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LIND, FRANCIS THOMAS, comptable et soldat, né le 9 mars 1879 à Betts Cove, Terre-Neuve, dernier des cinq fils de Henry Lind et d’Elizabeth Walker ; décédé célibataire le 1er juillet 1916 près de Beaumont-Hamel (Beaumont, France).
Après avoir enseigné dans un petit village de pêcheurs, le père de Francis Thomas Lind fut magasinier à la Betts Cove Mining Company. En 1885, les Lind s’installèrent à Little Bay, où cette entreprise avait découvert un nouveau gisement de cuivre. Frank fréquenta l’école du lieu jusqu’à l’âge de 14 ans, puis trouva un emploi de commis chez un marchand de Fogo. Une fois son apprentissage terminé, il entra chez Ayre and Sons, le plus gros détaillant de St John’s. Ensuite, il travailla successivement pour la Rhodes, Curry and Company à Amherst, en Nouvelle-Écosse, chez Ayre and Sons, puis chez Earle and Sons à Fogo.
Dès le début de la Première Guerre mondiale, en août 1914, le comptable aux yeux bleus et aux cheveux clairs répondit à l’appel même s’il avait dépassé l’âge idéal du recrutement. Le 16 septembre, à St John’s, il s’enrôla dans le Newfoundland Regiment. Tandis que les recrues s’entraînaient aux abords de la ville, les manufacturiers se hâtèrent de leur fournir des uniformes, mais au moment de s’embarquer, après avoir paradé dans la ville, elles n’avaient toujours pas de casques ni d’étoffe kaki pour leurs bandes molletières. On leur remit donc des bonnets de tricot et des bandes molletières bleu marine, qui devinrent leur marque distinctive. Arrivés en Angleterre en octobre, les Terre-Neuviens s’entraînèrent au camp Pond Farm, dans la plaine de Salisbury, puis furent mutés le 4 décembre au fort George, près d’Inverness, en Écosse. Lind était aimé de son entourage et ne détestait pas avoir un jour ou plus de permission tous les deux ou trois mois.
Le 26 décembre, Lind expédia la première des 32 lettres qui paraîtraient dans le Daily News de St John’s. Comme les suivantes, elle reflétait un tempérament enjoué et regorgeait de potins. Lind déplorait seulement que l’entrée de son contingent au fort George ait été « saluée » par une fanfare qui jouait Maple Leaf ; en Écosse comme « partout en Angleterre, notait-il, on nous prend pour des Canadiens ». À Terre-Neuve, on dévorait ses lettres. Dans la quatrième, écrite le 20 mai 1915 au camp Stobs (situé à 53 milles d’Édimbourg), il se plaignit du tabac anglais. Au moment de la parution de cette lettre dans le Daily News, l’Imperial Tobacco Limited de St John’s (fabricante des pains de tabac de marque Mayo et important commanditaire du journal) sollicita des dons auprès des lecteurs pour acheter du tabac. En juillet, 1 700 livres de Mayo arrivèrent au camp Stobs. Lind, que ses compagnons taquinaient déjà à cause de son âge et de son tempérament studieux, écrivit : « Inutile de dire que, maintenant, on m’appelle Mayo Lind. »
En septembre, après des manœuvres d’entraînement en Égypte, le régiment de Lind fut dépêché dans les Dardanelles pour renforcer la 29e division britannique, durement touchée. Hospitalisé cet hiver-là, d’abord pour une jaunisse puis pour des engelures aux pieds, Lind rejoignit son unité en France au mois de mars, mais il eut la grippe et souffrit du pied droit jusqu’à la fin de mai. Les soldats du régiment reçurent une deuxième cargaison de « Mayo-Lind pour Noël » pendant qu’ils étaient au nord de la Somme ; ces présents les suivaient depuis plus de six mois.
Au début de juin, le régiment commença un entraînement intensif en vue de la grande offensive. Le 15, Lind descendit dans les tranchées de première ligne près d’un hameau tenu par les Allemands, Beaumont-Hamel. Dans sa lettre du 29, la dernière, il nota que, à un moment donné, les Allemands avaient hissé une pancarte où étaient écrits ces mots : « Quand les Indiens blancs de Terre-Neuve vont-ils venir ? »
Le 1er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme, Lind et ses camarades, dont Owen William Steele, se trouvaient dans la tranchée baptisée « route de St John’s ». Après l’avoir quittée pour se lancer dans la mêlée, la plupart des membres du régiment durent progresser seuls sur une distance de 250 verges hérissée de ceintures de barbelés. Comme des mitrailleuses allemandes étaient pointées sur les espaces vides, « ils eurent tous le réflexe d’avancer une épaule en y rentrant le menton, comme ils l’avaient fait si souvent chez eux en luttant contre les tempêtes de neige », nota un observateur. Au sortir des barbelés, le commandant de la compagnie de Lind ainsi que le lieutenant et le sergent de son peloton tombèrent. Ceux qui pouvaient encore avancer se dirigèrent vers un pommier abattu que les Terre-Neuviens appelaient l’arbre du danger. C’est à cet endroit que Lind serait tombé à son tour. Le lendemain, seulement 68 des 778 Terre-Neuviens répondirent à l’appel. En novembre, la famille Lind, dévorée par l’inquiétude, cherchait encore confirmation de la mort de Frank.
Finalement, on retrouva et identifia la dépouille et, en juin 1917, on inhuma le simple soldat F. T Lind au cimetière du ravin Y à Beaumont-Hamel, dans le futur Newfoundland War Memorial Park. Le Mayo-Lind Tobacco Fund continua d’exister jusqu’à la fin des hostilités. Par la suite, l’éditeur du Daily News, John Alexander Robinson, publia « à la mémoire du joyeux soldat » un petit recueil intitulé The letters of Mayo Lind.
Ces lettres présentent peu d’intérêt pour les historiens militaires, mais après sa mort, Francis Thomas Lind devint pour les Terre-Neuviens un symbole du soldat capable de supporter l’inconfort et, ultimement, de se sacrifier sans hargne – un représentant de tous les gradés et hommes de troupe tués à Beaumont-Hamel. Proclamé en 1917 jour national du Souvenir à Terre-Neuve, le 1er juillet l’est resté même s’il coïncide avec la fête du Canada.
The letters of Mayo Lind ont été publiées à St John’s en 1919.
AN, RG 150, Acc. 1992–93/166, Royal Newfoundland Regiment, dossier 541.— Centre for Newfoundland Studies, Memorial Univ. of Nfld (St John’s), Arch., mf-147 (Owen Steele papers).— J. R. Smallwood Centre for Newfoundland Studies (St John’s), Mayo Lind file.— Richard Cramm, The first five hundred ; being a historical sketch of the military operations of the Royal Newfoundland Regiment in Gallipoli and on the Western Front during the Great War (1914–1918) [...] (Albany, N.Y., [1921]).— Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.).— G. W. L. Nicholson, The fighting Newfoundlander : a history of the Royal Newfoundland Regiment (St John’s, [1964]).— M. L. Taylor, Westward with Henry and Caroline (Grand Falls, Nfld, 1989).
Robert H. Cuff, « LIND, FRANCIS THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lind_francis_thomas_14F.html.
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Auteur de l'article: | Robert H. Cuff |
Titre de l'article: | LIND, FRANCIS THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
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