BJARNASON, JÓN, ministre luthérien, directeur de périodiques, éducateur et leader communautaire, né le 15 novembre 1845 à Thvottâ, Islande, fils de Bjarni Sveinsson et de Rósa Brynjólfsdóttir ; le 15 novembre 1870, il épousa à Reykjavik, Islande, Lara Gudjohnsen ; ils adoptèrent trois enfants et en accueillirent plusieurs autres pour diverses périodes ; décédé le 3 juin 1914 à Winnipeg.

Jón Bjarnason eut un ascendant particulièrement fort sur les premiers immigrants islandais du Canada et des États-Unis. En outre, il suscita presque toujours des controverses. Fils d’un ministre luthérien, il entreprit ses études secondaires à Reykjavik en 1861 et obtint un diplôme du collège de théologie de cette ville en 1869. La même année, il fut ordonné par l’Église luthérienne. En 1873, après avoir enseigné à Reykjavik durant plusieurs années, il émigra avec sa femme aux États-Unis, sur le conseil d’un ancien condisciple, Pall Thorlaksson.

Bjarnason enseigna d’abord au Luther College de Decorah, dans l’Iowa. Ses rapports avec le Norwegian Evangelical Lutheran Synod of America influèrent sur ses positions théologiques. Impressionné par les règles démocratiques de ce consistoire, il n’en approuvait pas pour autant le fondamentalisme. Pendant qu’il était à Decorah, on l’invita à prononcer le sermon au premier office islandais d’Amérique du Nord, qui se tint à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 2 août 1874, en l’honneur du premier millénaire du peuplement de l’Islande.

Bjarnason quitta le Luther College en 1875 et trouva d’abord du travail comme traducteur à Madison, dans le Wisconsin, après quoi, en 1876, il travailla un moment au journal Skandinaven (le Scandinave) à Chicago. En mars 1876, il s’installa avec sa famille à Minneapolis, au Minnesota, où il devint rédacteur en chef du journal Budstikken (Ralliement). Peu après, il reçut une invitation de cinq congrégations de New Iceland, petite agglomération d’environ 1 300 colons islandais établie sur la rive ouest du lac Winnipeg. Située dans ce qui est maintenant le Manitoba, elle se trouvait alors dans le district de Keewatin, au delà des frontières nord de la province. Bjarnason visita New Iceland en juillet 1877 et s’y installa le 8 novembre. Ses fidèles espéraient qu’il maintiendrait les traditions de l’Église islandaise et encouragerait la survivance de la langue et de la culture islandaises. Animé des mêmes aspirations, il professait une théologie libérale qui niait l’infaillibilité des Écritures.

Thorlaksson aussi avait accepté de s’établir à New Iceland et y était arrivé peu avant Bjarnason. Thorlaksson, conservateur, et Bjarnason, libéral, débattirent bientôt de leurs différends théologiques dans des rencontres publiques qui attiraient un public nombreux et divisaient profondément la colonie. Les partisans de Bjarnason fondèrent l’Icelandic Lutheran Synod of America, mais cette organisation fut éphémère puisque sa seule assemblée eut lieu à Gimli le 30 juin 1879. Selon sa constitution, tous les hommes et toutes les femmes de plus de 18 ans avaient le droit de voter aux assemblées des congrégations. (Les partisans de Thorlaksson excluaient les femmes et fixaient l’âge du droit de vote à 21 ans.)

Bjarnason retourna en Islande en 1880. Son séjour à New Iceland l’avait peut-être déçu ; par exemple, on ne lui versa jamais le salaire qu’on lui avait promis. En outre, il souhaitait être auprès de son père malade. Le 21 mars 1880, avant de partir, il ordonna Halldor Briem et en fit son successeur. En 1884, après avoir desservi une assemblée de fidèles à Seyðisfjörður, en Islande, il revint au Canada avec sa famille. Il avait reçu une invitation de l’église First Lutheran de Winnipeg, à l’établissement de laquelle il avait participé. Cette congrégation prospéra rapidement après son arrivée et devint le foyer du luthéranisme islandais dans la ville. Bjarnason en demeurerait ministre jusqu’à sa mort en 1914.

Depuis longtemps, Bjarnason rêvait de créer un consistoire islandais. Le 25 janvier 1885, plusieurs délégués se réunirent à Mountain, dans le Dakota du Nord, pour organiser l’Icelandic Evangelical Lutheran Synod of America. La constitution qu’ils rédigèrent s’inspirait de celle que Bjarnason avait écrite pour l’Icelandic Lutheran Synod. La première assemblée annuelle du consistoire eut lieu à Winnipeg le 24 juin de la même année et Bjarnason fut élu à la présidence. Il exercerait cette fonction jusqu’en 1908.

L’organe officiel du consistoire s’intitulait Sameiningin (Unité) et paraissait à Winnipeg. Bjarnason joua un rôle dans sa fondation, en fut le premier rédacteur en chef et conserva ce poste jusqu’à sa mort. Le périodique en vint à exprimer surtout ses propres opinions, souvent sur un ton polémique. En matière de théologie, Bjarnason gardait une position centriste. Il rédigea de virulentes dénonciations du fondamentalisme extrémiste – expression constante de ses désaccords avec Thorlaksson et le Norwegian Evangelical Lutheran Synod – et, par la suite, des idées qu’il jugeait trop libérales et radicales. Les débats semblent avoir fait partie intégrante de sa vie.

Toujours désireux d’accroître la participation des laïques à la vie de l’Église, Bjarnason créa en 1885 une organisation de jeunes à l’église First Lutheran. Connue dans le milieu sous le nom de bandalag, ou ligue, elle s’appelait officiellement la Luther League. En quelques années, des ligues du même genre firent leur apparition dans plusieurs congrégations du Canada et des États-Unis.

Pendant leur séjour à New Iceland, Bjarnason et sa femme avaient ouvert à Gimli une école publique où Lara Bjarnason était l’institutrice en chef. À l’assemblée annuelle du consistoire en 1887, Bjarnason offrit de verser 100 $ dans un fonds qui servirait à ouvrir une école islandaise rattachée à l’Église. La question fut soulevée de nouveau en 1890, mais les choses n’allèrent pas plus loin car Bjarnason tomba malade. En 1893, on évoqua la nécessité d’ouvrir une école et une bibliothèque pour la communauté islandaise. Bjarnason réussit à amasser de l’argent pour acheter une collection privée en Islande et promit de donner sa propre bibliothèque après sa mort. Le débat sur la possibilité d’ouvrir une école, sur les relations de cette école avec l’Église et sur la question de savoir si elle devait être au Canada ou aux États-Unis se poursuivit. Finalement, on choisit Winnipeg et, en 1898, on nomma un conseil d’administration. À ce moment-là, on avait réuni plus de 6 000 $. Cependant, les choses en restèrent là.

En 1901, grâce aux efforts de Bjarnason et d’autres leaders de la communauté islandaise, le Wesley College [V. Joseph Walter Sparling] accepta d’inscrire à son programme des cours de langue et de littérature islandaises. Bjarnason fut nommé parmi les examinateurs. Cet arrangement sembla satisfaire, du moins temporairement, les aspirations de la communauté en matière d’instruction supérieure.

L’idée d’une école islandaise se concrétisa en 1911, après avoir sommeillé plus de dix ans. Ouvert en 1913, l’établissement, installé dans des locaux loués, accueillit cette année-là 36 élèves. Dans les premiers temps, tous les élèves étaient islandais et devaient suivre des cours de langue islandaise. Puis, une fois que le consistoire eut décidé de donner à l’école une orientation chrétienne plutôt qu’exclusivement luthérienne, l’école accepta des unitariens islandais. Contrairement aux autres, ils n’étaient pas tenus d’assister aux offices à la chapelle. Avec le temps, des élèves vinrent de plusieurs provinces et des États-Unis.

Au début, l’école offrait l’enseignement élémentaire, la première année des études secondaires et un cours pour les instituteurs des écoles du dimanche. Puis d’autres années des études secondaires s’ajoutèrent et l’on élimina les classes élémentaires. Bien que l’école ait été connue dès le début sous le nom de Jón Bjarnason Academy, cette appellation devint officielle seulement après la mort de Bjarnason en 1914. L’école trouva des locaux permanents en 1923 et se maintint jusqu’en 1940. Elle fut un lieu de rencontre pour les organismes sociaux et culturels islandais, et sa bibliothèque servit abondamment.

Le révérend Jón Bjarnason semble avoir toujours vécu et aimé vivre dans la controverse. Au temps où il était écolier à Reykjavik, il s’était montré critique envers ses condisciples et ses instituteurs. Pourtant, ses écrits suggèrent qu’il était respectueux à l’égard de la plupart des gens d’opinion différente. Cet homme doué de charisme, marié à une femme qui le soutenait et collaborait avec lui, fut sûrement l’un des personnages qui exerça le plus d’influence sur les premiers colons islandais de l’Amérique du Nord.

John S. Matthiasson

V. J. Eylands, Lutherans in Canada, introd. de F. C. Fry (Winnipeg, 1945). G. J. Houser, Pioneer Icelandic pastor : the life of the Reverend Paul Thorlaksson (Winnipeg, 1990). W. Kristjanson, The Icelandic people in Manitoba : a Manitoba saga (Winnipeg, 1965).— Minningarrit um Séra Jón Bjarnason, 1845–1914 [...] (En mémoire du révérend Jón Bjarnason) (Winnipeg, 1917). R. H. Ruth, Educational echoes ; a history of education of the Icelandic-Canadians in Manitoba (Winnipeg, 1964). Jonas Thor, « A religious controversy among Icelandic immigrants in North America, 18741880 » (mémoire de m.a., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1980).

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John S. Matthiasson, « BJARNASON, JÓN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bjarnason_jon_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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