ARCAND, NARCISSE (baptisé Narcisse-Joseph-Philias), menuisier et dirigeant syndical, né le 24 avril 1871 à Deschambault, Québec, huitième enfant de Narcisse Arcand, cultivateur, et de Mélanie Belisle ; le 6 octobre 1896, il épousa à Montréal Marie-Anne Mathieu, et trois fils et six filles lui survécurent ; décédé le 14 février 1927 à Montréal.
Narcisse Arcand s’installe à Montréal vers 1895 et travaille comme menuisier. Dès 1900, il adhère à la United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America (Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique) en s’inscrivant à la section locale 134, celle des charpentiers-menuisiers francophones de Montréal. La United Brotherhood, d’origine américaine, figure parmi les plus importants syndicats ouvriers au Canada au début du xxe siècle. Elle pratique un syndicalisme d’affaires, basé sur la négociation de conditions de travail et le respect du système capitaliste, dans la tradition du gompérisme américain, et revendique l’autorité sur pratiquement tous les métiers liés à la construction immobilière. En 1912, Arcand ira jusqu’à proposer l’expulsion de l’Amalgamated Society of Carpenters and Joiners, syndicat britannique rival de la United Brotherhood, du Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC) pour protéger le monopole syndical de la United Brotherhood.
Arcand, en effet, n’a pas tardé à jouer un rôle important au sein de la United Brotherhood. Dès 1902, il a accédé au poste d’organisateur provincial du syndicat, poste qu’il conservera durant 23 ans. On peut le voir partout, à Montréal aussi bien qu’en province. Son travail d’organisateur permet la formation de nombreuses sections locales de charpentiers et de menuisiers, notamment les sections 1554 de Thetford Mines en 1907 et 1108 de Saint-Hyacinthe en 1915. Même à Trois-Rivières, où le syndicalisme catholique tente de contrer la montée des syndicats « internationaux », la majorité des charpentiers et menuisiers adhèrent à la United Brotherhood durant la Première Guerre mondiale. En 1910, Arcand a été délégué au congrès de la United Brotherhood aux États-Unis. Durant les six dernières années de sa vie (1921–1927), il est président du conseil provincial du syndicat et, en 1925, secrétaire du conseil de district de Montréal. Il occupe aussi d’autres fonctions au sein de l’organisation syndicale au Canada. Il est membre du comité exécutif de la province de Québec du CMTC en 1913, 1914 et 1918, et il en assume la présidence en 1917. Durant quelques mois en 1916, il a fait partie de la fonction publique à titre d’agent d’équité salariale au ministère du Travail à Ottawa, où il remplaçait Victor Dubreuil*, qui venait de mourir. Il démissionne avec fracas à la fin du mois d’août, après qu’on lui eut retiré le dossier des mineurs de Thetford Mines.
Arcand ne s’occupe pas uniquement des charpentiers-menuisiers. Ainsi, en 1917, il appuie les démarches de la Western Federation of Miners, qui tente d’organiser les mineurs de Thetford Mines en un syndicat militant à l’extérieur du giron catholique. Les interventions de ce type feront de lui une des cibles privilégiées des autorités catholiques, qui dénoncent ce qu’elles appellent la mainmise des Américains sur le syndicalisme canadien.
Outre ses activités syndicales, Arcand participe également de façon active à la vie politique montréalaise. Il est de toutes les luttes politiques du début du xxe siècle. Militant de la première heure du Parti ouvrier, fondé à Montréal en 1899 [V. Joseph-Alphonse Rodier*], il est l’organisateur de la campagne d’Alphonse Verville, candidat ouvrier dans la circonscription d’Hochelaga aux élections provinciales de 1904. Verville y subit la défaite, mais il sera élu en 1906 à la Chambre des communes dans Maisonneuve. Arcand lui-même brigue les suffrages sous la bannière du Parti ouvrier, en 1912, aux élections provinciales dans Montréal-Dorion. Il récolte 921 voix, mais c’est le libéral Georges Mayrand qui l’emporte. Son programme comprenait notamment la journée de huit heures, la municipalisation des services publics comme le tramway et l’éclairage, la nationalisation des chemins de fer, l’abolition du travail des enfants de moins de 14 ans et de nombreuses mesures politiques comme l’utilisation du principe du référendum. Arcand subit une autre défaite en 1923, cette fois à l’avantage du conservateur Adolphe L’Archevêque aux élections provinciales dans Montréal-Mercier. Il a axé sa campagne sur la nécessité d’obtenir des salaires « raisonnables » pour les ouvriers des travaux publics. Arcand a joué un rôle actif dans la mise sur pied, en 1917, du Parti ouvrier du Canada, section de la province de Québec, après avoir reçu du CMTC le mandat de réorganiser le parti, lui qui occupait déjà le poste de président du comité central du Parti ouvrier de Montréal. Il est délégué au congrès de formation de la section provinciale en novembre 1917, ainsi qu’à celui d’une des assemblées de district, l’Assemblée de Montréal, quelques mois plus tard.
Arcand s’intéresse activement à la question scolaire au début du xxe siècle. Il est un des porte-parole du Parti ouvrier au moment du dépôt du mémoire de ce dernier devant la commission royale concernant les écoles catholiques de Montréal, créée en 1909. Tout en revendiquant l’instruction obligatoire et gratuite, il s’oppose directement au clergé montréalais – il leur reproche de mettre au ban de la société ceux qui veulent discuter de la question de l’éducation – et se prononce en faveur de l’annexion de toutes les commissions scolaires catholiques de l’île de Montréal à la Commission des écoles catholiques de Montréal afin d’assurer une plus grande uniformité dans l’administration des écoles et le choix des manuels.
De 1923 à sa mort, Narcisse Arcand se consacre presque exclusivement à ses tâches d’organisateur de la United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et délaisse quelque peu les autres combats. Il meurt à son domicile, à l’âge de 55 ans, le 14 février 1927. Des neuf enfants qui lui survivent, son fils Adrien*, chef du mouvement fasciste canadien, est certes le plus connu.
ANQ-M, CE601-S1, 6 oct. 1896.-- ANQ-Q, CE301-S25, 26 janv. 1851, 24 avril 1871.-- Le Monde ouvrier (Montréal), 9 déc. 1916, 2 juin 1917, 19 févr. 1927, mai–juin 1950.-- Le Pays (Montréal), 14 mai 1910, 20 avril 1912.-- La Presse, 20 avril 1912, 7 févr., 27 avril 1916.-- Le Soleil, 8 juill. 1917.-- Annuaire, Montréal, 1897–1900.-- R. H. Babcock, Gompers in Canada : a study in American continentalism before the First World War (Toronto et Buffalo, N.Y., 1974), 146.-- Bernard Dansereau, « Congrès des métiers et du travail du Canada, comité exécutif, province de Québec, 1889–1937 », RCHTQ [Regroupement des chercheurs-chercheures en hist. des travailleurs et travailleuses du Québec], Bull. (Montréal), 23 (1997), no 1 : 41–44.-- Robert Gagnon, Histoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal ; le développement d’un réseau d’écoles publiques en milieu urbain ([Montréal], 1996).-- Résultats électoraux depuis 1867.
Bernard Dansereau, « ARCAND, NARCISSE (baptisé Narcisse-Joseph-Philias) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/arcand_narcisse_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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