WALKER, THOMAS, avocat et homme politique, né vers 1759 ; le 6 novembre 1782, il épousa à Montréal Jane Finlay, puis le 30 octobre 1797, à Berthier-en-Haut (Berthierville, Québec), Anna Louisa Vial de Sainbel, veuve de Charles Vial de Sainbel, et ils eurent au moins une fille, Louisa Nash ; décédé en janvier 1812 à William Henry (Sorel, Québec).
D’après le plus ancien document trouvé à son sujet, Thomas Walker était à Montréal en juin 1778. Greffier à la Cour des plaids communs de ce district en 1779, il fut reçu avocat le 9 octobre 1780. Il alla s’installer ensuite à Québec où il fut employé en juin 1783 par les syndics de la Thompson and Shaw, compagnie de marchands. Cette société ayant fait faillite et ses biens ayant été transférés à la Fraser and Young [V. John Young], Walker plaida lors des procès successifs qui furent intentés devant la Cour des plaids communs pour le recouvrement de sommes d’argent et de marchandises. L’expérience qu’il avait acquise devant ce tribunal donne un certain poids – et ajoute peut-être une note de déception personnelle – au témoignage qu’il produisit le 2 août 1787 au cours de l’enquête du juge en chef William Smith* sur l’administration de la justice dans la province de Québec [V. Arthur Davidson].
Walker se plaignait surtout du fait que les lois et la procédure auxquelles la Cour des plaids communs se conformait étaient trop aléatoires. Il ne se préoccupait pas tellement de la tendance du tribunal à négliger le système juridique anglais. Au contraire, il préconisait la pleine reconnaissance du droit commercial français et un recours plus fréquent au Code civil français pour l’établissement des coûts. Selon lui, le problème provenait plutôt des juges. Ceux-ci expliquaient rarement les fondements légaux de leurs décisions ; ils ne veillaient pas à ce que les archives judiciaires fussent à jour, ce qui multipliait les incertitudes ; portés à tout remettre au lendemain, ils commettaient des dénis de justice « très fréquents et très préjudiciables » ; leur recours flagrant « à la grâce et aux faveurs » soulevait des doutes quant à leur impartialité. Tout cela, à quoi s’ajoutaient un « manque de connaissances professionnelles » ou « une négligence et une inattention graves », créait « un état de désordre, de confusion et d’incertitude quant aux principes de droit et aux règles de procédure, d’où il importait au plus haut point [d’être] tirés ». À propos des juges eux-mêmes, Walker déclara que la conduite irrégulière de John Fraser avait clairement faussé les jugements que le tribunal avait rendus au terme d’au moins deux procès ; « la grande intimité » d’Adam Mabane* « avec certains membres du barreau et son favoritisme à leur égard étaient très injurieux pour les autres, et particulièrement pour [Walker] » ; Pierre Panet était « toujours prêt à collaborer aux mesures et à se plier aux désirs de M. Mabane à la cour » ; quant à René-Ovide Hertel* de Rouville, « [Walker n’avait] jamais considéré qu’un Anglais et un Canadien avaient des chances égales devant lui ».
Peu après ce témoignage, Walker retourna à Montréal où il ouvrit son propre cabinet. À compter de ce moment, il ne semble pas s’être particulièrement distingué comme avocat. Seuls deux des cas dont il s’est occupé ont pu être retracés : en février 1794, il offrit ses services à Johannes Ruyter, connu sous le nom de John Ruiter, représentant de Thomas Dunn pour les affaires de la seigneurie de Saint-Armand, et, en juin de la même année, il fut le fondé de pouvoir de l’administrateur londonien qui gérait la succession du commerçant de fourrures Germain Maugenest* et de son héritier. Malgré cela, il est évident que Walker aimait se mêler à la société montréalaise. Il devint à la fois membre de la Protestant Congregation, organisme anglican, et de la section locale de la Société d’agriculture. En fait, selon l’officier britannique George Thomas Landmann*, bien que Walker fût sans doute « un avocat très habile », il était « plus attaché aux plaisirs de la bonne chère et à ses joyeux compagnons qu’aux austères occupations de sa profession », ce qui peut expliquer son endettement périodique.
En tant qu’homme politique, Walker semble aussi s’être essoufflé assez rapidement. Élu en juillet 1800 à la chambre d’Assemblée comme député de la circonscription de Montréal, que son frère James avait représentée de 1792 à 1796, il conserva son siège jusqu’en 1804. Toutefois, il fut absent pendant presque toute la deuxième et la troisième session, et il ne se montra pas du tout pendant la quatrième. Son nom figure dans les Journaux de la chambre d’Assemblée de cette période seulement à propos de trois mesures qu’il appuya : l’expulsion de Charles-Jean-Baptiste Bouc*, reconnu coupable d’un crime, le maintien de la loi sur les directeurs du scrutin et la réduction du quorum nécessaire aux réunions de l’Assemblée.
Par contre, Walker fut très assidu au cours de la première session. Il aida à l’élaboration des projets de loi sur les tribunaux civils, les jugements par jury dans les causes relatives au commerce, les témoins comparaissant lors de poursuites civiles, les testaments, les sociétés en nom collectif, la désertion des marins, le salaire des traducteurs de l’Assemblée, les droits de douane entre le Bas et le Haut-Canada, l’approvisionnement de Montréal en eau et la démolition des murs d’enceinte et des fortifications de cette ville. Il participa aussi à trois projets qui mettaient en cause des questions fondamentales : l’affectation des taxes, l’immunité parlementaire et la politique d’éducation.
Par ailleurs, il n’est pas certain que Walker mesurait la signification de ces projets, et on peut se demander sérieusement s’il aurait appuyé certains des principes qu’ils pouvaient sous-entendre. Par exemple, même si la taxe qu’il avait instaurée sur les permis de location des tables de billard avait donné à l’Assemblée le pouvoir d’en récolter les produits, rien n’indique qu’il avait souhaité accroître les pouvoirs du corps législatif, et encore moins qu’il prévoyait la lutte pour le gouvernement responsable. De même, rien ne laisse supposer que lors de l’affaire Bouc, qui avait commencé en mars 1800, il ait voulu soutenir la position constitutionnelle de l’Assemblée en invoquant les privilèges des députés de la chambre des Communes de Westminster. Il se pourrait bien que, dans ces deux cas, son intention première eût été d’appuyer le gouvernement.
Le doute qui plane sur les motifs de Thomas Walker et sur ses affiliations profondes est renforcé, sinon confirmé, par son attitude à l’égard de la loi de 1801 sur l’éducation. Mesure d’anglicisation avant tout, puisqu’elle favorisait l’enseignement en anglais et la création d’une commission scolaire majoritairement protestante, cette loi permettait néanmoins d’établir un système éducatif plus conforme aux intérêts des Canadiens et des catholiques, car elle autorisait l’existence d’« écoles séparées ». En tentant de faire révoquer cette permission, Walker semble avoir affiché ses véritables couleurs. Quelles que fussent les raisons pour lesquelles il avait approuvé en 1787 l’application de certaines lois françaises, il était apparemment passé en 1801 du côté du parti des bureaucrates, qui collaborait avec le gouvernement à promouvoir l’anglicisation du Bas-Canada.
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G. P. Browne, « WALKER, THOMAS (mort en 1812) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/walker_thomas_1812_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
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