acheminer 10 000 unités injectables de morphine vers le front. C’est peu après cet incident que lui est révélée pour la première fois l’horreur de la guerre des tranchées. Les gazés, les mutilés et les autres blessés graves arrivent par centaines et occupent rapidement tous les lits disponibles à Boulogne, en France. Les opérations des 18 mois suivants apporteront de nouveaux contingents de malheureux. Blaylock est très affecté par les événements dont il est témoin. Il continue pourtant à payer de sa personne pour soulager les misères de la guerre moderne si bien que la fatigue et un ébranlement nerveux s’ensuivent. Il doit donc passer trois semaines à l’hôpital no 14 de Boulogne et trois autres semaines en repos à la fin de 1916 et au début de 1917 pour soigner une neurasthénie.

Une fois rétabli, Blaylock reprend le travail avec énergie et dévouement. Ainsi, le commissaire adjoint montre un zèle qui l’amène plus près du front que les strictes nécessités administratives le demandent. Lorsque la Croix-Rouge est prévenue d’une attaque imminente d’envergure au début d’avril 1917 (ce sera la prise de la crête de Vimy), il se dirige vers la principale station de triage, où bientôt arrivent des milliers de blessés. Il en est profondément ému : « Les mots manquent pour décrire l’horreur de tout cela, écrit-il alors, mais on a remarqué avec étonnement et admiration l’entrain et l’abnégation des blessés. Chacun [se disait] moins gravement blessé que le type à côté de lui, qui, à son avis, avait besoin d’attention en premier. Des hommes avec les bras pendants se démenaient pour aider des hommes blessés aux jambes ; chacun semblait préoccupé par son voisin. »

En avril 1918, devenu expérimenté, Blaylock est prêt à prendre le mandat de Hodgetts lorsqu’on lui demande de remplacer celui-ci comme commissaire principal de la Croix-Rouge canadienne outre-mer. Il retourne donc à Londres, où les services offerts sont encore plus considérables que ceux de France ; on trouve, entre autres, à Londres et dans ses environs cinq hôpitaux administrés par la Croix-Rouge canadienne, une maison de convalescence pour officiers et une maison de repos pour les infirmières. À la fin des hostilités, Blaylock demeure en Angleterre pour mettre en ordre les affaires de la Croix-Rouge et terminer l’engagement de guerre de la société. Toutefois, en juin 1919, la santé de cet homme de constitution moyenne (il mesure 5 pieds dix pouces et demi et pèse 155 livres) est à nouveau compromise par une pleurésie qui le cloue au lit.

Pour les services qu’il a rendus au cours de la guerre, Blaylock obtient de nombreuses décorations britanniques et étrangères : mention à l’ordre du jour (13 novembre 1916), commandeur de l’ordre de l’Empire britannique (7 juillet 1918), Légion d’honneur (chevalier le 2 mai 1917 puis officier le 24 octobre 1919), commandeur de l’ordre de la Couronne d’Italie (8 mars 1920), ordre de Saint-Sava 4e classe (Serbie, 7 juin 1919) et chevalier par grâce et dévotion de l’ordre souverain de Malte (7 janvier 1920). Le 7 octobre 1918, il a également obtenu le grade de colonel honoraire dans la milice canadienne.

De retour à Montréal en 1922, Blaylock intègre à nouveau le milieu des affaires, soit à titre de conseiller juridique ou de gestionnaire, notamment de la Montreal Development and Land Company Limited et de la Westmount Development Company. Les six dernières années de sa vie sont occupées par la construction et la gestion d’immeubles commerciaux et résidentiels au centre-ville de Montréal, à Westmount et dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce (Richelieu Place, Chelsea Place et Trinity Apartments, entre autres).

Harry Woodburn Blaylock avait un frère métallurgiste, Selwyn Gwillym Blaylock, ce qui a peut-être influencé le choix de la carrière de son fils, Peter Woodburn. Comme son père et son oncle, ce dernier allait étudier au Bishop’s College et à la McGill University, où il obtiendrait une licence ès sciences ; il serait l’un des vice-présidents de la Shawinigan Chemicals. Blaylock est mort à Montréal à l’âge de 50 ans ; sa femme, son fils et son frère lui ont survécu. Comme plusieurs de ses compatriotes canadiens-anglais, il aurait pu faire jouer ses relations privilégiées pour obtenir le commandement d’une unité au front. Il a préféré suivre lady Drummond et son œuvre de prédilection, la Croix-Rouge. Rétrospectivement, ce choix fut le bon, car Blaylock déploya une activité remarquable pour atténuer les souffrances de ses contemporains.

Yves Tremblay

AC, Bonaventure (New Carlisle), État civil, Anglicans, New Carlisle et Paspébiac Anglican Church, 7 févr. 1878.— Alberta Geneal. Soc., Edmonton branch, Alberta : index to registration of births, marriages and deaths, 1870 to 1905 (1 vol. paru, Edmonton, 1995– ).— BAC, RG 150, Acc. 1992–93/166, boîte 817-1.— Kenneth Cameron, No.1 Canadian General Hospital, 1914–1919 (Sackville, N.-B., 1938).— Canada, dép. de la Milice et de la Défense, Militia list (Ottawa), janv. 1899, janv. 1919, déc. 1922.— Canadian Almanac […] (Toronto), 1875–1912.— Canadian annual rev., 1918–1919.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Canadian who’s who, 1910.— Andrew Macphail, Official history of the Canadian forces in the Great War, 1914–19 : the medical services (Ottawa, 1925).— Mary Macleod Moore, The Maple Leaf’s Red Cross : the war story of the Canadian Red Cross overseas (Londres, [1919]).— Nicholson, CEC.— Geoffrey Noon, « The treatment of casualties in the Great War », dans British fighting methods in the Great War, Paddy Griffith, édit. (Londres, 1996), 97.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.

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Yves Tremblay, « BLAYLOCK, HARRY WOODBURN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/blaylock_harry_woodburn_15F.html.

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Auteur de l'article:    Yves Tremblay
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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