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BEST, CHARLES HERBERT, physiologiste, chercheur en médecine et professeur d’université, né le 27 février 1899 à Pembroke, Maine, deuxième enfant et seul fils de Herbert Huestis Best et de Luella May Fisher (appelée Lulu Newcomb) ; le 3 septembre 1924, il épousa à Toronto Margaret Hooper Mahon, et ils eurent deux fils ; décédé le 31 mars 1978 dans cette ville.
Le rôle de Charles Herbert Best dans la découverte de l’insuline constitua à la fois le point culminant de sa vie et une source continuelle de regrets, car il pensait ne pas avoir eu la reconnaissance qu’il méritait.
Fils d’un médecin de campagne né au Canada et pratiquant dans le Maine, Charley, comme on l’appelait dans sa famille, fréquenta les écoles du coin, passa sa dernière année d’études secondaires à Toronto, où vivaient des parents, et entra à la University of Toronto en 1916. Au début de sa deuxième année en arts, il s’inscrivit plutôt au programme spécialisé de physiologie et biochimie. Peu avant la fin de la Première Guerre mondiale, il interrompit ses études pour servir dans l’armée canadienne, mais n’alla pas au front ; il retourna à l’université, où il obtint sa licence ès arts au printemps de 1921. Ayant décidé d’entreprendre une maîtrise ès arts, Best accepta de devenir pour l’été un des deux étudiants-assistants du professeur de physiologie John James Rickard Macleod*.
Pendant un cours de Macleod, l’hiver précédent, Best avait entendu parler pour la première fois du Dr Frederick Grant Banting*, qui allait peut-être venir à Toronto pour tester une idée de projet de recherche visant à isoler l’insaisissable sécrétion interne du pancréas, substance qui, croyait-on, jouait le rôle clé dans la régulation du métabolisme. Macleod demanda à Best et à son autre étudiant-assistant, Edward Clark Noble, d’aider Banting à mener à bien son projet. Des années plus tard, quand Best commença à élaborer le récit de cette période initiale de sa carrière, il affirma avoir été impatient de travailler avec Banting en raison de son propre intérêt pour le diabète sucré, qui avait emporté une de ses tantes. Désireux de tuer dans l’œuf toute idée qu’il devait sa renommée à la chance, Best nia avoir tiré à pile ou face avec Noble pour déterminer qui serait le premier à travailler avec Banting, comme le disaient Banting et Noble.
Pendant l’été de 1921, Best assista Banting dans les expériences menées sur des animaux, au cours desquelles ils obtinrent des résultats très prometteurs en injectant des extraits pancréatiques de chiens à des chiens diabétiques ayant subi une pancréatectomie. La principale tâche de Best consistait à faire des tests de glycémie et d’autres tests biochimiques, mais il aidait aussi Banting dans ses interventions chirurgicales pratiquées sur les chiens. À la mi-juin, lorsque Best s’absenta du laboratoire pour suivre un entraînement dans la milice, Noble effectua certains tests. Au retour de Best, Banting exigea qu’il fasse mieux son travail. Best et Noble convinrent qu’il ne servait à rien que ce dernier prenne le relais en plein milieu du projet.
Il n’y eut plus aucune friction entre Banting et Best, qui exécutèrent un plan complexe d’expériences dans une atmosphère de franche camaraderie et se comportèrent parfois en véritables associés. Par exemple, le nom de Best figura dans tous les articles sur les résultats de la recherche. Cependant, Banting était clairement l’associé principal : il planifiait les expériences et traitait avec Macleod, le directeur du laboratoire. En décembre, Best fut plutôt mécontent lorsque Macleod, à la demande insistante de Banting, invita le spécialiste en biochimie James Bertram Collip* à se joindre à l’équipe afin d’apporter plus d’expertise à l’étude et à la purification des extraits pancréatiques qu’ils utilisaient.
Il semble que Best vaquait à ses affaires durant les événements à la fois triomphaux et dramatiques de janvier 1922. Un extrait préparé par Collip donna de formidables résultats dans l’essai crucial sur un humain après l’échec d’un test réalisé avec l’extrait de Banting et Best. Malheureusement, Banting, qui avait commencé à s’inquiéter du fait que Macleod et Collip s’appropriaient le mérite de l’étude, eut une violente altercation avec ce dernier au laboratoire. Best les sépara. Le 25 janvier, les quatre hommes signèrent une entente qui stipulait qu’ils s’engageaient à travailler ensemble et que Macleod dirigerait l’équipe.
Collip se vit attribuer le rôle principal dans la production des extraits. Macleod assigna des tâches de recherche aux autres membres du groupe, y compris à Best. Après quelques semaines, Collip commença à éprouver de sérieuses difficultés à produire un extrait efficace, appelé insuline. Best incita fortement Banting, qui ne jouait plus qu’un rôle marginal et qui s’effondrait sous le poids intense du stress, à revenir au laboratoire pour tenter de redécouvrir le secret de la substance. Banting éprouva une profonde gratitude à l’égard de Best, qui le soutint durant cette période de crise. Cela devint même encore plus important pour lui quand Best et Macleod réussirent à établir des méthodes permettant de préparer de petites quantités d’insuline puissante ; Best donna alors ce produit à Banting pour qu’il l’administre aux patients, l’aidant ainsi à acquérir davantage d’influence et de reconnaissance.
Lorsque Collip quitta Toronto, vers la fin du printemps, pour retourner à la University of Alberta, Best devint le directeur de la production d’insuline aux nouveaux Connaught Antitoxin Laboratories de la University of Toronto [V. John Gerald FitzGerald*]. À cette époque, une coentreprise avait déjà été établie avec l’Eli Lilly and Company, société de l’Indiana ; le comité sur l’insuline de l’université administrerait les brevets relatifs au procédé de fabrication. Ces brevets avaient été déposés aux noms de Banting, Best et Collip, puis transférés au conseil d’administration de la University of Toronto. La firme Eli Lilly and Company devint par la suite le chef de file du développement de l’insuline.
À la fin de 1922, la découverte de l’insuline s’imposait comme l’une des grandes avancées thérapeutiques dans l’histoire de la médecine. S’ensuivit une lutte acharnée et complexe pour déterminer à qui en revenait le mérite. À Toronto, des amis influents de Banting, et particulièrement son ancien professeur politiquement habile, le Dr George William Ross, firent campagne pour qu’il soit reconnu comme le seul découvreur de l’insuline. Les défenseurs de Banting avaient tendance à négliger Best, qu’ils considéraient comme un simple assistant. Best vivait mal cette exclusion et fit part de son mécontentement à Banting, lequel, selon son humeur, changeait souvent d’idée quant au rôle de Best. La campagne visant à honorer Banting remporta un franc succès auprès des gouvernements de l’Ontario et du Canada.
À Stockholm, cependant, le comité du prix Nobel de l’institut Karolinska conclut que Banting n’aurait pu découvrir l’insuline sans la conduite de Macleod et recommanda que le prix de physiologie ou médecine de 1923 soit décerné aux deux hommes. Banting était furieux de devoir partager le prix avec Macleod. On réussit toutefois à le convaincre de ne pas le refuser. Il envoya ensuite un télégramme à Harvard, où Best donnait une conférence : « J’attribue à Best une part égale dans la découverte – stop – peiné qu’il ne soit pas reconnu par les administrateurs du prix Nobel – stop – partagerai avec lui. » Banting partagea sa part de l’argent du prix Nobel avec Best. Macleod fit une déclaration où il soulignait que la découverte de l’insuline avait été un travail d’équipe et que Collip y avait joué un rôle égal à celui des autres. Il lui offrit la moitié de sa part de la bourse.
Best obtint sa maîtrise en 1923 pour l’un de ses projets réalisés au cours des recherches sur l’insuline. Deux ans plus tard, il décrocha une licence en médecine de la University of Toronto. Couvert de prix et d’honneurs, et heureux mari de la belle Margaret Hooper Mahon depuis 1924, il suivit les conseils avisés de ceux qui lui recommandaient de quitter Toronto pour poursuivre des études supérieures sous la direction de l’éminent physiologiste britannique Henry Hallett Dale. Ce dernier devint pour lui un modèle influent, un protecteur et un ami. Best obtint son doctorat ès sciences de la University of London en 1928 ; l’année précédente, il était retourné à la University of Toronto comme professeur adjoint, et il devint bientôt le chef du département d’hygiène physiologique. En 1929, il accepta également de succéder à Macleod comme professeur et directeur du département de physiologie.
La découverte de l’insuline marqua la fin de la collaboration de Best et Banting. Ce dernier reçut une chaire de recherche indépendante à l’université, qui, après un certain temps, devint le département de recherche médicale Banting et Best. Best se consacra à des projets variés dans son domaine : il s’intéressa au rôle de la choline dans le processus alimentaire, étudia la physiologie des athlètes olympiques et concentra progressivement ses recherches sur la purification de l’héparine, anticoagulant qui avait été découvert à la Johns Hopkins University. À Toronto, les travaux sur l’héparine devinrent un projet majeur et avancèrent rapidement, menant à une utilisation novatrice importante de cette substance en chirurgie et à des revendications polies, mais parfois contradictoires, de chercheurs à Toronto et d’autres centres, sur la paternité du procédé. Best prêta également son nom à un manuel, The physiological basis of medical practice […], publié en 1937 à Baltimore, au Maryland, qui fut rédigé en grande partie par un membre de son département, Norman Burke Taylor, et qu’adoptèrent un grand nombre d’écoles de médecine.
En 1930, la University of Toronto avait donné le nom de Banting Institute à un nouveau bâtiment de médecine. Best ne tarda pas à exercer des pressions pour qu’un institut porte son nom, signe d’ambition qui n’impressionna pas Banting. Les deux hommes entretenaient une relation professionnelle plutôt tiède, qui se termina de manière particulièrement triste lorsque Best décida, pour des raisons familiales, de ne pas participer à un voyage en Angleterre pendant la guerre, à l’hiver de 1940–1941, qui avait pour objectif d’établir des liens dans le milieu de la recherche. Très en colère contre Best et mû par ses propres aspirations, Banting résolut de partir à sa place. Il mourut dans l’écrasement du bombardier qui allait en Grande-Bretagne, à bord duquel il était monté un peu à la dernière minute. Best lui succéda comme directeur du département de recherche médicale. En 1953, la University of Toronto inaugura le Charles H. Best Institute, à deux pas du Banting Institute.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, Best avait effectué des travaux utiles sur les services de transfusions sanguines et, pour la marine canadienne, sur des problèmes de vision nocturne et le mal des transports. Après la guerre, il reporta de plus en plus son attention sur le diabète, à la fois comme domaine de recherche et parce qu’il était un des deux seuls membres encore vivants de l’équipe qui avait découvert l’insuline. Grâce à sa réputation de grand homme de science, Best attira à Toronto plusieurs chercheurs talentueux, qui relancèrent la capacité de la ville à faire de la recherche sur le diabète, et il fut un des fondateurs de la Canadian Diabetes Association. Sa femme et lui aimaient fréquenter les cercles médicaux à l’échelle internationale, et Best ne rechignait pas à accepter les honneurs – sa liste de médailles, d’affiliations et de grades honorifiques est très longue – ou à raconter l’histoire de la découverte de l’insuline en mettant son propre rôle en valeur.
Les différents comptes rendus des travaux sur l’insuline que Best publia après 1946 contiennent de nombreuses revendications – il affirmait qu’il avait contribué à la découverte à parts égales avec Banting, et dénigrait les contributions de Macleod et Collip – que contredisent les sources de première main, y compris certains de ses propres textes. Dans des communications privées avec un ancien biographe et d’autres gens, comme sir Henry Hallet Dale, Best révéla une soif de reconnaissance qui l’amena à flirter dangereusement avec la falsification délibérée des comptes rendus historiques. Certains de ses admirateurs alimentèrent ses prétentions en proposant sa candidature au prix Nobel et à d’autres honneurs. Quelques personnes comprirent que des facteurs psychologiques plus profonds entraient en jeu, dont certains avaient peut-être un rapport avec une prédisposition héréditaire à la dépression. Au début des années 1960, divers événements professionnels et familiaux stressants donnèrent lieu à des épisodes de dépression clinique assez débilitants pour nécessiter l’administration d’une thérapie par électrochocs.
Par la suite, Best prit progressivement sa retraite, toujours honoré et vénéré à l’excès par les utilisateurs d’insuline reconnaissants. Best s’était beaucoup inquiété des mésaventures de son fils aîné, Charles Alexander, surnommé Sandy, dont les incursions en affaires et en politique avaient suscité chez lui les plus grands espoirs. En mars 1978, à l’annonce du décès subit de Charles Alexander, à l’âge de 46 ans, Best s’effondra et mourut à l’hôpital quelques jours plus tard.
Au début de la vingtaine, alors qu’il était encore étudiant, Charles Herbert Best fut l’un des découvreurs de l’insuline. Beau et charmant, il était fort admiré, et bénéficiait de relations et d’une carrière dont beaucoup se seraient contentés ; il deviendrait l’un des scientifiques les plus honorés du xxe siècle. À partir de 1923, il sut qu’il n’obtiendrait jamais la plus prestigieuse récompense scientifique, le prix Nobel, pour la découverte de l’insuline. Il ne trouverait pas non plus la tranquillité d’esprit quant à son rôle dans la saga de l’insuline, ni la satisfaction quant à son propre statut et celui de sa famille au Canada. Aurait-il connu une vie plus heureuse si l’issue du tirage au sort avec Noble avait été différente ? Nul ne le saura jamais.
Les Charles Herbert Best papers (ms coll. 241) conservés à la Thomas Fisher Rare Book Library, Univ. of Toronto, constituent la principale collection de manuscrits sur la plupart des aspects de la vie de Best et contiennent les volumineux journaux personnels de sa femme. Déposés dans la même bibliothèque, les William R. Feasby papers (ms coll. 235), presque tout aussi importants, comportent un dossier complet sur le projet de Best, dans les années 1950, de faire écrire sa biographie par Feasby, ainsi qu’un premier jet du livre, corrigé de la main de Best. Les autres fonds de la Thomas Fisher Rare Book Library en relation avec la découverte de l’insuline, notamment les Sir Frederick Grant Banting papers (ms coll. 76), sont également essentiels. On peut consulter des images d’échantillons et des descriptions détaillées du matériel de Toronto utilisé pour les recherches sur l’insuline sur le site Web intitulé « The discovery and early development of insulin » : link.library.utoronto.ca/insulin (consulté le 21 oct. 2014).
L’historien Henry Bruce Macleod Best a écrit une biographie exhaustive de ses parents, Margaret and Charley : the personal story of Dr. Charles Best, the co-discoverer of insulin (Toronto et Oxford, Angleterre, 2003), qui demeure, malgré quelques passages confus, l’ouvrage de référence sur la vie de Best. Selected papers of Charles H. Best (Toronto, 1963) offre un complément d’information. Les divers récits, publiés ou inédits, que Best a rédigés sur la découverte de l’insuline ne peuvent cependant être considérés comme conformes aux faits, tel que nous l’expliquons dans la biographie ; nous explorons ce problème en profondeur dans notre article « Rewriting medical history : Charles Best and the Banting and Best myth », Journal of the Hist. of Medicine and Allied Sciences (New Haven, Conn.), 48 (1993) : 253–274.
Notre publication intitulée The discovery of insulin (Toronto, 1982 ; éd. du 25e anniversaire, 2007) est l’ouvrage de référence sur l’histoire de l’insuline et contient de nombreuses références bibliographiques. Dans Banting : a biography (Toronto, 1984 ; 2e éd., 1992), nous révélons plus de détails sur la relation entre les deux hommes, pendant et après la période des recherches sur l’insuline. Des documents primaires clés sur la découverte de l’insuline ont été publiés dans le Bull. of the Hist. of Medicine (Baltimore, Md) : J. J. R. Macleod, « History of the researches leading to the discovery of insulin », introd. par L. G. Stevenson, 52 (1978) : 295–312, et « Banting’s, Best’s, and Collip’s accounts of the discovery of insulin », 56 (1982) : 554–568, dont nous signons l’introduction ; et Mark Jurdjevic et Caitlin Tillman, « E. C. Noble in June 1921, and his account of the discovery of insulin », 78 (2004) : 864–875. M. L. Friedland, The University of Toronto : a history (Toronto, 2002) est l’ouvrage de référence sur l’histoire de la University of Toronto et sa faculté de médecine.
Ancestry.com, « Actes de naissance, Maine, 1715 à 1922 » : www.ancestry.ca (consulté le 20 nov. 2017).— Arch. publiques de l’Ontario (Toronto), RG 80-5-0-1433, no 3972.
Michael Bliss, « BEST, CHARLES HERBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 20, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/best_charles_herbert_20F.html.
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Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/best_charles_herbert_20F.html |
Auteur de l'article: | Michael Bliss |
Titre de l'article: | BEST, CHARLES HERBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 20 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |