WICKETT, SAMUEL MORLEY, conférencier, manufacturier, auteur et homme politique, né le 17 octobre 1872 à Brooklin, Ontario, fils de Samuel Robert Wickett et de Mary Margaret Cowle ; le 4 octobre 1910, il épousa à Toronto Catarzena Hidessa Daum von Daum, et ils eurent un fils et une fille ; décédé dans cette ville le 8 décembre 1915.

Le père de Samuel Morley Wickett exploitait une tannerie à Brooklin. En 1881, après qu’elle eut été détruite, il s’installa avec sa famille à Toronto et y ouvrit une nouvelle usine. En 1894, Samuel Morley obtint une licence ès arts de la University of Toronto ; il fut l’un des premiers Canadiens à aller faire des études supérieures d’économie en Europe, à l’instigation du professeur James Mavor*. Il suivit des cours dans des universités à Vienne, à Berlin, à Paris et à Cambridge et reçut en 1897 un doctorat en philosophie de l’université de Leipzig. Sa thèse sur le monopole autrichien du tabac reflète la méthode allemande d’économie politique, selon laquelle les programmes d’action devaient s’appuyer sur des études statistiques et sur l’analyse des conditions existantes. Tout au long de sa carrière, il privilégierait cette méthode.

De retour à la University of Toronto, Wickett occupa le poste de fellow Mackenzie en science politique en 1897–1898 et donna des cours d’économie politique jusqu’en 1905. Il s’était joint dès 1901 à l’entreprise de tannage et de fabrication de son père, la Wickett and Craig Limited, où il assuma à temps plein la fonction de secrétaire-trésorier après sa démission de l’université. Peu après son retour à Toronto, des occasions de mettre en pratique sa formation universitaire s’étaient offertes à lui. Il accéda au comité directeur de la Canadian Manufacturers’ Association et, dès 1900, il en présidait le comité des renseignements commerciaux. Il pressa le gouvernement fédéral de produire des rapports plus détaillés et plus à jour sur les importations et les exportations et pressa le premier ministre libéral, sir Wilfrid Laurier, de suivre l’exemple de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis en matière d’expositions commerciales d’envergure nationale.

En 1902, à l’époque où le Canada et les États-Unis rivalisaient afin de dominer le commerce au Yukon, Wickett visita ce territoire au nom de la Canadian Manufacturers’ Association et rédigea un rapport pour le magazine de celle-ci, Industrial Canada (Toronto). Suivit un article dans lequel il attirait l’attention des fabricants et des journalistes sur la participation croissante des États-Unis au développement de l’Alberta et du Manitoba. Pour ces travaux et pour son étude de 1906 sur la répartition et les occupations des Canadiens aux États-Unis, il se servit de données américaines sur la population et l’immigration. En 1911, au plus fort du débat sur le libre-échange entre les deux pays, il fit valoir que les statistiques commerciales ne permettaient pas une analyse serrée de la réciprocité ni de la préférence impériale et que « les pouvoirs du tarif protecteur n’[avaient] pas été mis à l’épreuve ». À l’encontre des positions libérales, il réclama la formation d’une commission impériale qui étudierait l’ensemble des questions relatives au commerce et au transport. En outre, il proposa de créer un bureau du tarif qui serait indépendant des partis politiques et composé d’experts habilités à fixer des échelles.

Toujours à la Canadian Manufacturers’ Association, Wickett se montra soucieux du progrès de la formation technique et commerciale, question étroitement liée au développement économique. Selon lui, le Canada manquait de main-d’œuvre qualifiée. Vu la spécialisation croissante du monde des affaires, l’association pressait les universités canadiennes de mettre au point un programme « qui préparera[it] moins les hommes aux professions savantes qu’à la vie courante, industrielle et commerciale ». En 1900, Wickett représenta la Canadian Manufacturers’ Association à une conférence qui réunissait des porte-parole de la University of Toronto. L’année suivante, cet établissement inaugurerait le premier programme de commerce au pays à donner droit à un diplôme. En 1906–1907, Wickett présiderait le comité de formation technique de l’association. En 1901, il fit partie de la délégation qui demanda au gouvernement ontarien de créer une commission en vue de hausser le niveau de la formation technique dans les écoles publiques [V. John Seath]. Il réclama une étude comparative en faisant valoir que, en Allemagne, le système éducatif avait contribué à augmenter l’activité industrielle. D’après ses collègues, ce fut grâce à sa persévérance que le gouvernement fédéral forma en 1910 la commission royale sur l’enseignement technique et professionnel. Bien que les recommandations de celle-ci soient restées lettre morte (les atermoiements des libéraux étaient une autre cause de la déception de Wickett à l’égard du parti), Wickett réussit à attirer l’attention du pays sur la question.

En matière d’affaires municipales, Wickett insistait sur l’information et l’efficacité comme dans son travail auprès de la Canadian Manufacturer’s Association. Ce pionnier de la réforme et des études urbaines au Canada avait été vivement impressionné par l’administration des municipalités autrichiennes et prussiennes, surtout en comparaison de la corruption qui régnait à Toronto. En 1896, une enquête judiciaire sur l’acceptation de pots-de-vin par des échevins torontois avait abouti à la création d’un bureau de contrôle ; selon Wickett, il s’agissait de la principale contribution du Canada à la notion de gouvernement municipal. Toutefois, comme les contrôleurs municipaux ne seraient pas élus au suffrage direct avant 1904, ils risquaient d’être mêlés aux abus de favoritisme et d’influence qui dominaient la vie politique dans les quartiers, surtout le quartier 2. Les annexions, en élargissant les limites de Toronto et en favorisant les travaux publics d’envergure, faisaient grimper la dette municipale, problème aggravé par des méthodes inefficaces de comptabilité et de financement, une piètre coordination entre les services municipaux et le défaut de paiement des taxes foncières. En outre, le mécontentement croissait à l’endroit des entreprises privées qui détenaient des franchises de services publics et de tramways à Toronto, car elles se montraient plus soucieuses de réaliser des profits que d’adapter leurs réseaux à l’agrandissement de la ville.

Wickett se mit à étudier les affaires municipales en 1899, publia en 1902 City government in Canada et fit paraître en 1907 un ouvrage plus substantiel, Municipal government in Canada. Opposé aux modèles américains de gestionnaires municipaux et de gouvernement par délégation, il préconisait de nommer au mérite des administrateurs professionnels qui seraient bien payés et à l’abri des influences. Ces fonctionnaires déchargeraient les élus des « innombrables détails » de l’administration et réduiraient le risque de favoritisme abusif.

Wickett put appliquer bon nombre de ses idées sur la scène torontoise. Il fut échevin du quartier 2 de 1913 à 1915 et, en tant que membre d’un groupe d’hommes d’affaires, le Civic Survey Committee, il joua un rôle important dans la mise sur pied du Toronto Bureau of Municipal Research en 1913. Il assista aux premières réunions de cet organisme, amassa des fonds et coordonna les communications entre le bureau de New York et le personnel municipal à Toronto. La publication d’un rapport critique sur la gestion du service des incendies révéla bientôt le caractère réformiste du bureau de Toronto. En 1913, Wickett présida le comité des transports du conseil municipal, où il mit de l’avant l’idée de propriété publique. En outre, il fut à l’origine d’un rapport qui réclamait un conseil métropolitain représentant les municipalités situées dans un rayon de 30 milles. Au moyen de la coopération plutôt que de l’annexion, ce conseil s’occuperait de questions régionales telles que les lignes électriques, la voirie, l’éclairage, les égouts, l’eau et les parcs. Bien que la proposition de Wickett n’ait rien eu de nouveau, elle obtint en 1913 l’appui d’hommes politiques de plusieurs localités, de Brampton à Whitby, mais elle achoppa à l’échelle provinciale.

À la demande de sir Byron Edmund Walker*, président de la Banque canadienne de commerce, Wickett porta une attention particulière au désordre des finances torontoises, qui résultait des taxes impayées, des offres limitées sur les obligations, de la mauvaise utilisation du fonds d’amortissement de la ville et de la piètre coordination financière en matière de gros travaux publics. En 1915, il aborda ces problèmes en adressant, aux élus et aux contribuables de Toronto, des lettres ouvertes où il pressait la municipalité de réinstaurer un contrôle des dépenses. De plus, il participa à la campagne pour la nomination de l’expert en investissements Thomas Bradshaw* à un nouveau poste influent, celui de commissaire des finances. Le succès de Bradshaw lui donnerait raison d’avoir cru en la nécessité d’avoir des fonctionnaires compétents, mais il ne vivrait pas assez longtemps pour en être témoin.

Tout en faisant de la politique municipale, Wickett avait continué de diriger l’entreprise familiale, dont il était devenu administrateur délégué vers 1910. Quelques années après leur mariage, lui-même et sa femme avaient élu domicile à Lambton Mills (Etobicoke). Wickett appartenait au National Club, au Royal Canadian Yacht Club et au Lambton Golf and Country Club, mais ces loisirs ne dissipaient pas la tension engendrée par son activité politique avant une élection et par sa charge de travail pendant la guerre. Il mourut d’une crise cardiaque tôt le matin du 8 décembre 1915, laissant à sa femme une succession grevée de dettes.

Samuel Morley Wickett avait jeté un pont entre deux solitudes, l’université et les affaires. Ces deux sphères bénéficièrent de son apport. Par sa foi en l’économie politique et en l’efficacité administrative, il influença beaucoup le mouvement de réforme municipale, qui avait atteint son apogée avant son décès. La formation du Toronto métropolitain en 1953 et le débat dont les affaires municipales continuent de faire l’objet dans la grande région torontoise témoignent de la force de ses idées.

Michael B. Moir

La thèse de doctorat de Samuel Morley Wickett en économie politique a été publiée sous le titre Studien über das Oesterreichische Tabakmonopol (Stuttgart, [Allemagne], 1897). La traduction de Wickett en anglais d’un texte de Karl Bûcher, professeur d’économique qui lui avait enseigné à Leipzig, a paru sous le titre Industrial evolution (New York, 1901 ; réimpr., 1968).

Wickett a édité et rédigé plusieurs chapitres de Municipal government in Canada (Toronto, 1907). Ses autres publications comprennent les suivantes : Canadians in the United States (Boston, 1906) ; Canada and the preference : Canadian trade with Great Britain and the United States ([Toronto ?, 1911]) ; City government by commission ([Hamilton, Ontario ?, 1912]) ; Memorandum re metropolitan area ([Toronto, 1913]) ; Open letter no 1 : To the ratepayers of the city of Toronto ; need of reform in our local improvement system ([Toronto, 1915]) ; et Open letter no 2 : To T. L. Church, esq., mayor and chairman of board of control and city council and ratepayers of the city of Toronto ; on the need of financial reform ([Toronto, 1915]).

AO, RG 22-305, n31039 ; RG 80-2-0-30, no 18289 ; RG 80-5-0-408, no 4553 ; RG 80-8-0-550, no 6755.— City of Toronto Arch., SC 3, A1 (Bureau of Municipal Research papers), box 1.— Metropolitan Toronto Arch., City of Toronto, Dept. of Public Works fonds, ser.13 (water supply sect. corr., file 211 (duplicate waterworks system, 1913–1915).— Daily Mail and Empire, 9 déc. 1915.— Globe, 8 déc. 1915.— World (Toronto), 23 oct. 1913, 9–10 déc. 1915.— Annuaire, Toronto, 1882–1915.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1902–1915.— J. M. S. Careless, Toronto to 1918 : an illustrated history (Toronto, 1984).—Industrial Canada (Toronto), 1 (1900–1901)–16 (1915–1916).— James Lemon, « Plans for early 20th-century Toronto ; lost in management », Urban Hist. Rev. (Toronto), 18 (1989–1990) : 11–31.— F. P. Megan, « Morley Wickett », University Monthly (Toronto), 16 (1915–1916) 167s.—Patricia Petersen, « Leave the fads to the Yankees » the campaigns for commission and city manager government in Toronto, 1910–1926 », Urban Hist. Rev. (Concord, Ontario), 20 (1991–1992) : 72–84.— Paul Rutherford, « Tomorrow’s metropolis : the urban reform movement in Canada, 1880–1920 », dans The Canadian city : essays in urban and social history, G. A. Stelter et A. F. J. Artibise, édit. (2e éd., Ottawa, 1984), 435–455.—J. C. Weaver, « The modern city realized : Toronto civic affairs, 1880–1915 », dans The usable urban past : planning and politics in the modern Canadian city, A. F. J. Artibise et G. A. Stelter, édit. (Toronto, 1979), 39–72 ; « Order and efficiency : Samuel Morley Wickett and the urban progressive movement in Toronto, 1900–1915 », OH, 69 (1977) : 218–234.

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Michael B. Moir, « WICKETT, SAMUEL MORLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wickett_samuel_morley_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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