VAIL, EMMA FRANCES JANE (Birge ; Pratt), réformatrice sociale, née en 1851 à New York, fille d’Albert Smith Vail et d’une prénommée Sarah Frances ; le 2 juin 1870, elle épousa à Hamilton, Ontario, Morton Burdett Birge (décédé en 1873), et ils eurent un fils, puis le 29 avril 1879, dans la même ville, Thomas Henry Pratt ; décédée au même endroit le 21 février 1917.

D’ascendance allemande, Albert Smith Vail quitta en 1861 un poste de surveillant dans une firme new-yorkaise de vêtements et s’installa avec sa famille à Hamilton, où il trouva du travail dans l’entreprise de William Eli Sanford*. Après avoir fréquenté la Central School, Emma Frances Jane Vail entra à l’âge de 12 ans, au Wesleyan Female College. Elle fut l’une des rares élèves à obtenir les deux diplômes décernés par cet établissement, soit celui de maîtresse d’arts libéraux en 1869 et celui de maîtresse de littérature anglaise l’année suivante. Toujours en 1870, année de son mariage avec Morton Burdett Birge, marchand de tabac de Hamilton, elle s’inscrivit à l’Alumnae Association du collège ; seulement 4 autres femmes mariées figuraient parmi les 35 membres de cette organisation. Bientôt, elle participa aux réunions mensuelles du Literary Club ; elle aimait beaucoup la lecture et la discussion, et elle présentait au groupe des communications sur des livres et des sujets d’actualité. Elle serait présidente du cercle littéraire de 1890 à 1907 et présidente honoraire de 1907 à 1917. Elle occuperait la présidence de l’Alumnae Association de 1876 à 1880 et de 1890 à 1894.

Le fils des Birge, Anson Horace, naquit en mars 1871, mais dès l’année suivante, Morton Burdett avait déserté le foyer familial, et Emma dut élever l’enfant chez ses propres parents. Dès l’âge de 24 ans, son engagement social était évident.

En 1875, Emma Vail participa à la fondation de la section hamiltonienne de la Woman’s Christian Temperance Union. Ce serait dans le cadre de cette association qu’elle se vouerait au développement spirituel des enfants, à la fois en tant qu’organisatrice et éducatrice. Selon elle, son rôle faisait partie du « privilège d’être une collaboratrice de Dieu » ; la paix et le bonheur ne pouvaient être atteints que par la « maîtrise des appétits », en « soumettant la matière à l’esprit ». Elle assista aux congrès provinciaux de l’Union chrétienne en 1881 et en 1884 ; elle était alors secrétaire de la section hamiltonienne. Sous sa supervision, le comité des publications de la section distribua dans Hamilton 4 000 opuscules sur la tempérance et forma un comité des jeunes dames et des enfants. De plus, Emma Vail fonda un groupe appelé Band of Hope au Boys’ Home de Hamilton, dont elle était trésorière, organisa des cours de couture pour les filles et des cours du soir pour les camelots ; de plus, elle appartint au conseil d’administration de la Day Nursery de l’Union chrétienne. Aux réunions de la Band of Hope et aux cours du soir, on faisait la promotion de la tempérance tout en enseignant à lire et à écrire et en favorisant l’apprentissage des bonnes manières. Emma Vail ajoutait ses propres contributions aux 0,10 $ versés chaque semaine par les élèves des cours de couture, et cet argent servait à acheter du tissu. Elle tenait des réunions hebdomadaires de lecture à haute voix et de conversation pour les ouvrières dont les enfants fréquentaient la garderie. En outre, elle exerça des pressions auprès du département provincial de l’Éducation pour que les écoles publiques donnent de la formation sur la tempérance. Bien qu’on ait accueilli cette idée avec enthousiasme à l’Ontario Teachers’ Convention de 1884, le département ne voulut d’abord pas aller de l’avant. Emma Vail ne s’illusionnait guère sur la facilité de réaliser son projet. « Les réformes de tout genre se buttent à des préjugés, disait-elle ; nous ne pouvons pas espérer l’accord de tous. » Les relations personnelles et l’engagement individuel étaient des méthodes plus efficaces pour atteindre l’objectif de la tempérance. Dans le mensuel de l’Union chrétienne, elle insistait sur l’importance de ne pas soigner les enfants malades en leur administrant de l’alcool et de dissuader les mères allaitantes de boire. Le bouche à oreille, le porte-à-porte, voilà comment, selon elle, il fallait éduquer les mères de jeunes enfants. Elle se vouerait à la cause de la tempérance jusqu’à l’âge de plus de 60 ans ; en 1911, elle était présidente honoraire de l’association de comté de l’Union chrétienne.

En 1879, Emma Vail épousa Thomas Henry Pratt, propriétaire d’un magasin de nouveautés à Hamilton. Comme Pratt était un homme aisé, le couple acheta un vaste domaine à l’est de Hamilton, Rose Arden, où Emma tiendrait des pique-niques pour l’Union chrétienne et des réunions de la Day Nursery. En tant que présidente de la Women’s Christian Association, elle convoqua en 1889 une réunion de 150 femmes dans le but de « prendre des mesures pour élever la moralité des jeunes filles » de Hamilton. Elle-même et Alice Maud Mary Lazier rédigèrent la constitution du nouvel organisme, la Young Women’s Christian Association de Hamilton.

Pendant la guerre des Boers et la Première Guerre mondiale, Emma Vail œuvra dans les groupes féminins de la congrégation méthodiste Centenary. À titre de présidente de la Mount Hamilton Women’s Patriotic League, elle recueillit des fonds pour la Croix-Rouge britannique ; le sort des enfants de soldats la préoccupait particulièrement. Au cours de l’été de 1916, son fils, alors médecin à New York, mourut. Le 21 octobre de la même année, Emma Vail prit part aux célébrations locales de l’anniversaire de la bataille de Trafalgar en tant que capitaine de l’un des 11 districts créés à Hamilton pour une collecte de porte en porte visant à recueillir 75 000 $ pour la Croix-Rouge britannique. Des centaines de femmes participèrent à cette campagne d’une journée ; ce fut l’une des dernières contributions publiques d’Emma Vail. Tombée malade peu après, elle mourut chez elle en février 1917 à l’âge de 66 ans. Le Literary Club annula sa réunion de février en signe de deuil et créa à son nom un fonds dont les intérêts iraient aux œuvres de bienfaisance qu’elle avait soutenues. Selon l’Union chrétienne de tempérance des femmes, elle avait compté parmi ses « leaders les plus efficaces ». Le Hamilton Evening Times nota qu’elle avait été « une femme de formation libérale, cultivée et, à l’esprit tolérant ».

Les activités philanthropiques d’Emma Frances Jane Vail reflétaient les préoccupations d’une bourgeoisie qui faisait face aux remous d’une société urbaine en plein développement. Peut-être aurait-elle préféré se consacrer à des activités littéraires. Plongée au début de sa vie d’adulte dans les difficultés de la maternité solitaire, elle s’orienta plutôt vers l’action sociale, pour laquelle ses convictions méthodistes lui fournissaient un cadre idéologique. La sécurité financière et le statut social que lui apportèrent son second mariage lui permirent de déployer ses efforts dans une sphère plus vaste, où elle montra la nécessité et l’efficacité de la réforme.

Molly Pulver Ungar

AN, RG 31, C1, 1871, Hamilton, Ontario, St Andrew’s Ward, div. 1 : 52 (mfm aux AO).— AO, RG 22-204, reg. N (187A–1879) : 26 ; RG 22-205, nos 3126, 3167, 10402 ; RG 80-5-0-9, vol. 8 : f. 359 ; RG 80-5-0-87, no 12043.— HPL, Alumnae Literary Club, minute-book, 1915–1928 ; Hamilton Wesleyan Ladies’ College ; Clipping files, Hamilton biog. and YWCA, vol. 1.— Hamilton Spectator, 1870–1916, 22, 24 févr. 1917.— Annuaire, Hamilton, 1869–1880.— Canadian White Ribbon Tidings (London, Ontario), sept. 1912-mars 1917 (mfm aux AO, F 885).— DHB, 3.— S. G. E[lwood] Mc Kee, Jubilee history of the Ontario Woman’s Christian Temperance Union, 1877–1927 (Whitby, Ontario, [1927 ?]).— YWCA – a centre for girls (Hamilton, 1929 ; exemplaire conservé à la HPL).

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Molly Pulver Ungar, « VAIL, EMMA FRANCES JANE (Birge ; Pratt) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/vail_emma_frances_jane_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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