WHITE, JAMES FRANCIS, enseignant, directeur d’école, inspecteur scolaire et auteur, né le 18 novembre 1857 à Trenton, Haut-Canada, fils de James White, cordonnier, et d’Ellen Maloney ; en 1918, il épousa à Rochester, New York, Helen Gertrude Buck, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 20 mai 1922 à Toronto.
Pédagogue né et talentueux administrateur, James Francis White fut l’un des rares laïques catholiques de sa génération à exercer une influence directe et positive sur les écoles séparées en Ontario. Autant il en reconnaissait franchement les lacunes, autant il était direct quand il recommandait des solutions. Fermement convaincu que les catholiques pouvaient beaucoup pour améliorer leurs écoles, il survécut aux tracasseries de la bureaucratie ontarienne de l’éducation en apprenant à traiter aussi bien avec les fonctionnaires départementaux qu’avec la hiérarchie catholique.
Fils d’un couple d’Irlandais, White était le benjamin de la famille ; une de ses sœurs devint religieuse et une autre, institutrice. Il alla dans une école élémentaire séparée, obtint son diplôme d’études secondaires et, après quelques cours particuliers, s’inscrivit à la Normal School de Toronto pour la session d’août à décembre 1875. Non seulement remporta-t-il la médaille Dufferin, mais il reçut un brevet d’enseignement provincial de première classe, ce qui lui garantissait une prime annuelle de 100 $ de l’archevêque de Toronto, John Joseph Lynch*. La première partie de sa carrière d’enseignant, qui ne dura que six ans, culmina par des directions d’école à Brockville et à Lindsay. En juillet 1878, il fut délégué au congrès des enseignants des écoles séparées qui se tint à Hamilton. À cette occasion, il fut élu secrétaire archiviste et secrétaire d’administration, ainsi que membre du comité sur les statuts et règlements du congrès et du comité sur la législation.
En avril 1882, en réponse à des griefs sur les inspecteurs protestants et sur le manque de cohérence dans l’inspection professionnelle, le gouvernement d’Oliver Mowat* nomma White inspecteur provincial des écoles séparées. Après des années de pressions intensives, les défenseurs des écoles séparées obtenaient enfin leur propre inspecteur – et, qui plus est, un catholique. White élut résidence à Toronto. Son mandat, en vertu duquel il relevait directement du ministre, en faisait le catholique le plus influent du département de l’Éducation (il appartenait au comité central de ce département) et la plus puissante voix laïque dans le camp des écoles séparées. Même après qu’on lui adjoindrait un assistant (Cornelius Donovan, de Hamilton) en 1884, son autorité ne faiblirait jamais.
En vue de rédiger son premier rapport, daté de décembre 1882, White parcourut le territoire qui s’étendait de Windsor à la frontière de la province de Québec et monta vers le nord jusqu’à Mattawa. Il visita 135 écoles et, même s’il en avait encore 58 à inspecter, il se sentit assez sûr de lui pour rédiger une analyse détaillée. Il mit en évidence de nombreuses faiblesses : enseignement de l’anglais négligé dans beaucoup d’écoles allemandes et françaises ; ventilation, éclairage et chauffage déficients ; piètre instruction en lecture, grammaire et histoire ; présence irrégulière aux cours ; manque d’appui de la part des parents ; financement insuffisant, bon nombre d’écoles, surtout dans les régions rurales, ne survivant qu’avec peine. Ses critiques les plus sévères portaient sur les disparités dans l’accréditation des enseignants et sur le manque d’uniformité dans l’utilisation des manuels autorisés. White continuerait de se préoccuper de ces deux problèmes, qui persisteraient pendant une bonne partie du xxe siècle.
White soutenait que tous les enseignants des écoles séparées, y compris ceux des communautés religieuses, devaient avoir été formés dans une école normale et détenir un brevet. Sa position déplaisait parce que bien des écoles urbaines ne restaient ouvertes que grâce aux religieux, qui étaient aimés et peu payés. Il affirmait néanmoins que les administrateurs avaient tort de continuer à engager des enseignants qui détenaient des brevets de la province de Québec équivalant à peine aux brevets de troisième classe de l’Ontario. En outre, les règlements adoptés en 1879 reconnaissaient seulement les brevets québécois décernés avant la Confédération. Le fait que les détenteurs étaient en général des religieux de langue française rendait la position de White encore plus impopulaire, surtout dans l’archidiocèse d’Ottawa, où nombre d’écoles en étaient venues à ne pas pouvoir se passer des religieux. Bien que, manifestement à la suite des recommandations de White, une école modèle vouée à la formation des enseignants de langue française ait ouvert ses portes à Plantagenet en 1890 [V. sir George William Ross*], une crise éclata à Ottawa en 1892. Sur l’invitation de la section française du conseil des écoles séparées de la ville, White rédigea un rapport confidentiel (dont la presse obtint copie) sur la situation dans les écoles relevant de celle-ci. Condamnation virulente de l’administration de ces écoles – dont bon nombre étaient dirigées par les Frères des écoles chrétiennes, détachés de Montréal – ainsi que des méthodes d’enseignement qui y étaient appliquées, ce document fut intégré au rapport produit en 1895 par une commission provinciale sur les écoles séparées d’Ottawa. Les commissaires louèrent le travail des religieuses enseignantes, mais furent très sévères à l’endroit des Frères des écoles chrétiennes et exigèrent qu’ils obtiennent des brevets ontariens. Non seulement White se déclara-t-il d’accord, dans son rapport d’inspecteur en 1895, mais il menaça de recommander la suspension des subventions versées aux écoles tenues par les Frères des écoles chrétiennes, qui quittèrent Ottawa cette année-là et n’y reviendraient qu’en 1902.
Durant des années, White et d’autres inspecteurs des écoles séparées incitèrent en vain les évêques catholiques à approuver la formation en école normale et la soumission des religieux à des examens. White continua de s’intéresser de près à ce dossier après s’être retiré de son poste d’inspecteur en 1902 et même une fois que la question eut été soustraite à la compétence des inspecteurs en 1904, soit l’année où un enseignant et contribuable catholique, J. D. Grattan, intenta des poursuites contre le conseil des écoles séparées d’Ottawa parce que celui-ci avait décidé d’engager les Frères des écoles chrétiennes pour une école à construire dans la paroisse Notre-Dame. Grattan soutenait que, comme ils ne détenaient pas de brevets de l’Ontario, ces frères n’étaient pas habilités à enseigner. En appel, la Haute Cour de justice maintint en 1906 le jugement rendu en sa faveur et, en référé, le comité judiciaire du Conseil privé [V. Charles Hugh Gauthier] fit de même. Pendant que le gouvernement de James Pliny Whitney* rédigeait un projet de loi sur l’accréditation des enseignants, en 1907, White intervint personnellement auprès du premier ministre. Dans des lettres datées du 13 et du 23 mars, il suggéra une méthode qui permettrait aux religieux d’obtenir des brevets avec un minimum d’embarras et en un minimum de temps. Le gouvernement tint compte de ses suggestions.
Sur la question des manuels, White était tout aussi ferme : les écoles séparées devaient suivre les règlements départementaux. L’abus d’un privilège qui permettait aux conseils de choisir des livres non autorisés avait engendré la confusion. Dès sa nomination, White réclama la fin de cette pratique. Dans son rapport sur les écoles françaises d’Ottawa en 1892, il manifesta du mépris pour la collection De La Salle de manuels d’anglais choisie par les Frères des écoles chrétiennes et en exigea le retrait. Lorsqu’il interrogeait les élèves, il se servait des manuels des écoles publiques, et non de ceux choisis par les évêques, ce qui le mit en conflit avec Lynch. Selon l’archevêque, le dédain manifesté par White pour la collection de Sadlier et les manuels privilégiés par les Frères des écoles chrétiennes était une insulte scandaleuse à l’autorité épiscopale, mais White ne se laissait pas intimider. Sa relation avec le successeur de Lynch, John Walsh*, fut plus constructive. Celui-ci ne prit nullement ombrage de cette opinion formulée par White en 1891 : « tandis que tous conviennent que les livres de lecture des écoles séparées doivent être à teneur catholique, il n’est pas moins essentiel qu’ils soient bien adaptés à l’enseignement ». Walsh accepta les changements apportés en 1895 par White aux livres de lecture de Sadlier et l’adoption du quatrième livre de lecture des écoles publiques pour les examens d’entrée à l’école secondaire. En gage d’amitié pour l’archevêque, l’inspecteur avait écrit un texte intitulé « Separate school law and the separate schools of the archdiocese » pour un ouvrage paru à Toronto en 1892, Jubilee volume, 1842–1892 : the archdiocese of Toronto and Archbishop Walsh.
White démissionna en 1902. Il avait rendu de grands services à la cause de l’éducation catholique en Ontario en forçant la tenue d’un débat public sur les délicates questions des manuels scolaires et de l’accréditation des enseignants. Malgré tous les efforts qu’il avait déployés pour rappeler à la province l’état déplorable du financement des écoles séparées, il n’avait pourtant pas réussi à convaincre le gouvernement de leur verser une part plus équitable des fonds publics. Cet échec n’était pas uniquement le sien, mais aussi celui d’une multitude d’évêques, de prêtres, d’éminents laïques, d’enseignants et de commissaires d’écoles.
Le 11 décembre 1902, White succéda à John Alexander McCabe à la direction de l’école normale d’Ottawa. Tout en administrant ce gros établissement, il enseignait l’histoire de l’éducation, l’administration scolaire et l’anglais. Sa charge de travail était telle que, en 1909, il ne put ni réviser les manuels de lecture Canadian Catholic, comme la Copp Clark Company l’invitait à le faire, ni compiler une histoire du Canada, comme le lui demandait l’archevêque de Toronto, Fergus Patrick McEvay*. Toutefois, en 1913, il trouva le temps d’agir à titre de secrétaire d’un comité laïque catholique dont le mandat consistait à formuler, à l’intention des évêques ontariens, des recommandations pour améliorer les écoles secondaires et collèges catholiques. Quatre ans plus tard, il réaménagea complètement l’immeuble de l’école normale. Il resta directeur de cette école jusqu’à sa mort, survenue en 1922 à la suite d’une opération à la prostate. Il avait été malade et avait habité Toronto durant la dernière année de sa vie. Il fut inhumé dans cette ville, au cimetière Mount Hope.
Chancelier des Chevaliers de Colomb, James Francis White légua des dons à de nombreux organismes et œuvres de bienfaisance catholiques. En 1905, l’université d’Ottawa lui avait décerné un doctorat honorifique en droit. Il avait été président du comité littéraire de l’Association des champs de bataille de Québec pendant les fêtes du tricentenaire en 1908. Cependant, sa véritable passion avait été l’éducation. Le Globe de Toronto a écrit : « [Il] était réputé parmi les enseignants de la province pour son érudition, son sens du devoir et ses grands talents de pédagogue. Tous ceux qui l’ont connu aimaient et admiraient ce courtois gentleman chrétien. »
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Michael Power, « WHITE, JAMES FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/white_james_francis_15F.html.
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Auteur de l'article: | Michael Power |
Titre de l'article: | WHITE, JAMES FRANCIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |