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Derome, Wilfrid (baptisé Joseph-Wilfrid, il signait parfois G.-Wilfrid Derome), médecin légiste, professeur, fonctionnaire et auteur, né le 19 avril 1877 à Saint-Cyprien (Napierville, Québec), fils de Médard Derome, cultivateur, et de Philomène Fortin ; le 16 août 1909, il épousa à Shelburne, Vermont, Catherine Dubuc, et ils eurent un garçon et une fille ; décédé le 24 novembre 1931 à Montréal.
Wilfrid Derome fréquente le petit séminaire de Montréal de 1890 à 1893, puis le collège Sainte-Marie, dans la même ville, entre 1893 et 1896. Il termine ses études classiques au collège Joliette en 1898. Il s’inscrit alors à la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, où, après avoir reçu la note très bien dans toutes les matières, il obtient un doctorat en 1902.
Interne à l’hôpital Notre-Dame de 1903 à 1904, Derome est démonstrateur d’histologie de 1904 à 1908 à la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, sous la direction d’un professeur qui lui a enseigné, le médecin Amédée Marien. En 1907, il est nommé chef du laboratoire de pathologie de l’hôpital Notre-Dame. Il prend ensuite un congé d’une année pour se spécialiser en médecine légale à la Sorbonne, à Paris, auprès de maîtres tels qu’Alphonse Bertillon, Léon-Henri Thoinot et Victor Balthazard. L’établissement lui délivre un diplôme de médecin légiste et d’aliéniste. À son retour à Montréal en 1909, Derome reprend la direction du laboratoire de pathologie de l’hôpital Notre-Dame. Sur recommandation de son ancien professeur, le médecin Georges Villeneuve, spécialiste en médecine légale et surintendant de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, il est également nommé agrégé de la chaire de médecine légale de la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal cette année-là, puis professeur titulaire en 1914. Toujours grâce à l’appui de Villeneuve, il a exercé la fonction de médecin consultant à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu en 1910. Il est de plus directeur du laboratoire de l’Institut Bruchési de 1912 à 1920. En 1926, année où la direction du laboratoire de pathologie de l’hôpital Notre-Dame est confiée à Pierre Masson*, il est désigné directeur du laboratoire de bactériologie, de chimie et de sérologie de l’établissement hospitalier, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort.
En 1910, Derome est devenu expert adjoint à la morgue de Montréal. Il commence alors à rédiger une série d’articles sur la médecine légale pour l’Union médicale du Canada. Il désire implanter au Québec un système d’expertise médicolégale semblable à celui qu’il a pu observer en France. Du point de vue du système britannique, les deux parties se présentent en cour accompagnées de leurs médecins ; dans le système français, les expertises sont plutôt effectuées par une commission neutre, nommée par le président du tribunal à partir d’une liste de spécialistes qualifiés. Le rapport de ces derniers est remis à la cour et peut être consulté par les deux parties. Le 5 octobre 1909, à une réunion de la Société médicale de Montréal, Derome avait déposé une motion visant à modifier l’organisation médicolégale et selon laquelle le gouvernement désignerait des médecins légistes comme experts devant les tribunaux et établirait des laboratoires médicolégaux. Adoptée unanimement par l’association, la proposition est également appuyée par le conseil du barreau de Montréal quelques semaines plus tard, puis par le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec.
À la suite de nombreuses rencontres avec les membres de la Société médicale de Montréal, le gouvernement libéral de sir Lomer Gouin* reconnaît dès 1911 l’utilité d’établir le Laboratoire provincial de recherches médico-légales. Ce dernier est fondé en 1914 et Derome en devient le premier directeur. Érigé à la morgue de Montréal, ce laboratoire, désigné sous le nom de Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale au tournant du xxie siècle, est le premier du genre en Amérique du Nord et sera le seul au Canada jusqu’en 1928. Sa création a pour objectifs de faciliter les enquêtes policières et le processus judiciaire par l’utilisation de techniques scientifiques qui permettent de découvrir les causes des blessures et des morts, d’expliquer les circonstances d’un crime, et d’identifier les victimes et les coupables. Il est équipé d’une gamme d’instruments (microscope, balance à plateaux, spectrographe à émission et autres) pour effectuer les analyses les plus fréquentes. Il regroupe une bibliothèque et un musée, qui présente des modèles anatomiques et des objets liés à certaines affaires criminelles. En 1919, Derome s’est adjoint Franchère Pépin, chimiste et pharmacologue, spécialisé dans les recherches toxicologiques. Un photographe judiciaire, embauché en 1920, ainsi qu’un technicien complètent le personnel du laboratoire, qui sera dirigé à la mort de Derome par son assistant, le médecin Rosario Fontaine.
Derome a continué par ailleurs à promouvoir et à peaufiner son projet de réforme du système d’expertise médicolégale. Celui-ci est cependant critiqué en 1917 par Villeneuve qui, à la fin de sa vie, est devenu partisan du système britannique. Au septième congrès de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord, tenu en 1922 à Montréal, Derome présente un projet de réforme en 17 points qu’il a élaboré avec Rosario Genest, professeur de procédure civile à l’université de Montréal. Ce projet prévoit notamment la création de trois catégories d’experts devant les tribunaux : l’une chargée d’examiner les accidents du travail, la deuxième, la question de la responsabilité légale, et la troisième, la recherche des causes de mortalité. Les efforts de Derome portent des fruits, entre autres dans le domaine des accidents du travail, où l’expertise obligatoire est instituée à partir de 1924.
Pendant les années 1920, Derome est intervenu dans les plus importants procès criminels du Canada. Les plus célèbres sont ceux de Marie-Anne Gagnon, belle-mère d’Aurore l’enfant martyre [Aurore Gagnon*], en 1920, et de l’abbé Adélard Delorme, accusé du meurtre de son frère en 1922, en 1923 et à deux reprises en 1924. Quelques mois avant sa mort, Derome agira aussi comme expert au cours du procès de Michael Sowry, soupçonné d’avoir tué Joseph et Annie Babchuck aux environs du fort St John (près de Fort St John, en Colombie-Britannique).
Derome est alors le plus grand spécialiste en balistique en Amérique du Nord. En 1929, il publie, à Montréal, Expertise en armes à feu, traité basé sur ses 20 années d’expérience dans le domaine. Préfacé par son ancien maître, Balthazard, cet ouvrage lui procure une reconnaissance internationale, car il représente la première étude rassemblant de l’information sur les armes et les munitions du monde entier. La réputation de Derome est telle que les autorités américaines lui demandent conseil pour fonder le futur laboratoire technique du Bureau of Investigation, et que plusieurs services de police lui présentent des offres pour s’établir aux États-Unis.
Derome a de plus été membre correspondant de la Société de médecine légale de France dès 1914, directeur de l’Union médicale du Canada à partir de 1925 et corédacteur de la revue publiée à Chicago American Journal of Police Science, à sa fondation en 1930. Il est aussi l’auteur de Précis de médecine légale, ouvrage paru à Montréal en 1920, et dont il prépare, au moment de sa mort, une seconde édition.
Homme de science avant-gardiste, Wilfrid Derome a fait de la lutte contre le crime l’œuvre de sa vie. Son décès en 1931, des suites d’un cancer, a été perçu comme une lourde perte non seulement pour la médecine canadienne-française, mais aussi pour la communauté scientifique internationale.
En plus des ouvrages déjà mentionnés, Wilfrid Derome est l’auteur de plusieurs articles scientifiques, dont la bibliographie la plus complète se trouve dans Jacques Côté, Wilfrid Derome, expert en homicides : récit biographique (Montréal, 2003).
BAnQ-CAM, CE604-S6, 19 avril 1877.— Musée de la civilisation (Québec), Fonds Laboratoire de médecine légale (CA1996-123), Documentation concernant le laboratoire médico-légal ; Dossier documentaire sur l’historique de l’Instit. de médecine légale.— Le Devoir, 24 nov. 1931.— La Presse, 30 juill. 1914, 26 janv. 1924.— Vancouver Sun, 24 nov. 1931.— Ancestry, « Actes de mariage du Vermont, 1909 à 2008 » : www.ancestry.ca (consulté le 18 août 2015).— Rosario Fontaine, « Nécrologie : le professeur Wilfrid Derome », l’Union médicale du Canada (Montréal), 61 (1932) : 1–3.— Lucienne Fortin et J.-L. Foucault, Napierville au fil des ans : essais d’histoire et répertoire des baptêmes, mariages et sépultures, 1823–1983 ([Napierville, Québec], 1985).— Lorraine Gadoury et Antonio Lechasseur, les Condamnés/es à la peine de mort au Canada, 1867–1976 : un répertoire des dossiers individuels conservés dans le fonds du ministère de la Justice ([Ottawa], 1994).— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec : chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992).— Guy Grenier, 100 ans de médecine francophone : histoire de l’Association des médecins de langue française du Canada (Sainte-Foy [Québec], 2002). — Hôpital Notre-Dame, Rapport annuel (Montréal), 1903–1929.— Instit. Bruchési, Rapport annuel du dispensaire et du préventoruim (Montréal, [1911–1912]) ; Rapport triennal [...] ([Montréal, 1912–1915]) ; Rapport annuel [...] ([Montréal, 1916–1920]) ; Rapport biennal [...] ([Montréal, 1920–1922]).— Jean Monet, la Soutane et la Couronne : le procès du siècle, l’affaire Delorme (Saint-Laurent [Montréal], 1993).— Bernard Péclet et J.-P. Valcourt, « Criminologie et médecine : l’Institut de médecine légale et de police scientifique », le Médecin du Québec (Montréal), 11 (1976), no 7 : 49–60.— Québec, Parl., Doc. de la session, 1911–1915 (rapports des inspecteurs d’asiles d’aliénés, d’écoles de réforme et écoles d’industrie de la province de Québec, 1910–1914).— Univ. Laval à Montréal, Annuaire, 1902–1903, 1904–1906, 1908–1916 ; Faculté de médecine, Annuaire, 1899–1902.— G. Villeneuve, « M. le Dr G. Wilfrid Derome », l’Union médicale du Canada, 43 (1914) : 175–176.
Guy Grenier, « DEROME, WILFRID (baptisé Joseph-Wilfrid) (G.-Wilfrid Derome) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/derome_wilfrid_16F.html.
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Auteur de l'article: | Guy Grenier |
Titre de l'article: | DEROME, WILFRID (baptisé Joseph-Wilfrid) (G.-Wilfrid Derome) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |