WALLACE, WILLIAM, officier de police, né le 9 mars 1867 dans le comté de Donegal (république d’Irlande), fils de Samuel Wallace et de Sarah McConnell ; le 25 juin 1902, il épousa à Toronto Annie Jane McNair, et ils eurent deux fils ; décédé dans cette ville le 25 octobre 1928.
Né dans le comté de Donegal, non loin de Londonderry, William Wallace immigra au Canada en 1886. Nombreux étaient alors les irlando-protestants qui s’installaient à Toronto et entraient dans la police municipale. Fortement minoritaires dans la ville, les immigrants britanniques étaient majoritaires parmi les policiers. Wallace fut embauché comme agent le 1er avril 1890 et promu policier en civil quelques années plus tard par le détective Alfred Cuddy. Devenu détective suppléant en 1903, il obtint sa permanence six ans après. Sans être un adepte de la manière forte, il était un dur. Une fois, il osa appréhender trois « voyous » chez un prêteur sur gages de la rue York. Ceux-ci le rouèrent de coups au point de lui faire perdre conscience. Il en garderait toujours des séquelles.
Pendant la Première Guerre mondiale, Wallace fut détaché auprès du gouvernement fédéral pour surveiller les aubains et les radicaux, notamment les communistes. Ses recommandations au commissaire de la police du dominion, sir Arthur Percy Sherwood*, et au ministre de la Justice, Charles Joseph Doherty*, préfiguraient la loi fédérale de 1919 contre les radicaux. Le gouvernement lui demanda de poursuivre sa surveillance après la guerre, mais comme sa famille lui manquait et qu’il préférait son travail habituel d’enquêteur, il retourna à Toronto. Du temps de Wallace, les détectives risquaient peu d’être critiqués en public : ils bénéficiaient d’une relative autonomie, étaient auréolés de prestige, et la population était convaincue qu’ils s’occupaient de vrais crimes.
En 1919, Wallace devint inspecteur adjoint de la section des détectives, sous George Guthrie. Ses fonctions n’étaient pas uniquement administratives. Il travaillait de longues heures, surtout quand il y avait des enquêtes importantes. Sa plus grosse affaire survint en 1921. Il s’agissait du meurtre du pharmacien Leonard Cecil Sabine par Roy Hotram et William McFadden, qui furent condamnés et pendus. Des années d’enquête convainquirent Wallace que les criminels n’étaient pas des victimes de leur milieu, de l’hérédité ni de la pauvreté, comme le suggéraient les sciences sociales, mais des « crapules paresseuses, égoïstes et vicieuses ».
Wallace était le type même de l’officier de carrière. Il appartenait notamment à la franc-maçonnerie, à la congrégation presbytérienne (unie) Erskine et peut-être à la loge d’Orange, dont les membres faisaient la pluie et le beau temps dans l’administration et les services municipaux de Toronto. Il se fit connaître dans sa profession en participant à la Chief Constables’ Association of Canada, groupe de pression policier fondé en 1905 qui admettait les détectives parmi ses membres. Secrétaire-trésorier de cet organisme de 1921 à 1926, il publia les délibérations des congrès annuels et le Canadian Police Bulletin de Toronto, deux sources précieuses pour l’étude de la professionnalisation et de l’idéologie de la police canadienne.
Par l’intermédiaire du Bulletin et à l’occasion des conférences annuelles de la Chief Constables’ Association, Wallace défendait la nécessité de lutter de manière impitoyable contre le crime. À l’époque, la plupart des policiers municipaux partageaient ce point de vue. Au congrès de 1922, il prononça un discours intitulé « Encourageons-nous le crime en dorlotant les criminels ? » Il critiquait le courant de la criminologie axé sur la réadaptation et percevait de l’ingérence politique dans le travail de la police et l’administration de la justice criminelle. En 1923, il s’éleva contre un projet de loi présenté par un député du Parti ouvrier indépendant de l’Ontario, Thomas Tooms, et visant à placer la police municipale sous l’autorité de fonctionnaires élus plutôt que de bureaux de commissaires de police dominés par des fonctionnaires nommés. Selon lui, une administration policière sous contrôle populaire risquait d’être le jouet des politiciens radicaux et des « parasites » des organisations ouvrières. En outre, comme bon nombre d’autres détectives, il était convaincu qu’il fallait modifier la Loi concernant l’identification des criminels (loi fédérale) afin d’autoriser la prise des empreintes digitales de toute personne en garde légitime et non seulement de celles qui étaient inculpées d’actes criminels. Il reprochait aussi aux réformateurs, aux organisations religieuses et aux médias leur tendance à glorifier les anciens détenus notoires, dont l’infâme Norman (Red) Ryan*, « un héros de carton-pâte », disait-il.
Wallace s’opposait vigoureusement à la loi concernant la libération conditionnelle des détenus (loi fédérale), mais il en avait surtout contre la loi ontarienne sur le même sujet et contre son application. Il attribuait aux mises en liberté conditionnelle, à la psychiatrie et aux efforts malavisés des réformateurs la vague de criminalité qu’il décelait dans les années 1920. Ses attaques soutenues compromirent le travail d’Alfred Edward Lavell, la Commission des libérations conditionnelles de l’Ontario, qui, après avoir tenté de l’apaiser, en appela directement au chef de police Samuel J. Dickson et au juge Emerson Coatsworth, du Bureau des commissaires de police de Toronto. Wallace profita de sa position à la police torontoise et à la Chief Constables’ Association pour discréditer le régime ontarien de libération conditionnelle et empêcher le Manitoba et d’autres provinces d’en adopter un semblable. De son côté, Lavell accusa Wallace de donner une idée erronée des tentatives de réadaptation et d’abuser de son poste à la Chief Constables’ Association. En 1924, il écrivit que, par son entêtement, le détective réussissait à « convaincre la police que la Commission des libérations conditionnelles de l’Ontario [était] l’invention de fanatiques fous et larmoyants, [qu’il était] inefficace, injuste et dangereux pour le bien public ».
Le 28 septembre 1928, quelques semaines avant son décès, William Wallace accéda à la fonction de détective en chef. Peu de temps auparavant, il avait assisté à la rencontre annuelle de l’International Association of Chiefs of Police, où ses opinions conservatrices sur la lutte contre le crime devaient être la norme. Il mourut à l’aube du 25 octobre dans sa maison de l’avenue Fern. Après des obsèques où on lui rendit tous les honneurs dus à un policier, un cortège imposant accompagna sa dépouille au cimetière Prospect. Des collègues firent observer qu’il était réputé dans les cercles policiers de toute l’Amérique du Nord et qu’on le tenait pour un « criminologue hors pair » et « l’officier de police le plus techniquement compétent du pays ».
AN, RG 13, A2, 231, Wallace à A. P. Sherwood, 22, 30 juill. 1918 ; RG 31, C1, 1901, Toronto, Ward 2, div. 12 : 22 (mfm aux AO).— AO, RG 8-54, boxes 6–12 ; RG 22-305, nº 60585 ; RG 80-5-0-298, nº 2049.— Globe, 26 oct. 1928.— Toronto Daily Star, 7–11 mars 1921, 25–28 oct. 1928.— Annuaire, Toronto, 1891–1928.— Canadian Police Bull. (Toronto), mars 1925, mars 1929.— Chief Constables’ Assoc. of Canada, Proc. of the annual convention (Toronto), 1920–1930.— Greg Marquis, « The early twentieth-century Toronto police institution » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1987) ; Policing Canada’s century : a history of the Canadian Association of Chiefs of Police (Toronto, 1993).
Greg Marquis, « WALLACE, WILLIAM (1867-1928) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wallace_william_1867_1928_15F.html.
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Auteur de l'article: | Greg Marquis |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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