BERNIER, ARTHUR (baptisé Louis-Arthur), bactériologiste, pathologiste et professeur, né le 1er octobre 1873 à Montréal ; fils de Charles-Télesphore Bernier, marchand, et d’Aurélie-Julienne Rivard-Bellefeuille ; décédé célibataire le 29 avril 1928 à l’hôpital Notre-Dame de Montréal.
Après avoir terminé son cours primaire à l’école Olier de Montréal, Arthur Bernier entre au collège Sainte-Marie pour y poursuivre ses études classiques. En 1893, il entreprend son cours de médecine à la succursale de l’université Laval à Montréal. En 1897, il y obtient son diplôme de docteur en médecine avec distinction et devient interne à l’hôpital Notre-Dame. Le 7 juillet de la même année, il reçoit son admission à la pratique du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec. Intéressé par la bactériologie, nouvelle spécialité dont il saisit toute l’importance – et probablement sous l’influence du docteur Michel-Thomas Brennan de l’hôpital Notre-Dame qui y a installé un petit laboratoire de bactériologie –, il décide en 1898 d’effectuer un séjour d’études d’un an à l’Institut Pasteur de Paris. Il y suit le cours de « microbie technique » [V. Oscar-Félix Mercier], inauguré le 15 mars 1889 par le docteur Émile Roux, proche collaborateur de Louis Pasteur. Roux s’illustre aussi par ses recherches sur le sérum antidiphtérique ; il est aidé par un assistant, Alexandre Yersin, lequel découvrira en 1894 le bacille de la peste. Au moment où Bernier y est inscrit, le cours, basé essentiellement sur la bactériologie médicale, est donné conjointement par les docteurs Roux et Ilia Ilitch (Élie) Metchnikov (Metchnikoff). Ce dernier sera l’un des pères fondateurs de l’immunologie grâce notamment à ses travaux sur la phagocytose. À cette équipe de pionniers s’ajoutent Louis Martin et Gaston Ramon, qui effectueront des travaux sur la vaccination antidiphtérique sous la direction de Roux. C’est au sein de cette équipe que Bernier est initié aux recherches sur la vaccination antidiphtérique et aux travaux sur le système immunitaire. Certaines de ses publications porteront sur ces sujets.
À son retour au pays en 1899, Bernier est nommé démonstrateur (ou assistant de recherche) de bactériologie et de pathologie générale à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, ce qui lui permet de mettre à profit les techniques d’analyses bactériologiques qu’il vient d’apprendre. L’année suivante, il devient successivement médecin du dispensaire général de l’hôpital Notre-Dame, pathologiste, puis chef du laboratoire du même hôpital. Sa compétence dans les champs de la pathologie et de la bactériologie médicale est vite reconnue. En 1902, il est promu professeur agrégé de bactériologie ; à partir de 1908, il occupe la chaire de pathologie générale. Il devient, deux ans plus tard, le premier titulaire de la chaire de bactériologie à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal/faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, poste qu’il occupera jusqu’à son décès. Peu après son entrée en fonction, il fait passer de 60 à 120 le nombre d’heures que les futurs médecins doivent consacrer à l’étude de la bactériologie et aux travaux de laboratoire. Il introduira, tout au long de sa carrière de professeur, de nouveaux éléments théoriques (tels que le rôle des anticorps, les effets de la vaccination, la découverte de nouvelles bactéries) dans l’explication des mécanismes infectieux et s’efforcera d’intégrer les pratiques récentes de bactériologie médicale permettant le dépistage et la prévention des maladies infectieuses. La qualité de la formation des étudiants en médecine est ainsi constamment haussée. Soucieux de contribuer à l’amélioration de la santé publique, Bernier accepte en 1908 le poste de bactériologiste en chef du Conseil d’hygiène de la province de Québec, fonction qu’il exercera à temps partiel jusqu’à sa mort.
Travailleur infatigable qui ne refuse aucune occasion de promouvoir l’organisation de la bactériologie médicale dans la province de Québec, Bernier consent en 1911 à participer, avec les docteurs Hector Baril et Amédée Marien, à l’organisation du laboratoire de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Son aide est précieuse puisqu’il obtient de la faculté où il travaille un montant de 1 000 $ pour l’achat du matériel de laboratoire (microscopes, instruments de verre et brûleurs au gaz). Il prend aussi activement part à l’élaboration des plans d’aménagement du laboratoire et à l’organisation de l’enseignement qui y sera offert. Reconnaissant ses efforts, la direction de l’Hôtel-Dieu le nomme deux ans plus tard chef du laboratoire. Bernier y donne aussi le cours d’hygiène publique. Son mandat est de courte durée puisque, en 1914, il quitte son poste au laboratoire de l’Hôtel-Dieu de Montréal pour se consacrer quasi exclusivement à l’enseignement de la bactériologie et de la pathologie générale à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal/faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, dont il devient ainsi l’un des rares professeurs à temps plein. En 1918, il est élu membre du conseil, aux côtés d’autres praticiens d’envergure tels que Louis de Lotbinière Harwood*, Amédée Marien, Oscar-Félix Mercier, Télesphore Parizeau et René de Cotret. Ces derniers seront les principaux artisans de l’organisation scientifique de cette faculté. Bernier cumulera aussi deux autres postes de professeur à l’université de Montréal : en bactériologie à la faculté de chirurgie dentaire et, à partir de 1925, en hygiène pratique à l’école d’hygiène sociale appliquée.
Bernier fait de plus partie de la Society of American Bacteriologists. En 1922, il contribue, à titre de membre fondateur et de premier président, à la naissance de la Société de biologie de Montréal, qui existe encore au début du xxie siècle. Cette initiative d’un groupe de professeurs des facultés des sciences et de médecine de l’université de Montréal a pour but de diffuser les connaissances scientifiques et médicales, d’élaborer des travaux de recherche et d’accroître la collaboration avec les chercheurs étrangers. En 1923, Bernier compte aussi parmi les membres fondateurs de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences.
Au cours de sa carrière, Bernier s’efforce de suivre les progrès les plus récents de la bactériologie en triant sur le volet les contributions des écoles européennes et américaines ; au laboratoire du Conseil d’hygiène de la province de Québec, par exemple, il inaugure une ère nouvelle en réorganisant le service d’examens bactériologiques. Il cherche inlassablement à mieux relever les lacunes de la méthode prophylactique (pratique préventive) afin d’améliorer les interventions du Conseil d’hygiène sur le terrain. En outre, il raffine les statistiques sanitaires en vue de les rendre plus complètes et détaillées. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il crée un laboratoire de sérologie destiné au dépistage, notamment par l’usage nouveau de la réaction de Bordet-Wassermann, et au traitement de la syphilis. Pour la seule année 1927, plus de 26 000 réactions sont effectuées dans les laboratoires du Conseil d’hygiène, ce qui illustre la contribution importante de ce service à la lutte antivénérienne.
Un an avant sa mort, Bernier participe, en collaboration avec le docteur Joseph-Albert Baudoin, à la fabrication et à la distribution du vaccin antituberculeux (nommé B. C. G.) ; destiné aux nouveau-nés, ce vaccin a été mis au point quelques années plus tôt par les chercheurs français Albert Calmette et Camille Guérin. Bernier espère alors étendre cette pratique prophylactique à toute la province et souhaite mettre au point la vaccination antidiphtérique.
Arthur Bernier était un professeur méticuleux, compétent et soucieux d’initier ses élèves aux plus récents développements techniques et théoriques de la bactériologie médicale. Il a aussi contribué à élargir le champ de la pathologie en ajoutant à l’histologie une nouvelle méthode d’investigation des causes des maladies. Ses efforts pour améliorer sensiblement le diagnostic et la prévention étaient d’autant plus méritoires qu’il lui a fallu surmonter les réticences de plusieurs confrères, qui préféraient les méthodes traditionnelles. Grâce à sa remarquable contribution à l’enseignement de la bactériologie médicale et au développement des laboratoires, il figure parmi les plus importants pionniers non seulement de la bactériologie, mais aussi de la médecine scientifique au Canada.
Arthur Bernier a rédigé de nombreux rapports pour le Conseil d’hygiène de la province de Québec et quelques articles parus dans l’Union médicale du Canada (Montréal), parmi lesquels on retrouve : « les Anticorps », 36 (1907) : 96–101 ; « À propos de génération spontanée », 36 : 354–359 ; et « le Spirochète de la syphilis », 35 (1906) : 264–267.
ANQ-M, CE601-S51, 5 oct. 1873.— Arch. de l’hôpital Notre-Dame (Montréal), Procès-verbaux du bureau médical, 1892–1928 ; Rapports annuels, 1892–1928.— Arch. de l’institut Pasteur (Paris), Cours de microbie technique, MP 29048 (liste des personnes ayant suivi les cours, 1889–1970).— Le Devoir, 30 avril 1928.— La Patrie, 30 avril, 2 mai 1928.— La Presse, 30 avril 1928.— J.-A. Breton, « Nécrologie : le professeur Louis-Arthur Bernier, 1873–1928 », l’Union médicale du Canada, 57 (1928) : 376–378.— Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec, Reg. médical (Montréal), 1897 ; 1911.— École de médecine et de chirurgie de Montréal, Annuaire, 1890–1919.— Denis Goulet, Histoire de la faculté de médecine de l’université de Montréal, 1843–1993 (Montréal, 1993).— Denis Goulet et al., Histoire de l’hôpital Notre-Dame de Montréal, 1880–1980 (Montréal, 1993).— Denis Goulet et Othmar Keel, « les Hommes-relais de la bactériologie en territoire québécois et l’Introduction de nouvelles pratiques diagnostiques et thérapeutiques (1890–1920) », RHAF, 46 (1992–1993) : 417–442.— Univ. de Montréal, Faculté de médecine, Annuaire, 1920–1928.
Denis Goulet et Philippe Hudon, « BERNIER, ARTHUR (baptisé Louis-Arthur) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bernier_arthur_15F.html.
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Auteur de l'article: | Denis Goulet et Philippe Hudon |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |