BARNES, RICHARD, homme d’affaires et homme politique, né le 15 mars 1805 à St John’s, fils cadet de William Barnes, marchand, et de Hannah Butler ; le 16 décembre 1840, il épousa dans la même ville Eunice Alice Morris, et ils eurent une fille, qui mourut en bas âge, et un fils ; décédé le 3 septembre 1846 à St John’s.
À une époque où l’élite gouvernante de Terre-Neuve était formée surtout d’immigrants britanniques ou irlandais, Richard Barnes avait une conscience aiguë de sa condition de Terre-Neuvien de naissance. La famille de sa mère s’était établie à Port de Grave à la fin du xviie siècle et son grand-père paternel, qui selon la tradition familiale venait de Waterford (république d’Irlande), avait immigré dans les années 1760 à St John’s, où il était devenu poulieur. Après des études rudimentaires, Barnes entra dans l’entreprise de transport maritime et de charpenterie de son père, connue plus tard sous le nom de J. B. Barnes and Company, et finit par y devenir associé. Grand liseur, il participa en 1835 à la fondation de la St John’s Reading Room and Library, dont il fut secrétaire et trésorier à plusieurs reprises au cours de sa vie.
En 1840, Barnes faisait ses premières armes en politique en contribuant à la fondation de la Natives’ Society, qui se voulait non seulement une organisation de bienfaisance mais aussi un nouveau parti politique voué à la défense et à la promotion des intérêts des natifs de l’île, qu’ils soient Irlandais ou Anglais, catholiques ou protestants. Le rédacteur en chef du Newfoundland Patriot, Robert John Parsons*, saluait en elle le foyer de ralliement des libéraux et des marchands. À la première réunion, Barnes présenta aux sociétaires un projet de fanion portant un emblème entouré de roses, de chardons et de trèfles sur lequel se lisait la devise Union and Philanthropy – l’ancêtre du drapeau « rose, blanc et vert ». La « gracieuse fille de Terre-Neuve » qu’il remercia pour l’exécution de l’emblème était probablement sa cousine et future épouse, Eunice Alice Morris, fille de Rachel Butler et de Rutton Morris, ancien ministre de l’Église congrégationaliste de St John’s. Barnes était lui-même congrégationaliste.
Aux élections de 1842, tenues à la suite de la suspension du gouvernement représentatif l’année précédente, Barnes gagna la faveur de l’électorat de Trinity Bay à titre de champion des Terre-Neuviens de naissance. En janvier suivant, il faisait son entrée à la chambre fusionnée, qui réunissait le Conseil législatif et la chambre d’Assemblée. Cependant, sa réputation de « député natif par excellence » se trouva presque immédiatement ternie lorsqu’il vota, avec les conservateurs, contre la nomination d’un Terre-Neuvien d’origine au poste de greffier de la chambre, geste condamné par une résolution de la Natives’ Society. Convaincu que la suspension du gouvernement représentatif était due à un manque d’autonomie des députés, Barnes continua d’affirmer son indépendance en s’opposant à la rémunération des députés, à l’augmentation du budget de la résidence du gouverneur, sir John Harvey*, et à la nomination d’un secrétaire particulier auprès de celui-ci.
Après avoir objecté que les £350 qui seraient versées en salaire au secrétaire du gouverneur suffiraient à instruire pendant un an les enfants de tout un district, Barnes déposa un projet de loi qui visait à remplacer le système public d’instruction établi par la loi de 1836 sur l’éducation [V. Charles Dalton*]. Ce système avait été suspendu en raison des difficultés confessionnelles qui le rendaient inapplicable. Barnes proposait de répartir la responsabilité des écoles élémentaires entre les catholiques et les protestants et de leur assurer un financement égal. Des conseils scolaires catholiques et protestants seraient nommés dans chacun des neuf districts électoraux, la majorité des membres de chaque conseil protestant étant choisis parmi la dénomination principale du district. Le total de la subvention annuelle aux écoles élémentaires passerait de £2 100 à £5 000. Le projet de loi, adopté en 1843 sans guère de débats, créait en droit un système confessionnel d’instruction dans la colonie.
Félicité par les deux côtés de la chambre pour avoir rédigé le projet de loi et l’avoir défendu jusqu’à son adoption, Barnes était reconnu dès la fin de la session comme l’un des députés les plus populaires. Déjà membre du conseil d’administration de la Savings Bank et secrétaire du conseil scolaire protestant de St John’s, il fut élu en juin 1843 président de la Natives’ Society, dont il avait été jusque-là le trésorier. La construction d’une salle de réunions, le Natives’ Hall, commença au cours de son mandat de deux ans.
Estimant que la chambre devait se pencher sur le régime gouvernemental, Barnes présenta au début de 1844 un projet de loi en vue de modifier la constitution imposée en 1841. Le projet proposait essentiellement de revenir à la constitution de 1832, mais prévoyait une Assemblée de 25 députés représentant 24 districts. La façon dont il avait divisé et réaménagé les districts, en s’appuyant supposément sur la répartition de la population, souleva l’ire des libéraux catholiques, qui virent là un moyen de réduire leur influence et de placer les protestants en position de force. Accusé à la chambre d’être un bigot sectaire, un pion des marchands et d’avoir provoqué un affrontement entre les groupes religieux par son projet de loi sur l’éducation, Barnes rétorqua qu’il n’avait aucune visée sectaire et qu’il aurait proposé de délimiter les districts de la même manière si la colonie avait été peuplée de Turcs. Les libéraux tentèrent de retarder la deuxième lecture, mais ils échouèrent après sept mises aux voix. Parsons, qui appartenait aussi à la Natives’ Society, fut le seul protestant à voter dans le même sens que les libéraux. Ce long et pénible débat prit fin lorsque Barnes retira son projet de loi, après avoir appris des membres du Conseil de Terre-Neuve que Harvey était disposé à le porter, avec quelques modifications, à l’attention du secrétaire d’État aux Colonies, lord Stanley. Le débat sur la constitution reprit en 1846, mais le projet de loi de Barnes représenta la seule tentative sérieuse de réforme constitutionnelle que fit la chambre fusionnée.
Le 15 juillet 1845, à une réunion de la Natives’ Society, Richard Barnes fit valoir que le gouvernement manifestait dans ses nominations une « préférence aussi contraire à la bonne politique qu’à la justice » envers des gens « qui étaient bien moins dignes de considération que les natifs de l’île auxquels ils étaient préférés » et pressa la société d’affirmer davantage son indépendance en tant que parti politique. Mais les temps étaient au sectarisme, et la Natives’ Society ne put rivaliser avec les libéraux et les conservateurs. Deux coups vinrent la frapper en septembre 1846 : la mort prématurée de Barnes, à 41 ans, et l’effondrement du Natives’ Hall, qui n’était même pas achevé. Ambrose Shea*, président de l’organisation, affirma dans l’éloge funèbre de Barnes qu’il était le membre « le plus aimé de la société » et qu’il avait été « le premier à proclamer les droits de ses compatriotes ». En 1878, la Natives’ Society éleva un monument à sa mémoire dans le cimetière de la cathédrale anglicane.
Cathedral of St John the Baptist (Anglican) (St John’s), Reg. of burials, 1845–1846.— Centre for Nfld. Studies, Memorial Univ. of Nfld. Library (St John’s), Biog. information on Richard Barnes.— MHA, Barnes name file.— PANL, P8/A/11.— PRO, CO 194/120.— St Thomas Parish (Anglican) Church (St John’s), Reg. of marriages (copies aux PANL).— T.-N., General Assembly, Journal, 1843–1846.— Courier (St John’s), 5 sept. 1846.— Newfoundlander, 25 mai 1843, 8 févr., 10–11, 18 avril, 15 août 1844, 24 juill. 1845.— Newfoundland Patriot, 15 sept., 1er oct. 1840.— Patriot & Terra-Nova Herald, 18 janv. 1843.— Public Ledger, 4 févr., 30 juin 1840.— Royal Gazette and Newfoundland Advertiser, 21 févr., 10 oct. 1843.— Times and General Commercial Gazette (St John’s), 9 sept. 1846.— W. M. Barnes, Rolling home ; when ships were ships and not tin pots (Londres, 1931).— [M. J. Bruce, dite] sœur Mary Teresina, « The first forty years of educational legislation in Newfoundland » (thèse de
Pamela Bruce, « BARNES, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/barnes_richard_7F.html.
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Année de la publication: | 1988 |
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