Titre original :  peintres canadiens --A / Canadian Artists A

Provenance : Lien

WILKINSON, CAROLINE HELENA (Armington) (elle reçut à sa naissance le prénom d’Helena), artiste et infirmière, née le 12 septembre 1875 à Brampton, Ontario, fille de William Wilkinson, fermier et marchand d’instruments aratoires, et de Mary Crawford ; les 6 et 8 septembre 1900, elle épousa à Paris Frank Milton Armington (décédé en 1941), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédée le 25 octobre 1939 à New York.

Caroline Helena Wilkinson, connue sous le prénom de Carrie, fréquenta l’école publique et l’école secondaire à Brampton, puis, vers 1890, commença à étudier les beaux-arts à Toronto auprès du cousin de son père, John Wycliffe Lowes Forster. À l’époque où elle était étudiante et, durant une courte période, professeure d’art à Toronto, elle fit la connaissance d’un autre apprenti de Forster, Frank Milton Armington. Elle se détourna momentanément de l’art à cause de pressions familiales et de son propre côté pratique. Elle suivit une formation d’infirmière au Guelph General Hospital, puis exerça sa profession à New York et à Toronto, ce qui lui permit de gagner assez d’argent pour aller en France. En mai 1900, elle rejoignit la mère et la sœur de Frank Milton à Paris ; ce dernier y avait passé l’année à étudier les beaux-arts.

Après un mariage civil au consulat de Grande-Bretagne le 6 septembre et un mariage religieux deux jours plus tard à l’American Church in Paris, le couple retourna au Canada. Il effectua un court séjour à Sault-Sainte-Marie, en Ontario, puis, en 1901, s’installa au Manitoba, où Frank Milton avait vécu pendant quelque temps dans les années 1890. À Winnipeg, les Armington se lièrent d’amitié avec des membres de la petite communauté d’artistes et de gens de la presse écrite qui, comme eux, avait été attirés par les perspectives d’avenir d’une métropole naissante et, en particulier, par l’industrie de l’art publicitaire, qui était en plein essor. Frank Milton trouva un emploi au Winnipeg Tribune, enseigna au Havergal College et effectua divers travaux d’art publicitaire pour arrondir ses fins de mois. Il faisait régulièrement passer des annonces dans les journaux où il offrait ses services de portraitiste, ce qui le mettait en concurrence directe avec Victor Albert Long, artiste établi depuis longtemps à Winnipeg. L’atelier de Frank Milton devint rapidement un lieu de rendez-vous pour les artistes, qui s’y réunissaient les mercredis soir afin de faire des esquisses. En 1902, avec Hay Strafford Stead* et d’autres collègues, il devint membre fondateur de la Manitoba Society of Artists, dont il fut le premier vice-président. L’organisation cherchait à améliorer l’enseignement des arts professionnels à l’échelle locale, à créer des institutions culturelles, à organiser régulièrement des expositions et à encourager le développement d’un art typiquement manitobain. Mme Armington offrit des soins infirmiers privés, donna des leçons de peinture chez elle et assista à des assemblées de la section de Winnipeg de la Women’s Art Association of Canada. Elle se faisait plus discrète que son mari, ne participait pas aux expositions locales et n’était jamais mentionnée dans les critiques d’art. Elle fit toutefois partie d’un groupe de dessinatrices parrainé par la Women’s Art Association of Canada, qui comprenait certaines des femmes artistes connues de la ville et qui, comme elle, avaient fait des études à l’extérieur de la région.

En 1905, les Armington retournèrent en Europe pour parfaire leur formation. Ils s’inscrivirent à l’Académie de la grande chaumière à Paris, mais n’y restèrent pas longtemps. Ils fréquentèrent plus tard l’académie Julian, dans des classes divisées selon les sexes. Les deux artistes commencèrent à s’intéresser à la gravure, surtout à l’eau-forte. Un camarade de classe enseigna à Frank Milton les techniques pour graver à l’eau-forte et, rapidement, les Armington atteignirent tous les deux un bon niveau. Pour Mme Armington, la gravure à l’eau-forte deviendrait plus importante que la peinture. Dès le début, ses estampes étaient méticuleusement détaillées et représentaient de façon pittoresque des paysages européens dans lesquels des panoramas architecturaux, plutôt que des personnages, constituaient les éléments centraux.

Mme Armington remporta une médaille d’argent au Salon de 1911 pour son tableau représentant une paysanne plongée dans ses pensées, intitulé Vieille Brugeoise. Son Portrait de ma mère (1912) révèle son attachement continu à la représentation précise et solide, ainsi que l’adoption d’une palette plus claire que celle qu’elle avait utilisée auparavant. Le travail de son mari en peinture prenait la même direction.

Bien qu’expatriés, les Armington envoyaient leurs œuvres à des expositions au Canada et restaient en contact avec des amis qui s’y trouvaient. Les estampes devinrent rapidement une source de revenus considérable pour le couple, qui vendit ses œuvres non seulement à des collectionneurs privés, mais aussi à des établissements publics de l’Europe, des États-Unis et du Canada. En 1910, la Galerie nationale, à Ottawa, avait fait l’acquisition d’une estampe de Mme Armington, le Quai vert, Bruges (1908) et, en 1911, ajouta à sa collection deux œuvres de l’artiste, The Seine and Notre-Dame, Paris (1909) et The Thames and St. Paul’s, London (1911). Le couple fit don de certaines de ses œuvres à des musées et à des galeries publiques aux États-Unis et en Europe, excellente stratégie pour stimuler les ventes et établir de bonnes relations avec sa clientèle. Les Armington conserveraient cette pratique tout au long de leur vie. Ils étaient aussi passés maîtres dans l’art d’assurer la couverture de leurs activités dans les médias au Canada et à l’étranger. Une commande de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique pour des paysages, mais « rien avec des Indiens ni avec de la neige », les fit rentrer à nouveau au pays en 1911 pour trois ou quatre mois et leur donna l’occasion de faire de nombreuses expositions de leurs œuvres partout au Canada.

Le succès grandissant de Mme Armington se manifesta par l’inclusion de ses œuvres dans des expositions avec jury et amena un journaliste à lui demander, en 1913, s’il y avait une rivalité entre elle et son mari. « Jamais, répondit-elle. Nous avons accompli environ la même quantité de travail chaque année, et quand l’un d’entre nous remporte un honneur à une exposition, l’autre est aussi fier que s’il l’avait lui-même mérité. »

Les Armington entretenaient des liens étroits avec la colonie d’artistes, d’auteurs et d’intellectuels américains qui vivaient à Paris. Durant la Première Guerre mondiale, Mme Armington mit de nouveau à contribution ses compétences d’infirmière en se portant volontaire auprès de l’American Ambulance Field Service ; son mari devint aide-soignant au sein de la même organisation. Elle continua malgré tout à graver à l’eau-forte, produisant principalement des scènes de Paris. Après la guerre, lord Beaverbrook [Aitken*] choisit deux de ses estampes les plus solidement construites, qui représentaient l’Hôpital général canadien no 8 à Saint-Cloud, en banlieue de Paris, et le British Army and Navy Leave Club, dans la capitale, en prévision de leur achat par la Caisse canadienne des monuments commémoratifs de guerre.

Mme Armington était également douée pour négocier des contrats qui pouvaient l’amener à produire de multiples estampes. En septembre 1920, elle termina pour l’Aero Club of America une eau-forte du monument Wilbur Wright, dévoilé au mois de juillet précédent au Mans. Afin de réaliser cet ouvrage, elle s’était aventurée à l’extérieur de Paris où, dit-elle à des amis, elle avait laissé son mari qui peignait des ballerines ; au cours de ce voyage qu’elle consacra à la gravure, elle produisit également des images de Chartres, de Reims et d’autres lieux pittoresques, de grande qualité et de valeur commerciale.

Pendant les années 1920 et 1930, Mme Armington continua de peindre et de graver à l’eau-forte, et reçut des comptes rendus favorables en France, aux États-Unis et au Canada. En 1923, à l’occasion de sa première exposition de peinture en solo, aux Galeries Simonson à Paris, le critique d’art Eugène Hoffmann la félicita, dans le Journal des Arts, pour une exposition enrichissante et substantielle. Dans l’édition européenne du New York Herald, qui suivait les activités des Américains à Paris, on loua ses représentations de masses architecturales solides « fidèlement rendues » ; on écrivit aussi : « À Paris, Mme Armington s’est particulièrement intéressée au fleuve, à ses ponts et aux barges qui mouillent dans leur ombre. » L’année suivante, elle vendit de nombreuses eaux-fortes à la T. Eaton Company Limited [V. Timothy Eaton*]. En 1925 et 1926, des œuvres des Armington furent envoyées en tournée aux États-Unis et exposées dans des galeries privées et des endroits consacrés à l’art à New York, à Detroit, à Toledo, en Ohio, et à Des Moines, en Iowa. Le Toledo Times fit remarquer que « les eaux-fortes de Mme Armington, dans les principales études de Paris, [étaient] de très haute qualité, montr[aient] une expression pleine d’assurance et communiqu[aient] des sentiments véritables ».

Lorsqu’on lui demanda en 1928 la raison pour laquelle elle et son mari étaient restés en Europe, Mme Armington expliqua : « Nous pensons pouvoir mieux représenter le Canada en demeurant où nous sommes. Ici, nous ne sommes pas isolés, en ce qui a trait à l’art, et nous pouvons nous améliorer davantage, grâce à l’atmosphère artistique […] Si nous rentrions, nous devrions enseigner, ou peindre, faire des portraits ou de l’illustration pour vivre. C’est très bien que le Canada ait des pionniers, mais on n’y vend pas assez d’œuvres pour gagner sa vie. » L’année suivante, les Armington organisèrent une exposition commune à la Grange de Toronto, qui fut bien accueillie par les critiques de la région et permit de faire des ventes.

En 1939, Caroline Helena et Frank Milton Armington, tous deux dans la soixantaine, ne se portaient pas bien. En mai, Mme Armington eut une crise cardiaque au cours d’une alarme de raid aérien. Malgré la santé précaire de cette dernière, le couple décida de quitter l’Europe. Mme Armington mourut trois jours après son arrivée à New York. Son mode de vie ordinaire, son absence prolongée du Canada et ses œuvres, parfois considérées comme démodées comparativement au paradigme moderniste, firent d’elle une artiste moins connue dans son pays de naissance qu’aux États-Unis et en France. Les recherches et les publications de la fin du xxe siècle ont ravivé un intérêt pour les Armington, en particulier pour Caroline Helena, et les ont intégrés avec succès dans une construction continue de l’histoire de l’art canadienne, plus large et nuancée qu’auparavant.

Marilyn Baker

Peu de tableaux de Caroline Helena Armington se trouvent dans des collections publiques, mais ses gravures sont conservées dans des établissements canadiens, américains, britanniques, français et allemands. Au Canada, la plus grande collection appartient à la Peel Art Gallery, Museum and Arch., à Brampton, en Ontario, et, en dehors du pays, à la Bibliothèque nationale de France, à Paris.

AO, RG 80-2-0-84, no 24032.— Peel Art Gallery, Museum and Arch., Frank and Caroline Armington coll.— Eugène Hoffmann, « Petites Expositions : exposition Caroline Armington », le Journal des arts (Paris), 28 févr. 1923.— New York Herald (Paris), 2 nov. 1913, 25 févr. 1923.— M. A. Perry, « The Armingtons of Paris and Toronto », Toronto Star Weekly, 31 mars 1928.— Toledo Times (Toledo, Ohio), 7 févr. 1926.— Janet Braide et Nancy Parke-Taylor, Caroline and Frank Armington : Canadian painter-etchers in Paris ([Brampton], 1990).— A. McK. Brockman, Caroline (1875–1939) and Frank (1876–1941) Armington ([Deux-Montagnes, Québec], 1985).— A dictionary of Canadian artists, C. S. MacDonald, compil. (8 vol. parus, Ottawa, 1967–2006 ; vol. 9 accessible en ligne seulement) ; tous les volumes sont accessibles en ligne à « Artists in Canada » : www.pro.rcip-chin.gc.ca/application/aac-aic/description-about.app?lang=en.— R. L. Tovell, A new class of art : the artist’s print in Canadian art, 1877–1920 (Ottawa, 1996).— Who’s who in Canada, 1936.

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Marilyn Baker, « WILKINSON, CAROLINE HELENA (Helena) (Armington) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wilkinson_caroline_helena_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2016
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Date de consultation:    28 novembre 2024