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NANTEL, Wilfrid-Bruno, avocat, administrateur et homme politique, né le 8 novembre 1855 à Saint-Jérôme, Bas-Canada, fils de Guillaume Nantel, tanneur, et d’Adélaïde Desjardins ; le 26 mai 1885, il épousa dans la même ville Georgiana Gauthier, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 23 mai 1940 au même endroit.
Wilfrid-Bruno Nantel suit les traces de son frère Guillaume-Alphonse* au petit séminaire de Sainte-Thérèse, où il poursuit des études classiques entre 1869 et 1877 sous la gouverne d’Antonin*, aîné de la famille et supérieur de l’établissement à compter de 1870. Il s’inscrit ensuite en droit à l’université Laval à Montréal et obtient sa licence en 1879 avec grande distinction. La même année, il accède au Barreau de la province de Québec. Au début des années 1880, il pratique le droit à Montréal, où il devient notamment associé de Louis-Olivier Taillon*, futur premier ministre de la province de Québec. Vers 1885, il se joint au cabinet d’avocats de son frère Guillaume-Alphonse à Saint-Jérôme.
La famille Nantel hérite du fief conservateur de Terrebonne, legs de Joseph-Adolphe Chapleau*, l’un des leaders du Parti conservateur dans la province de Québec à la fin du xixe siècle. Pendant plusieurs décennies, ces bleus combattent les Prévost [V. Jean Prévost*], des rouges, qui tentent avec acharnement de leur ravir cette circonscription. Wilfrid-Bruno assume la gestion des affaires de la famille et du cabinet d’avocats. Il se charge de plus de l’administration des journaux jérômiens le Nord, de 1882 à 1885, et la Nation, de 1901 à 1909.
Nantel devient vite un notable de Saint-Jérôme. Il a pignon sur rue dans la capitale de la région des Laurentides, où il se fait construire en 1898 une maison dont la valeur est estimée à 5 000 $. Il impose sa présence dans les affaires locales. Il rédige la charte municipale de Saint-Jérôme en 1893, est commissaire scolaire de 1895 à 1900, conseiller municipal de 1895 à 1901, membre de trois des quatre comités dédiés à l’érection d’un monument à la mémoire du curé François-Xavier-Antoine Labelle* (1897, 1908 et 1923) et cofondateur de la Chambre de commerce de Saint-Jérôme (1898). Il dirige finalement les destinées de sa ville natale de 1903 à 1909. Figure de proue du Parti conservateur dans la région des Laurentides, Nantel s’avère un organisateur politique hors pair qui ne rate aucune occasion de participer aux élections dans la circonscription de Terrebonne, tant fédérales que provinciales. Parallèlement, il se débat dans d’interminables querelles avec les Prévost, aussi bien devant les tribunaux que sur la scène municipale.
La défaite électorale de Guillaume-Alphonse Nantel aux mains de Jean Prévost aux élections provinciales de 1900 pousse Wilfrid-Bruno à l’avant-scène politique au sein de la famille. Candidat conservateur dans la circonscription de Terrebonne aux élections fédérales de 1904, il est battu par le libéral Samuel Desjardins. Il se représente dans la même circonscription en 1908 et remporte de justesse son élection. En 1909–1910, certains conservateurs de la province de Québec, dont Nantel, provoquent une rupture dans le parti de Robert Laird Borden, défenseur d’une politique par trop favorable, à leurs yeux, aux intérêts de l’Empire britannique. Dirigés par Frederick Debartzch Monk*, chef provincial des conservateurs fédéraux, et notamment rassemblés par leur position à l’égard de la création, par le gouvernement de sir Wilfrid Laurier*, d’une marine de guerre du Canada, ils s’allient aux nationalistes menés par Henri Bourassa* et Armand La Vergne, et forment le Parti autonomiste ou l’alliance conservatrice-nationaliste.
Qu’un Nantel se joigne à Bourassa n’avait rien d’étonnant. La famille Nantel a toujours affiché un nationalisme alors courant au Québec, c’est-à-dire fortement teinté de catholicisme, soucieux de la défense de la langue française, et de la conservation de certains droits et coutumes. Comme Bourassa, et ce, depuis au moins 1899, les Nantel, tant Wilfrid-Bruno que Guillaume-Alphonse, se montraient ennemis de toute adhésion à un quelconque militarisme impérial de la Grande-Bretagne susceptible d’entraîner le Canada dans ses guerres d’outre-mer.
Les sympathies nationalistes de Wilfrid-Bruno Nantel ne sont pas désintéressées, comme il l’avoue le 28 novembre 1911 dans une lettre à Borden : « Je n’ai jamais été nationaliste […] J’ai aidé Bourassa à se faire élire dans Bellechasse et à fonder son journal. Je ne voyais aucune autre manière de détruire le parti de Laurier au Québec et le nationalisme était un bon moyen d’y parvenir. » Quand Nantel se lie à Bourassa et aux autonomistes et va jusqu’à s’allier à un ennemi juré de sa famille, Jean Prévost, il le fait, sans doute, par calcul stratégique. Le Parti conservateur bat de l’aile au Québec et Laurier semble invincible, mais le train nationaliste s’est mis en marche, conduit par un Bourassa à la popularité ascendante : pourquoi ne pas y embarquer, si cette option se veut une promesse de victoire pour les Bleus ? Nantel voit dans ce choix une occasion rêvée de mettre fin au règne de Laurier et des libéraux fédéraux dans la province de Québec, et il a raison. La coalition conservatrice-nationaliste remporte assez de sièges (17) pour nuire grandement à Laurier et à ses troupes aux élections du 21 septembre 1911 – axées, dans la province, sur les questions de la marine et de la réciprocité avec les États-Unis –, ce qui contribue à la déconfiture des libéraux à Ottawa. Réélu, Nantel accepte le poste de ministre des Mines, ainsi que celui de ministre du Revenu intérieur, qu’il occupe respectivement jusqu’en 1912 et 1914, dans le cabinet conservateur de Borden. Au cours de son mandat, il appuie la politique de son chef dans les dossiers des écoles du Keewatin [V. George Robson Coldwell*] et de la question navale, ce qui lui vaut des accusations de trahison de la part de ses anciens alliés nationalistes. Il suffisait cependant à Nantel d’avoir fait mordre la poussière à Laurier et d’avoir assouvi ses ambitions personnelles. Rentré dans le rang, peu à l’aise dans un milieu anglophone et sans véritable influence au sein du gouvernement, le nouveau ministre accomplit sa tâche sans faire de vagues. Nantel devient, à l’automne de 1914, vice-président de la Commission des chemins de fer pour le Canada, poste qu’il détient jusqu’en 1924.
Retiré de la vie publique, sauf pour quelques querelles anecdotiques d’intérêt paroissial, Nantel passe ses 15 dernières années dans le calme de son domicile cossu de Saint-Jérôme, d’où il gère son patrimoine. Quand il meurt en 1940, la rivalité politique opposant les familles Prévost et Nantel fait déjà partie de l’histoire. À cette occasion, un article respectueux paraît dans l’édition du 24 mai 1940 de l’Avenir du Nord, le journal publié à Saint-Jérôme par les Prévost, dans lequel on peut lire le passage suivant : « La frontière des partis politiques nous séparait. L’Avenir du Nord a dû souvent le combattre et soutenir avec lui de vigoureuses polémiques. Nous l’avons toujours fait en respectant sa personnalité, sa famille, ne jugeant que son rôle d’homme public. Les batailles que nous nous sommes livrées sur le terrain politique n’ont jamais ébranlé notre estime mutuelle qui ne faisait que continuer celle que nos pères s’étaient portée. »
Wilfrid-Bruno Nantel n’avait pas la hauteur de vue de ses frères Antonin et Guillaume-Alphonse, penseurs et écrivains : homme d’affaires de la famille, c’était un pragmatique. Il s’est beaucoup investi dans les batailles partisanes dans la circonscription de Terrebonne et, à l’occasion, dans le reste de la province, sans jamais négliger ses ambitions personnelles. Son plus grand apport à la collectivité aura sans doute été de contribuer au développement de sa ville natale.
Arch. de la ville de Saint-Jérôme, Québec, Acquisition 01 (procès-verbaux de la municipalité de Saint-Jérôme, 1856–2001).— BAC, R6113-2-3, vol. 6, p.656–658.— BAnQ-CAM, CE606-S13, 8 nov. 1855, 26 mai 1885.— É.-J.[-A.] Auclair, « la Famille Nantel », BRH, 40 (1934) : 162–167 ; Saint-Jérôme de Terrebonne (Saint-Jérôme, 1934).— Réal Bélanger, l’Impossible Défi : Albert Sévigny et les conservateurs fédéraux (1902–1918) (Québec, 1983) ; Paul-Émile Lamarche : le pays avant le parti (1904–1918) (Sainte-Foy [Québec], 1984).— R. C. Brown, Robert Laird Borden : a biography (2 vol., Toronto, 1975–1980).— Canadian directory of parl. (Johnson).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Canadian who’s who, 1910, 1936–1937.— Germaine Cornez, Saint-Jérôme (2 vol., Saint-Jérôme, 1973–1977).— CPG, 1916.— Paul Labelle, les Maires de Saint-Jérôme et les conseillers municipaux (Saint-Jérôme, [1991]).— Serge Laurin, Rouge, Bleu : la saga des Prévost et des Nantel ; chronique d’un siècle d’histoire politique dans la région des Laurentides (Sainte-Foy, 1999).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, vol. 13–14, 16–17, 19.
Serge Laurin, « NANTEL, WILFRID-BRUNO », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nantel_wilfrid_bruno_16F.html.
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Auteur de l'article: | Serge Laurin |
Titre de l'article: | NANTEL, WILFRID-BRUNO |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |