AHEARN, THOMAS, télégraphiste, ingénieur électricien, inventeur, industriel et fonctionnaire, né le 24 juin 1855 à Ottawa, fils de John Ahearn, forgeron, et de Honorah Power ; le 25 juin 1884, il épousa dans la même ville Lilias MacKey Fleck (morte en couches le 22 août 1888), et ils eurent un fils, Thomas Franklin, qui deviendrait député fédéral, et une fille, Lilias, qui épouserait l’éditeur Harry Stevenson Southam*, puis le 16 décembre 1892, au même endroit, il épousa la sœur de sa première femme, Margaret Howett Fleck (décédée le 3 janvier 1915), et le couple n’eut pas d’enfants ; décédé le 28 juin 1938 à Ottawa.

Thomas Ahearn grandit à Le Breton (LeBreton) Flats, quartier d’Ottawa alors ouvrier, dans une famille d’immigrants irlandais catholiques. Il étudia au collège d’Ottawa, mais fut renvoyé pour mauvaise conduite et ne termina pas sa scolarité. À plus de 70 ans, il retournerait aux études pour obtenir un diplôme officiel de télégraphiste et de téléphoniste. En 1868, Ahearn commença à travailler comme messager pour la Compagnie du télégraphe de Montréal, à son bureau de Chaudière (Ottawa), et en 1873, il s’installa à New York, où il fut engagé en qualité de télégraphiste au siège social de la Western Union Telegraph Company. Ce poste lui fit connaître les meilleures techniques et stratégies de gestion dans le domaine. Deux ans plus tard, il retourna à Ottawa et fut nommé télégraphiste en chef de la Compagnie du grand télégraphe du nord-ouest du Canada.

La chance sourit à Ahearn en 1879 quand il obtint, avec son ami et associé Warren Young Soper, un contrat pour installer un poste télégraphique national pour la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Ce contrat leur fournit suffisamment de capital pour leur permettre de créer une société d’experts-conseils en électricité, l’Ahearn and Soper, en 1882. L’année suivante, les jeunes hommes décrochèrent un contrat pour introduire l’éclairage électrique à la Chambre des communes, où les lumières s’allumèrent en janvier 1884, soit un an avant celles du capitole, à Washington, D.C. En 1887, Ahearn et Soper, qui représentaient alors la Westinghouse Electric Company au Canada, constituèrent la Compagnie de lumière et de pouvoir électriques de la Chaudière (à responsabilité limitée) en société à charte fédérale, ce qui leur permit de travailler autant à Ottawa qu’à Hull (Gatineau), au Québec. Grâce à ses relations avec la Westinghouse Electric Company, Ahearn connaissait bien les derniers perfectionnements techniques en production d’énergie électrique. Contrairement à d’autres sociétés dans le même domaine, la Compagnie de lumière et pouvoir électriques de la Chaudière investit dans un système à courant alternatif et à incandescence, qui était, à l’époque, encore à l’état expérimental et pratiquement inconnu au Canada.

Les entreprises d’Ahearn prospérèrent plus vite que les autres à Ottawa ; il avait la plus grosse clientèle et les meilleures technologies. En 1895, l’empire qu’Ahearn et Soper avaient créé dans cette ville était déjà bien établi. Ils étaient propriétaires de la firme Ahearn and Soper, qui fabriquait des dispositifs de contrôle et des petits appareils électriques, et qui distribuait en Ontario les produits de la Westinghouse Electric Company ; ils dirigeaient également les bureaux d’Ottawa de la Compagnie canadienne de téléphone Bell ainsi que la Compagnie de lumière et de pouvoir électriques de la Chaudière. En 1891, après avoir obtenu un contrat municipal pour installer un réseau de tramways électriques, ils fondèrent la Compagnie du tramway électrique d’Ottawa, premier système du genre au Canada qui fonctionnait l’hiver. De plus, ils acquirent la majorité des actions de la Compagnie du chemin de fer à passagers de la cité d’Ottawa [V. Thomas Coltrin Keefer*], entreprise plus ancienne qui exploitait des tramways hippomobiles, et fusionnèrent les deux en 1894 pour créer la Compagnie du chemin de fer électrique d’Ottawa, la seule société de tramways au Canada qui reçut une charte fédérale.

L’année précédente, Ahearn et Soper avaient aussi investi dans un vieil atelier de construction de voitures qui devint le siège social de l’Ottawa Car Company Limited (rebaptisée l’Ottawa Car Manufacturing Company en 1913). La production de cette société était axée sur les besoins de la Compagnie du chemin de fer électrique d’Ottawa et d’autres sociétés canadiennes de tramways. Elle faisait partie des fabricants les plus importants de la ville et on y construisait des tramways, des locomotives et de l’équipement de déneigement. Les tramways de l’Ottawa Car Company étaient pourvus d’appareils de chauffage fabriqués par l’Ahearn Electric Heating and Manufacturing Company Limited. En 1894, Ahearn, John William McRae*, Erskine Henry Bronson et d’autres associés constituèrent juridiquement la Compagnie électrique d’Ottawa ; ils créèrent ainsi un monopole sur l’éclairage commercial et résidentiel à Ottawa. Un an plus tard, Ahearn et Soper étendirent leurs activités : ils fondèrent l’Ottawa Porcelain and Carbon Company Limited pour fournir à leurs sociétés d’électricité des isolateurs, des bacs d’accumulateurs, des électrodes de charbon pour les lampes à arc, des balais de moteur et divers petits articles du même ordre.

Ahearn détenait des brevets canadiens pour des inventions qui allaient d’un four électrique à un fer à repasser, en passant par une bouillotte électrique et un système de chauffage pour tramway. Ses brevets d’inventions reflétaient sa vie professionnelle et ses intérêts personnels : les premiers étaient liés à la télégraphie et la téléphonie, les suivants à l’électricité, et les derniers à son intérêt pour l’enregistrement et la reproduction de la musique. Toutefois, grâce à sa capacité de résoudre les problèmes techniques particuliers qui entravaient le progrès de vastes systèmes, ses entreprises avaient une longueur d’avance sur la concurrence. Il innovait constamment, trouvait de nouvelles façons de relier ses machines et adaptait ses inventions à ses besoins. Il était également passé maître dans la promotion publicitaire. Le 29 août 1892, il convia des membres de l’élite d’Ottawa à un banquet « électrique ». Un repas complet fut préparé dans une centrale électrique sur des appareils qu’il avait conçus et fabriqués. Les plats furent livrés à la salle à manger de l’hôtel Windsor par tramway.

Dans les années 1890, très peu de familles à Ottawa pouvaient se permettre un attelage pour des excursions à l’extérieur de la ville. Ahearn transforma une propriété de Rockcliffe en parc d’attractions ; il y avait des rails qui serpentaient dans les bois surplombant la rivière des Outaouais, un manège électrique, un impressionnant éclairage à arc et à lumière incandescente, ainsi que des musiciens. Ensuite, il prolongea la Compagnie du chemin de fer électrique d’Ottawa de New Edinburgh au parc de Rockcliffe, ce qui fit augmenter l’achalandage et le revenu de sa société. En 1900, année où l’entreprise commença à offrir un service le dimanche, Ahearn acheta une propriété à Britannia Bay et aménagea un deuxième parc d’attractions, qui devint un lieu de prédilection pour les pique-niques familiaux de fin de semaine. Il fut le premier à Ottawa à conduire une automobile – alimentée, évidemment, par des batteries d’accumulateur. Par la suite, des voitures similaires furent exposées et mises en vente dans une foire locale.

Libéral convaincu, Ahearn, tout le long de sa carrière, créa des alliances politiques solides. Ces dernières lui permirent de bâtir un empire commercial non assujetti aux règlements municipaux, ce qui était inhabituel. Il avait noué une étroite amitié avec les premiers ministres sir Wilfrid Laurier* et William Lyon Mackenzie King*. Par exemple, King mentionne dans son journal intime qu’Ahearn contribua à financer l’achat de la maison Laurier, qui fut plus tard léguée à King.

En 1927, Ahearn fournit la compétence technique qui, pour la première fois, permit à un premier ministre du Canada de faire un appel téléphonique officiel en Grande-Bretagne. La même année, il fut nommé président du comité de radiodiffusion pour la célébration du soixantième anniversaire de la Confédération et supervisa la première émission de radio diffusée dans tout le Canada. En 1927, il devint aussi le premier président de la Commission du district fédéral (précurseur de la Commission de la capitale nationale), fonction qu’il assuma pendant cinq ans, puis, en 1928, il devint membre du Conseil privé du Canada. À la fin de sa vie, Ahearn s’occupa d’immobilier et de finance. Il fit partie du conseil d’administration de la Banque de Montréal et de ceux de la Compagnie de garantie de l’Amérique du Nord, de la Royal Trust Company, de l’Ottawa Investment Company et de l’Ottawa Land Association.

La carrière de Thomas Ahearn fut vraiment remarquable. Bien qu’issu d’une famille pauvre de la classe ouvrière, il devint l’un des entrepreneurs les plus riches et les plus influents d’Ottawa. Sa compétence technique exceptionnelle, de même que son intuition, lui permit de concurrencer avec succès les membres de l’élite du monde des affaires de la ville et de nouer des alliances politiques solides. Au moyen des sociétés qu’il fonda et des organismes qu’il dirigea, Ahearn réalisa son rêve de faire d’Ottawa une capitale moderne et industrialisée ; il contribua grandement à sa transformation à la fin du xixe siècle et au début du xxe.

Anna Adamek

Thomas Ahearn détenait les brevets nos 9936, 17669, 18042, 35896, 38976, 39506, 39507, 39508, 39915, 39916, 39917, 177935, 189071, 191939 et 208058 (Office de la propriété intellectuelle du Canada, « Base de données sur les brevets canadiens » : brevets-patents.ic.gc.ca/opic-cipo/cpd/fra/introduction.html (consulté le 7 janv. 2014).

AO, RG 22-354, no 1592 ; RG 80-5-0-123, no 2304 ; RG 80-5-0-193, no 2596 ; RG 80-8-0-123, no 2793 ; RG 80-8-0-552, no 9342.— BAC, « Journal personnel de William Lyon Mackenzie King » : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/politique-gouvernement/premier-ministres/william-lyon-mackenzie-king/Pages/journal-mackenzie-king.aspx (consulté le 7 janv. 2014) ; R3084-0-5 ; R10811-0-X.— Fred Cook, « Hon. Thos. Ahearn as I knew him », Evening Citizen (Ottawa), 28 juin 1938 : 14–15.— Ottawa Citizen, 30 août 1892, 28 juin 1938.— Anna Adamek, « Incorporating power and assimilating nature : electric power generation and distribution in Ottawa, 1882–1905 » (mémoire de m.a., univ. d’Ottawa, 2003).— Fred Angus, « Seven hundred days : the story of Ahearn & Soper and the beginning of electric traction in Ottawa », Canadian Rail (Saint-Constant, Québec), no 377 (novembre–décembre 1983) : 188–216.— F. L. G. Askwith, « An historical sketch of the electrical utility industry in the Ottawa area » (communication inédite, 1973 ; exemplaire aux Arch. de la ville d’Ottawa dans l’Ottawa Hydro fonds (MG 039).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Greg Gyton, la Capitale de tous les Canadiens : l’histoire de la Commission de la capitale nationale (Ottawa, 1999).— D. C. Knowles, The Ottawa Car Company, 1892–1948 (Ottawa, 2003).

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Anna Adamek, « AHEARN, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ahearn_thomas_16F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2017
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