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PROCTER (Proctor), HENRY, officier, né vers 1763 en Irlande, fils aîné de Richard Procter et d’Anne Gregory ; en 1792, il épousa à Kilkenny (république d’Irlande) Elizabeth Cockburn, et ils eurent un fils et quatre filles ; décédé le 31 octobre 1822 à Bath, Angleterre.
Fils d’un chirurgien de l’armée britannique qui assista à la bataille de Bunker Hill, Henry Procter entra dans le 43rd Foot comme enseigne le 5 avril 1781. Il obtint une commission de lieutenant en décembre et servit dans les environs de New York pendant les phases finales de la guerre d’Indépendance américaine. Promu capitaine en novembre 1792 et major en mai 1795, il fut muté au 41st Foot avec le grade de lieutenant-colonel le 9 octobre 1800 et rejoignit son régiment dans le Bas-Canada deux ans plus tard. Ses états de service à titre de commandant furent vantés par ses supérieurs, notamment le major général Isaac Brock* qui, en 1811, attribua l’excellente condition du 41st Foot à son « infatigable travail ».
Lorsque la Grande-Bretagne entra en guerre contre les États-Unis à l’été de 1812, Brock envoya Procter, devenu colonel, prendre le commandement à Amherstburg, dans le Haut-Canada, qui était alors menacé par des troupes américaines cantonnées à Detroit. En août, Procter s’employa à couper les communications entre Detroit et les villages de l’Ohio. Les escarmouches que son opération déclencha à Brownstown (près de Trenton, Michigan) et à Maguaga (Wyandotte) isolèrent la garnison de Detroit et contribuèrent beaucoup à la faire capituler, le 16, devant les troupes de Brock. Procter conserva le commandement de la frontière de Detroit après le départ de Brock et envoya en septembre le capitaine Adam Charles Muir faire une expédition contre le fort Wayne (Fort Wayne, Indiana). Dès la fin de l’année, une armée américaine commandée par le général de brigade William Henry Harrison était en route vers Detroit. Le 19 janvier 1813, Procter apprit que l’avant-garde de cette armée avait pris Frenchtown (Monroe, Michigan), sur la rivière Raisin. Sans tarder, il lança une expédition qui attaqua l’avant-garde et la força à se rendre. Par suite de ce succès, Procter fut promu général de brigade et la chambre d’Assemblée du Haut-Canada lui vota des remerciements. Par contre, les Américains l’accusèrent de ne pas avoir empêché ses alliés indiens de tuer certains prisonniers après le combat.
Harrison avait battu en retraite en apprenant la défaite de Frenchtown mais, dès mai 1813, il occupait le fort Meigs (près de Perrysburg, Ohio), sur la rivière Maumee. Conscient que ses troupes étaient moins nombreuses que celles de l’ennemi, Procter résolut d’attaquer le fort avant que des secours n’aient eu le temps d’y parvenir. Le 5, il réussit à faire tomber une colonne de renforts dans une embuscade mais, incapable de prendre le fort, il se retira le 9. Deux mois plus tard, sous la pression des Indiens, il tenta une deuxième fois, sans succès, d’enlever le fort Meigs, puis avança jusqu’au fort Stephenson (Fremont), sur la rivière Sandusky. L’échec de l’assaut qu’il y lança coûta de lourdes pertes aux Britanniques.
Ces pertes étaient d’autant plus malheureuses que les renforts et les approvisionnements s’avéraient insuffisants. En effet, la frontière de Detroit n’était pas une position hautement prioritaire et les communications étaient lentes et incertaines. Pire encore, cette pénurie touchait aussi l’escadre britannique de Robert Heriot Barclay*, sur le lac Érié. Or, l’avantage de la campagne de 1813 sur la frontière de Detroit reviendrait au camp qui dominerait le lac et, dès l’été, les Américains achevaient d’y rassembler une escadre. Bien au fait de la situation, Procter proposa avec Barclay d’attaquer la base navale américaine de Presque Isle (Erie, Pennsylvanie). Le major général John Vincent* se montra disposé à y envoyer les troupes nécessaires à partir de la presqu’île du Niagara mais, quand le major général Francis de Rottenburg prit le commandement en juillet, il refusa d’y dépêcher un seul homme.
Durant tout l’été, Procter continua de manquer d’hommes, de vivres et de matériel. En septembre, par suite de la défaite de Barclay, les Américains se trouvèrent tout à fait maîtres du lac Érié. Sans d’importants renforts, qui ne pouvaient plus lui être envoyés, Procter n’avait guère de chances d’arrêter l’invasion alors imminente. Toutefois, il était difficile de se replier, car c’était risquer une rupture avec les Indiens, encore impatients d’attaquer les Américains [V. Tecumseh*]. Non seulement cette rupture signifierait-elle la perte d’alliés qui s’étaient montrés extrêmement précieux, mais elle pourrait exposer tous les villages de l’ouest de la frontière du Niagara aux attaques des Indiens mécontents et des Américains.
Procter décida de battre en retraite en remontant la vallée de la Thames, ce qui lui permettait d’allonger les lignes de communication ennemies et de tenir ses propres hommes bien loin du lac Érié. La retraite à partir d’Amherstburg et de Sandwich (Windsor) commença le 27 septembre ; les vivres et le matériel qu’on ne pouvait emporter furent détruits. Cependant, le 5 octobre, les Américains rattrapèrent les troupes de Procter à l’endroit où s’élève maintenant Thamesville ; au cours de l’affrontement qui eut lieu à Moraviantown, Tecumseh fut tué et les soldats britanniques furent capturés ou dispersés. Procter s’enfuit de la scène avec quelques survivants et gagna Ancaster.
À peine les armes s’étaient-elles tues qu’une controverse s’éleva au sujet de la retraite et de la bataille. L’adjudant d’état-major de la milice de Procter, John Christopher Reiffenstein*, qui avait quitté le théâtre des opérations avant son supérieur, répandit les rumeurs les plus alarmistes et les plus excessives sur le combat et sur la conduite de Procter. Rottenburg et le lieutenant général sir George Prevost*, commandant des troupes, tentèrent de décliner toute responsabilité dans cette défaite, et ce même s’il est évident qu’en raison de la faim, de l’épuisement et de la pénurie de matériel les soldats britanniques n’étaient pas en état de gagner, même sous les ordres d’un chef inspiré. Il demeure cependant que Procter ne s’était pas montré tel.
À cause de la défaite, Prévost refusa de confier une autre mission à Procter. Pour divers motifs, i) n’y eut pas d’audiences de la cour martiale à Montréal avant décembre 1814. Procter faisait face à cinq chefs d’accusation : premièrement, il n’avait pas fait sonner la retraite assez tôt ; deuxièmement, il avait ralenti la marche en emportant trop de bagages, dont certains étaient personnels ; troisièmement, il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour empêcher que du matériel et des munitions tombent entre les mains de l’ennemi ; quatrièmement, il avait négligé de fortifier adéquatement ses positions le long de la Thames et surtout à l’embranchement de la rivière à Chatham ; cinquièmement, il avait mal préparé l’affrontement de Moraviantown et avait manqué de redonner hardiesse et courage à ses soldats et aux alliés indiens pendant et après la bataille. Le tribunal l’innocenta de la première accusation, mais prononça un verdict de culpabilité entière ou partielle sous les quatre autres. Procter fut condamné à une réprimande publique et fut suspendu pendant six mois. Quand le juge-avocat général de Grande-Bretagne et le prince régent revirent les conclusions de la cour, ils les confirmèrent sur tous les points sauf le deuxième, estimant que les motifs de condamnation étaient insuffisants. La peine fut commuée en une simple réprimande, mais cela suffit à ruiner la carrière de Procter. Il demeura néanmoins au Canada jusqu’à l’automne de 1815, après quoi il rentra en Angleterre où il passa le reste de ses jours dans une semi-retraite.
Presque tous les historiens du Canada ont considéré Henry Procter comme un raté, non seulement à cause de sa défaite finale mais aussi pour ses engagements sur les rivières Sandusky, Maumee et Raisin. John Mackay Hitsman, par exemple, conclut que parmi les généraux britanniques « seul Procter réussit à accumuler gaffe sur gaffe ». Souvent, quoique ce ne soit pas le cas de Hitsman, ces blâmes semblent s’inspirer surtout de la dure critique que John Richardson* a faite à l’endroit de Procter, apparemment parce qu’il n’avait pas assez souligné son rôle dans la bataille de la rivière Maumee. Or, la conduite de Procter avant l’abandon de la frontière de Detroit en septembre 1813 fut certainement irréprochable. De plus, assez peu de récits tiennent suffisamment compte des difficultés auxquelles il avait à faire face ou du fait que les accusations portées contre lui étaient si générales qu’un verdict de culpabilité était inévitable, au moins dans une partie des cas. Le jugement le plus charitable et en même temps le plus exact reste peut-être celui de Pierre Berton : « aux yeux des Américains, il demeure un monstre, aux yeux des Canadiens, un lâche. Il n’est ni l’un ni l’autre, simplement une victime des circonstances, un officier courageux mais faible, assez compétent sauf dans les moments de tension, un homme aux prétentions modestes, incapable du coup de maître qui distingue le chef remarquable de l’homme ordinaire. »
PRO, WO 91/9–10.— Defence of Major General Proctor, tried at Montreal by a general court martial upon charges affecting his character as a soldier [...] (Montréal, 1842).— Doc. hist. of campaign upon Niagara frontier (Cruikshank).— Documents relating to the invasion of Canada and the surrender of Detroit, 1812, E. A. Cruikshank, édit. (Ottawa, 1912).— [John] Richardson, Richardson’s War of 1812 ; with notes and a life of the author, A. C. Casselman, édit. (Toronto, 1902).— Select British docs. of War of 1812 (Wood).— [J.] B. Burke, A genealogical and heraldic history of the landed gentry of Great Britain (12e éd., Londres, 1914).— G.-B., WO, Army list, 1781–1816.— Officers of British forces in Canada (Irving).— The royal military calendar, containing the service of every general officer in the British army, from the date of their first commission [...], John Philippart, édit. (3 vol., Londres, 1815–[1816]).— Pierre Berton, Flames across the border, 1813–1814 (Toronto, 1980).— Hitsman, Incredible War of 1812.— Reginald Horsman, The War of 1812 (Londres, 1969).— D. A. N. Lomax, A history of the services of the 41st (the Welch) Regiment (now 1st Battalion the Welch Regiment), from its formation, in 1719, to 1895 (Devonport, Angl., 1899).— E. A. Cruikshank, « Harrison and Procter ; the River Raisin », SRC Mémoires, 3e sér., 4 (1910), sect.
A. M. J. Hyatt, « PROCTER (Proctor), HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/procter_henry_6F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
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