WORRELL, CLARENDON LAMB, ministre de l’Église d’Angleterre, éducateur et archevêque, né le 20 juillet 1853 à Smiths Falls, Haut-Canada, fils cadet du révérend John Bell Worrell et d’Elizabeth Jane Lamb ; le 3 janvier 1877, il épousa à Stanhope, Québec, Charlotte Ann Ward (décédée le 23 août 1915), et ils eurent un fils et trois filles, puis le 18 octobre 1917, à Halifax, Annie Head Abbott, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 10 août 1934 à Halifax.

Clarendon Lamb Worrell, surnommé Clare, étudia à Smiths Falls, où son père était le rector de l’Église d’Angleterre, avant d’entrer à la Trinity College School de Port Hope en 1870. Au cours des six mois qu’il passa dans cet établissement et de ses trois années au Trinity College de Toronto, il reçut de nombreuses récompenses scolaires. En 1873, il obtint sa licence avec mention très bien en mathématiques et mention bien en études classiques. Le Trinity College lui conférerait une maîtrise ès arts en 1883 et il recevrait plusieurs distinctions honorifiques plus tard dans sa carrière.

Worrell envisagea de suivre les traces de son frère, John Austin Worrell, en droit. Il devint plutôt professeur, d’abord de mathématiques, à la Bishop’s College School de Lennoxville (Sherbrooke), au Québec, puis au Hellmuth College de London, en Ontario, sous la direction d’Arthur Sweatman* ; ensuite, il enseigna à la Wentworth School de Hamilton et au Cobourg Collegiate Institute. Au dire de tous, Worrell était un éducateur réputé. Sweatman le décrivit ainsi : « Calme et ferme en matière de discipline, [c’était] quelqu’un avec qui personne n’aurait osé plaisanter ni se permettre des libertés. »

Worrell retourna au Trinity College en 1878 pour étudier la théologie et fut ordonné diacre en 1881 ; il occupa ensuite les fonctions de vicaire de l’église Christ Church à Gananoque, puis de l’église Holy Trinity de Brockville. Il dirigea également les écoles secondaires locales. Après avoir été ordonné prêtre en 1884, Worrell fut rector de Williamsburg et de Morrisburg, avant d’être engagé comme professeur de littérature anglaise au Royal Military College of Canada, à Kingston, et rector de l’église St Mark, à Barriefield, en 1891. Il assumerait les fonctions de rector de l’église St Luke, à Kingston, en 1903.

L’ascension de Worrell dans la direction des affaires de l’Église fut marquée par sa désignation en 1896 au poste de conseiller en théologie auprès de l’archevêque de l’Ontario John Travers Lewis* et par sa mise en nomination, la même année, à la fonction d’évêque d’Algoma (il termina troisième au scrutin). En 1900, il était le candidat préféré de la grande majorité des laïques pour le poste d’évêque coadjuteur de l’Ontario et ne perdit que par une voix du clergé [V. William Lennox Mills*]. Il fut nommé archidiacre de l’Ontario en 1901 et, trois ans plus tard, élu président des délégués de la chambre basse du synode pour la province ecclésiastique du Canada.

Worrell devint le sixième évêque de la Nouvelle-Écosse à la suite d’une élection controversée, en 1904, pour remplacer Frederick Courtney, qui avait démissionné afin d’assumer les fonctions de rector de l’église St James de New York. Après 11 tours de scrutin, le choix s’était porté sur Henry John Cody*, rector de l’église St Paul, à Toronto, et ministre évangélique de premier plan, qui refusa le poste immédiatement. Le synode ajourna alors ses travaux pendant deux mois après avoir formé un comité mixte de laïques et de membres du clergé pour suggérer des noms de candidats possibles. On proposa Worrell, théologien modéré, ainsi que Lewis Norman Tucker, ministre évangélique et secrétaire général de la Société des missions de l’Église anglicane en Canada ; Worrell fut élu le 31 août après trois autres tours de scrutin. Sa consécration eut lieu à la cathédrale Christ Church de Montréal le 18 octobre.

Sans être un prédicateur remarquable comme son prédécesseur, Worrell avait une présence imposante et remplissait ses fonctions avec énergie, esprit de décision et compétence administrative. Il reconnut qu’il devait s’attaquer immédiatement à la question de la rémunération misérable de la plupart des membres du clergé et à celle des besoins des paroisses moins riches. En 1906, la responsabilité du soutien financier des paroisses et du clergé au sein du diocèse ainsi que des missions à l’extérieur du diocèse fut consolidée entre les mains d’un conseil diocésain des missions, mais les problèmes pécuniaires demeurèrent une préoccupation pendant tout l’épiscopat de Worrell.

La situation au King’s College de Windsor était tout aussi préoccupante. En tant que seul établissement anglican des Maritimes, il était crucial pour la formation du clergé. Cependant, le faible taux d’inscriptions et une condition financière précaire compromettaient sa survie. Worrell tenta de rendre l’éducation plus attrayante pour les évangéliques, qui se méfiaient de la prédominance de membres de la Haute Église dans l’école de théologie. Cette tentative se solda par un succès mitigé, malgré l’insistance de l’évêque sur le besoin de tolérance entre les tenants de la Haute et de la Basse Église.

Le nombre d’inscriptions dégringola pendant la Première Guerre mondiale et, en 1918, il n’y avait plus que 39 étudiants ; un incendie détruisit l’édifice principal du collège deux ans plus tard. Le collège fut sauvé de la disparition grâce à une dotation offerte en 1922 par la Carnegie Corporation of New York, dans l’espoir de créer une fédération universitaire dans les Maritimes [V. George Frederick Pearson] sur le modèle de la University of Toronto. La dotation était toutefois conditionnelle au transfert du King’s College à Halifax pour l’affilier à la Dalhousie University. Worrell était depuis longtemps acquis à l’idée d’une fédération universitaire ; l’affiliation du collège à la Dalhousie University en 1923 constitue l’une de ses réussites durables.

La réalisation majeure de l’épiscopat de Worrell fut peut-être la fin de la construction de la cathédrale All Saints à Halifax. Cette entreprise avait été le rêve du quatrième évêque, Hibbert Binney*, mais les plans avaient été mis en veilleuse après sa mort. En décembre 1905, la destruction par le feu de l’église St Luke, qui tenait lieu de cathédrale, avait rendu le projet urgent, et Worrell s’y consacra corps et âme. En un an, il avait entrepris des démarches pour acheter un terrain et engager la firme d’architectes new-yorkaise Cram, Goodhue and Ferguson pour concevoir une imposante structure néogothique. Sur la recommandation de Percy Erskine Nobbs* de la McGill University, les propositions de la société américaine eurent préséance sur celles de l’architecte local, William Critchlow Harris* ; les services de ce dernier furent toutefois retenus pour la supervision du projet. Samuel Manners Brookfield* fut engagé en qualité d’entrepreneur général. Malgré des difficultés liées aux finances et à la construction, aggravées par des différends entre l’évêque et l’architecte Bertram Grosvenor Goodhue, la cathédrale All Saints ouvrit ses portes le 3 septembre 1910, point d’orgue d’un congrès ecclésiastique canadien présidé par Worrell et tenu à l’occasion du bicentenaire de l’Église d’Angleterre au Canada. Si l’édifice fut terminé à temps, on le doit en grande partie à la volonté de fer et à la détermination de l’évêque.

Worrell réagit à la Première Guerre mondiale par un fervent patriotisme, y voyant une menace non seulement pour l’Empire britannique, mais aussi pour la civilisation elle-même. En 1917, dans son discours d’ouverture au synode de la Nouvelle-Écosse, il se déclara favorable au droit de vote pour les femmes, en reconnaissance de « leur noble conduite et de leur esprit de sacrifice pour le bien de l’humanité et le soutien de l’Empire ». L’explosion de Halifax, survenue le 6 décembre de cette année-là, endommagea considérablement les églises à Halifax et à Dartmouth, dont sa cathédrale bien-aimée. À une époque où le pays était épuisé par la guerre, les tentatives d’obtenir de l’aide auprès d’anglicans d’autres régions du Canada pour effectuer les réparations donnèrent des résultats décevants. En 1919, Worrell fut élu évêque des Bermudes, diocèse traditionnellement lié au Canada atlantique, mais il ne refusa définitivement le poste qu’en 1924 ; dans l’intérim, à l’invitation de l’archevêque de Cantorbéry, il agit à titre d’évêque superviseur et se rendit deux fois dans la colonie.

Worrell avait été élu métropolitain de la province ecclésiastique du Canada en 1915, avec le titre d’archevêque de la Nouvelle-Écosse ; il devint primat suppléant du Canada en 1930 et, en septembre de l’année suivante, il fut élu primat. Onze mois plus tard, l’anglicanisme canadien connut la crise financière la plus grave de son histoire lorsqu’on découvrit que les dotations de la province de la terre de Rupert avaient été détournées par un éminent avocat de Winnipeg, John Alexander Machray, également chancelier du diocèse de la terre de Rupert. Le 14 septembre 1932, le conseil de direction du synode général apprit que les pertes s’élevaient à environ 759 000 $. Worrell répondit : « Le bien et l’honneur de l’Église exigent que l’œuvre soit poursuivie et que les dotations perdues soient remplacées. » Une campagne pour recouvrer les dotations fut lancée ; le chanoine Sydney Gould la dirigea et Worrell travailla en étroite collaboration avec lui. Pour chercher des appuis, Worrell parcourut le pays, infatigable malgré son âge avancé. À son décès, en 1934, l’entreprise était en voie d’atteindre ses objectifs.

Franc-maçon notable, Clarendon Lamb Worrell était également actif au sein de la Lord’s Day Alliance et assuma la présidence du Moral and Social Reform Council of Canada pour la Nouvelle-Écosse. Il ne prétendait pas être théologien et traitait les questions de doctrine avec le même bon sens qui le guidait dans ses fonctions d’administrateur. Dans l’éloge qu’il rendit aux funérailles de Worrell, l’évêque de Fredericton, John Andrew Richardson, déclara : « Il possédait une foi simple d’enfant, un dévouement qui jamais ne fléchit, une énergie qui jamais ne déclina, un courage qui jamais ne faiblit. »

Henry Roper

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Henry Roper, « WORRELL, CLARENDON LAMB », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/worrell_clarendon_lamb_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2015
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