SEATH, JOHN, instituteur, fonctionnaire et auteur, né le 6 janvier 1844 à Auchtermuchty, Écosse, fils de John Seath, ingénieur, et d’Isabel Herkless ; le 23 juillet 1873, il épousa à Dundas, Ontario, Caroline Louisa McKenzie, et ils eurent un fils et deux filles ; décédé le 17 mars 1919 à Toronto.

En 1847, John Seath père s’installa avec sa famille dans la localité de Monaghan (république d’Irlande), où il prit la direction d’une usine de gaz. Le jeune John commença ses études dans cette ville et retourna en Écosse à l’âge de 14 ans pour entrer à la University of Glasgow. Toutefois, c’est en Irlande, à la Queen’s University, qu’il obtint une licence ès arts en 1861. La même année, les Seath immigrèrent dans le Haut-Canada, probablement à Toronto, où le père de John gagnerait sa vie comme plombier, ajusteur-gazier et propriétaire d’une pension.

Ayant choisi l’enseignement, Seath obtint en janvier 1862, à l’âge de 17 ans, la direction de l’école secondaire de Brampton. Nommé à des postes semblables à Oshawa en 1869 et à Dundas en 1871, il dirigea ensuite le St Catharines Collegiate Institute de 1874 à 1884. Il militait dans l’Ontario Teachers’ Association depuis les années 1860 et se fit connaître par ses vifs commentaires sur l’éducation. Licencié ès arts de la University of Toronto en 1864, il recevrait en 1882 une maîtrise ès arts à titre honorifique de la Royal University of Ireland.

Sous la direction de Seath, le St Catharines Collegiate Institute attira des érudits de toute la province. Seath prônait l’éducation progressive, en particulier le mouvement visant à adoucir la transition entre l’école et le monde du travail. Selon lui, les études avaient une efficacité maximale si des travaux manuels venaient compléter l’apprentissage théorique, et si l’on tenait également compte des aptitudes des élèves et de leurs projets de carrière. Sa passion pour les études classiques – il publia une édition du Paradis perdu de Milton en 1878 et un texte latin en 1881 – ne l’empêchait pas de faire valoir la nécessité d’instaurer des programmes d’études pratiques.

L’intérêt de Seath pour ces programmes et pour des domaines tels que la formation des enseignants attira l’attention des hommes politiques et des fonctionnaires. Le 15 octobre 1884, il fut nommé inspecteur provincial des écoles secondaires ; il allait travailler aux côtés de John Eastwood Hodgson. Seath se mit à l’œuvre avec son zèle coutumier : son premier rapport, en 1885, comptait 20 pages alors que celui de Hodgson n’en avait que 4. Bientôt, il acquit la conviction que la province devait centraliser fortement son réseau scolaire si elle voulait s’adapter au futur contexte socio-économique. Cette opinion était conforme à la politique du ministre de l’Education, George William Ross. Par exemple, Seath favorisait une plus grande harmonisation des programmes d’études secondaires avec les critères d’admission des universités et des organisations professionnelles.

Bien qu’il ait été très absorbé par son inspectorat, qui exigeait de fréquents déplacements, Seath continuait de faire pression en faveur de l’enseignement technique. En 1889–1890, il étudia la formation manuelle donnée dans les écoles de la Nouvelle-Angleterre. En 1901, il publia Manual training and high school courses of study, où il louait la contribution d’Adelaide Sophia Hoodless [Hunter*] et de Lillian Frances Treble [Massey] à la promotion de l’enseignement des arts ménagers. D’autres facteurs favorisèrent grandement l’instauration de la formation manuelle et de l’économie domestique, à savoir les fonds versés par sir William Christopher Macdonald et le soutien enthousiaste de Richard Harcourt*, ministre de l’Éducation de l’Ontario à compter de 1899. Plus sensible que Ross aux impératifs industriels et scientifiques du nouveau siècle, Harcourt commença à instituer des subventions publiques et lança une révision radicale du programme élémentaire. Avec son appui, Seath put transformer graduellement les écoles secondaires et en faire autre chose que des réservoirs d’alimentation pour les universités. Dès 1904, sept programmes distincts d’études secondaires figuraient dans les règlements révisés : général, commercial, formation manuelle, agriculture, économie domestique, préparation à l’école normale et préparation à l’université. Ce processus de transformation suscita dans le corps professoral beaucoup d’animosité envers Seath. Pourtant, en 1903–1904, il réussit à vaincre l’opposition de l’Ontario Educational Association aux nouvelles matières. Moins fructueuses, semble-t-il, furent ses patientes explications au Trades and Labor Council au sujet du nouvel enseignement. Le conseil s’opposait depuis longtemps à la formation manuelle parce qu’elle « supposait l’enseignement des métiers dans les écoles au détriment des artisans libres de l’extérieur ».

Élu en 1905, le gouvernement conservateur de James Pliny Whitney, par l’entremise de son ministre de l’Éducation Robert Allan Pyne*, s’employa sans délai à restructurer le système scolaire de l’Ontario. On recréa l’ancien poste de surintendant de l’Éducation et on le confia à Seath le 25 mai 1906. Qualifié par l’historien Robert M. Stamp de « principal artisan des réformes éducatives de Whitney », Seath agit avec détermination, notamment en fondant en 1906 de nouvelles écoles normales à Peterborough, à Hamilton, à Stratford et à North Bay, puis en haussant les critères d’admission à l’université. Cependant, toutes les mesures importantes de Whitney ne furent pas l’œuvre de Seath, et il ne les approuvait pas toutes non plus. Ainsi, il s’opposa au très politique Règlement 17 de 1912, qui restreignait l’enseignement en français et l’usage de cette langue pour communiquer dans les écoles, car il le trouvait quasi inapplicable et contraire aux intérêts d’un grand nombre d’élèves.

Après sa nomination à la surintendance, Seath continua d’étudier de près la formation technique. En 1910, après avoir examiné des installations européennes et américaines, il compila ses impressions et recommandations et les publia l’année suivante sous le titre Education for industrial purposes, qui déboucha sur une loi cadre, l’Industrial Education Act de 1911. Rédigée par Seath, cette loi autorisait les municipalités à créer des écoles techniques et à améliorer les programmes existants en formation technique, en affaires commerciales et en économie domestique à l’élémentaire et au secondaire. Cette loi avait peut-être pour principale caractéristique de promettre de financer tous les types de formation professionnelle. Légèrement modifiée, elle constituerait la base de la politique ontarienne de formation professionnelle jusqu’en 1960. La réforme éducative en Ontario ralentit pendant la Première Guerre mondiale, en partie parce que le surintendant devenait d’un tempérament plus difficile en vieillissant et qu’il s’accrocha à son poste jusqu’à sa mort en 1919.

Les contemporains de Seath ne portaient pas tous le même jugement sur son apport. Il reçut deux doctorats honorifiques en droit, l’un du Queen’s College de Kingston en 1902, l’autre de la University of Toronto en 1905. Selon le premier directeur provincial de l’enseignement professionnel et technique, Francis Walter Merchant*, l’histoire de l’éducation en Ontario de 1906 à 1919 se confondait avec « l’histoire de M. Seath ». Certains admiraient son zèle réformateur ; d’autres détestaient son autoritarisme.

La prédilection de John Seath pour la formation technique a fait l’objet de beaucoup de controverse. Quelques historiens ont affirmé qu’il avait un préjugé favorable envers les disciplines intellectuelles et que c’était pour cette raison qu’il n’avait pas proposé l’intégration complète des écoles techniques au réseau secondaire. Selon d’autres, il voulait que ces écoles égalent les écoles secondaires ordinaires, et sa loi de 1911 était un compromis entre, d’une part, sa haute aspiration et, d’autre part, les besoins supposés de l’Ontario industriel et les préoccupations politiques des groupements d’intérêts. Sous ce rapport, Seath tentait de concilier des groupes divers : par exemple l’Association des manufacturiers canadiens, selon qui la formation technique devait produire des artisans qualifiés et dociles, et, entre autres, les instituteurs chargés d’enseigner les matières traditionnelles dans les écoles secondaires, qui craignaient que l’avantage donné aux nouvelles matières ne diminue le prestige des leurs. Quoi qu’il en soit, peu d’écoles avaient adopté les propositions de réforme de Seath lorsqu’il mourut en 1919. Cependant, la situation changea dès cette année-là, car le Parlement fédéral adopta la Loi d’enseignement technique, à la suite de laquelle la formation technique reçut en dix ans 10 millions de dollars en subventions. Grâce à cette loi, tout comme aux efforts de Seath, la formation technique eut une place dans le programme des écoles secondaires au xxe siècle.

Ian Dowbiggin

Le rapport de John Seath intitulé Manual training and high school courses of study, [...] a été publié à Toronto en 1901 sous forme de monographie et dans le Report of the minister of education pour 1900, app. P : 216–286. Le rapport qu’il a préparé en 1910, Education for industrial purposes [...], a paru à Toronto l’année suivante.

AN, RG 31, C1, 1871, Toronto, St James’ Ward, div. 3 : 41 (mfm aux AO).— AO, RG 22-305, no 38097 ; RG 80-5-0-39, no 12120.— Annuaire. Toronto, 1875, 1878.— M. J. Brewin, « The establishment of an industrial education system in Ontario » (mémoire de m.a., Univ. of Toronto, 1967).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— C. C. Lloyd, « John Seath and the development of vocational education in Ontario, 1890–1920 » (thèse de d.ed., Univ. of Toronto, 1985).— [F. W. Merchant], « John Seath, m.a., ll.d., superintendent of education for Ontario », Ontario Educational Assoc., Proc. of the annual convention (Toronto), 1919 : 507–514.— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1885, no 5 : 74 ; 1886, no 5 : 152–172 ; 1906, no 12 : 184.— Stuart Semple, « John Seath’s concept of vocational education in the school system of Ontario, 1884–1911 » (mémoire de m.ed., Univ. of Toronto, 1964).— John Squair, John Seath and the school system of Ontario ([Toronto], 1920).— R. M. Stamp, « The campaign for technical education in Ontario, 1876–1914 » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ontario, London, 1970) ; The schools of Ontario, 1876–1976 (Toronto, 1982).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).

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Ian Dowbiggin, « SEATH, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/seath_john_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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