WAUGH, WELLWOOD (Welwood), menuisier, meunier, fermier, agent foncier et juge de paix, né le 15 février 1741 à Lockerbie, Écosse, fils d’Alexander Waugh et de Catherine Colven ; le 28 mars 1760, il épousa à Wallastown (probablement dans la vallée d’Annandale, Écosse) Helen Henderson, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 3 juin 1824 à Waughs River, Nouvelle-Écosse.

La carrière de Wellwood Waugh demeure obscure jusqu’en 1774, année où il s’embarqua avec sa famille et un groupe de compatriotes écossais des Lowlands à bord du Lovely Nelly en partance pour Georgetown, dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard). Bien qu’on ait invoqué l’impossibilité de « gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins [...] de sa famille » comme cause du départ de Waugh, la tradition veut que celui-ci ait reçu un héritage important à la mort de son père et qu’avec un certain John Smith il fut en grande partie responsable du financement de cette entreprise. Quoi qu’il en soit, l’attrait de posséder leur propre lopin de terre et de jouir de la liberté religieuse fut, plus que la simple pauvreté, le motif déterminant qui incita ces covenantaires, persécutés et las de payer loyer, à quitter le sol natal pour le Nouveau Monde.

Le séjour à Georgetown s’avéra bref et misérable. Au cours d’un raid en 1775, des soldats américains emportèrent toutes les provisions, laissant les colons acculés à la famine. En désespoir de cause, ces derniers se rendirent à Pictou, en Nouvelle-Écosse, au printemps de 1776, et ils y furent bien accueillis par des compatriotes écossais qui menaient pourtant une existence pénible. Waugh ne tarda pas à se faire un nom comme fabriquant de douves et comme meunier. Toutefois, sa conscience stricte de covenantaire l’empêcha de prêter le serment d’allégeance et cette prise de position, dans une communauté qui s’efforçait de demeurer neutre, fit douter de sa loyauté. D’après la tradition, William Lowden, capitaine du Molly, fut détenu dans la demeure de Waugh en novembre 1776 et, par la suite, Lowden et son navire furent amenés à Baie-Verte (Nouveau-Brunswick) par une bande de proaméricains. Depuis, des documents ont établi l’innocence de Waugh dans cette affaire mais, à l’époque, la population de Pictou trouvait ses sympathies suspectes.

À l’été de 1781, après qu’un incendie eut détruit sa maison et ses biens, Waugh fut invité par Mary Cannon, représentante et procuratrice de Joseph Frederick Wallet DesBarres, à louer à court terme une ferme qui faisait partie de la propriété de DesBarres à Tatamagouche et comprenait un manoir. Mary Cannon voyait sans doute en Waugh le travailleur laborieux et consciencieux qu’il fallait pour surveiller ce domaine, source d’ennuis. Waugh fit taire momentanément sa répugnance innée pour les tenures à bail devant la perspective d’un poste de responsabilité et d’un milieu où régnait la tolérance religieuse, parmi les locataires français de DesBarres, originaires de Montbéliard. Il fut bientôt nommé agent foncier de l’endroit et, en 1785, DesBarres lui signa une procuration qui l’autorisait à conclure des baux et l’incita à demeurer à son service avec ce que Waugh appela plus tard « des assurances répétées [...] qu’il [Waugh] serait libéralement récompensé pour sa peine ».

En 1787, le domaine de Tatamagouche fut saisi trois fois pour dettes. Alors, afin de sauvegarder la propriété, Waugh perçut tous les arriérés de loyer et enleva le bétail de DesBarres pour le mettre à l’abri. De nombreux locataires, qui craignaient d’être expulsés par de nouveaux propriétaires, assurèrent leur sécurité en payant aussi un loyer aux créanciers et reprochèrent ensuite à Waugh d’avoir perçu les loyers en souffrance. Incident malheureux, le bétail de Waugh et des bêtes à cornes qui appartenaient à des locataires furent saisis et vendus à des prix dérisoires afin de désintéresser les créanciers. La confusion régnait, et Mary Cannon, désespérant de trouver des fonds, finit par offrir à Waugh, en retour d’une somme de £250, un bail avantageux de 999 ans pour la location de la ferme comportant le manoir au coût annuel de £15. L’agent foncier sauta sur ce qui équivalait ni plus ni moins à un droit de propriété et, après, quand il informa DesBarres de cet arrangement, ce dernier « sembla très heureux et pleinement satisfait, et ne fit aucune objection ».

À la demande de DesBarres, le capitaine John MacDonald* of Glenaladale, propriétaire foncier de l’île Saint-Jean, vint visiter la propriété en 1795. Plus tard, MacDonald déplora la façon dont Waugh avait géré les affaires en 1787, car il craignait que celui-ci n’ait sérieusement compromis l’avenir du domaine en s’aliénant aussi bien les locataires que les colons éventuels. Toutefois, il prit parti pour Waugh contre les plaintes de plusieurs locataires mécontents et déclara que l’agent et sa famille étaient « très actifs, industrieux et aptes à mener à bien n’importe quelle entreprise sur mer ou sur terre, aussi bien que quiconque [... Ils] insuffl[aient] toute la vie ou le mouvement qui sembl[ait] exister dans la localité [... et], sans eux, l’endroit [aurait été] pratiquement mort. »

Les craintes de MacDonald n’étaient pas fondées, et Tatamagouche prospéra sous la direction de Waugh et de ses fils. Ils faisaient leurs propres travaux de ferronnerie, élevaient du bétail en surplus pour en faire le commerce et, avec l’aide financière de DesBarres, construisirent un moulin à farine et une scierie, cette dernière produisant annuellement 200 000 pieds-planches. Deux autres scieries furent aussi bâties, et l’exportation du bois de charpente devint une importante industrie dans la région. Waugh exerça les fonctions d’agent foncier, de juge de paix de l’endroit et aussi de courrier du gouvernement, cette dernière tâche consistant à transporter des dépêches de Tatamagouche à Truro. Quelque temps après le décès de sa femme, survenu en 1795, il retourna en Écosse où il étudia l’horlogerie durant plusieurs années, ce qui lui fit dire dans une lettre envoyée à Tatamagouche en 1802 qu’il était « le doyen des artisans et le cadet des apprentis ». Pendant son séjour outre-mer, il persuada plusieurs de ses compatriotes de venir se fixer à Tatamagouche, ce qui renforça la présence du caractère écossais et le nouvel équilibre ethnique dans la région.

On ne connaît pas la date exacte du retour de Waugh à Tatamagouche, mais il s’y trouvait certainement en 1806. Au fur et à mesure que s’accrut le nombre des familles d’immigrants, Waugh devint une force dirigeante dans le domaine de la vie religieuse locale. Par exemple, il offrit une aide pécuniaire au révérend John Mitchell, arrivé en 1808 à River John, et mit sa grange à la disposition de ce dernier afin qu’il puisse y célébrer les offices religieux pendant l’été. Le projet de construction d’un temple à Tatamagouche divisa la communauté, si bien que Waugh déplora qu’en entretenant « d’une manière incohérente des opinions contraires sur des questions de peu d’importance [les gens de la communauté] avaient vite renoncé à leur rêve [d’avoir une église ?], rêve qui semblait plutôt nuire à l’Évangile que la propager ». Après l’échec d’une deuxième tentative, Waugh et ses fils érigèrent le temple, qui porta le nom d’église Willow et ouvrit ses portes en août 1820.

Les dernières années de Wellwood Waugh furent assombries par un conflit avec DesBarres. Celui-ci, rendu amer par l’échec de ses opérations immobilières dans la colonie, poursuivit Waugh et Mary Cannon devant la Cour de la chancellerie en 1809. Waugh fut accusé de complicité pour avoir accepté en 1787 de louer la ferme à bail, location dont DesBarres niait avoir entendu parler, la qualifiant de « non moins remarquable par son absurde illégalité et son hypocrite nullité que par sa manifeste perversité et son arrogante effronterie ». En outre, DesBarres accusa Waugh d’accorder aux colons des baux à long terme et à prix modique pour les meilleures terres de Tatamagouche, sans que lui, DesBarres, ait autorisé de telles locations, et il prétendit, de plus, que la famille de Waugh avait enlevé du bois de sa propriété. Assisté de son avocat, Samuel George William Archibald*, Waugh établit son innocence au delà de tout doute. Au cours de ses quelque 25 années à titre d’administrateur, ses initiatives n’avaient jamais été sérieusement contestées et, bien qu’il ait parfaitement informé DesBarres de ses activités, ce dernier lui avait rarement envoyé ses instructions ou des accusés de réception. Sauf l’ordonnance de cesser toute coupe de bois, aucun jugement ne fut rendu dans cette cause, qui traîna en longueur jusqu’à la mort de DesBarres en octobre 1824. Waugh était décédé quatre mois auparavant, bouleversé par cette éclaboussure dans une carrière par ailleurs irréprochable. Il avait travaillé fort et longtemps à Tatamagouche, communiquant à cette colonie sa vigueur et sa probité de véritable Écossais, mais ne recevant comme récompense que la satisfaction du devoir accompli. Sir John Wentworth* avait dit de lui qu’il était « un sujet intègre, actif, loyal [...] ce qui lui avait permis d’acquérir une bonne propriété [et] une influence considérable dans le pays ». Après la mort de Waugh, l’établissement de Tatamagouche ne fut plus jamais le même.

Lois Kathleen Kernaghan

APC, MG 11, [CO 229] Prince Edward Island B, 1 : 150–168 (transcriptions) ; MG 23, F1, sér. 2 : 4–5, 28–38, 45–46 ; sér. 5 : 4580–4587.— PANS, Biog., Waugh family papers (mfm) ; MG 5, 2, no 10 : 87–88 ; RG 1, 174–176 ; RG 20A, 32 ; RG 36, no 179, DesBarres v. Cannon, Waugh et al.— Emigrants from Scotland to America, 1774–1775 ; copied from a loose bundle of Treasury papers in the Public Record Office, London, England, V. R. Cameron, compil. ([New York], 1930 ; réimpr., Baltimore, Md., 1965).— D. C. Mackay, Silversmiths and related craftsmen of the Atlantic provinces (Halifax, 1973).— F. H. Patterson, The days of the ships, Tatamagouche, N.S. (Truro, N.-É., 1970) ; History of Tatamagouche, Nova Scotia (Halifax, 1917 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973) ; Tatamagouche, N.S., 1771–1824 (Truro, 1971).— George Patterson, A history of the county of Pictou, Nova Scotia (Montréal, 1877).

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Lois Kathleen Kernaghan, « WAUGH, WELLWOOD (Welwood) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/waugh_wellwood_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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