TURNER, ALMON PENFIELD, homme d’affaires, né le 3 juillet 1864 à Cleveland, Ohio, fils d’Almon P. Turner et de Sarah M. Canfield ; le 26 novembre 1906, il épousa dans cette ville Mary Helen Harrington, et ils eurent deux filles ; décédé le 18 mai 1917 près d’Oakville, Ontario.

Formé d’abord dans les écoles publiques de Cleveland, Almon Penfield Turner étudia ensuite au Hiram College, non loin de cette ville, et y obtint une licence en philosophie en 1884. On ne connaît pas son premier emploi, mais il travailla pour la Standard Oil Company dans l’Indiana avant d’être engagé comme teneur de livres par la Canadian Copper Company de Cleveland en 1893. Ambitieux et sûr de lui, il avait quitté la Standard Oil parce que, à l’encontre de ses attentes, on ne l’avait pas promu. Ce fut probablement Oliver Hazard Payne, actionnaire minoritaire de la Canadian Copper Company, qui le fit entrer dans cette entreprise. Payne avait été trésorier de la Standard Oil et était le fils de Henry B. Payne, un des principaux actionnaires de la Canadian Copper. L’adjoint administratif de Henry B. Payne, Henry P. McIntosh, fut secrétaire-trésorier et officieusement chef de la direction de la Canadian Copper jusqu’en 1902.

Au moment de l’arrivée de Turner, McIntosh venait à peine de concentrer le pouvoir administratif à Cleveland, aux dépens du centre de l’exploitation, qui était situé à Copper Cliff, en Ontario, à environ trois milles à l’ouest de Sudbury. Cependant, Turner vit ses attributions et son autorité augmenter au fil du temps, car McIntosh était de plus en plus absorbé par la Guardian Trust Company, à la fondation de laquelle il avait collaboré en 1894. La mutation de Turner à Copper Cliff en novembre 1899 marqua le retour du pouvoir administratif à ce centre minier. Bien qu’il ait été seulement l’adjoint du directeur général James MacArthur, Écossais au caractère difficile qui s’intéressait davantage à ses fonctions techniques de surintendant de la fonderie, Turner eut dès le départ à peu près toute latitude au bureau de la Canadian Copper. Dans les premiers temps, il vécut dans l’une des pensions fournies par la compagnie, avec la plupart des autres administrateurs, tous célibataires. Par la suite, il se fit bâtir une grande maison en rondins (au mépris de son propre règlement contre l’ajout de constructions de ce type à Copper Cliff) dans le secteur réservé à l’administration supérieure, à l’ouest de la fonderie.

Turner avait été dépêché à Copper Cliff parce que les autorités politiques projetaient de restreindre l’exportation du minerai et de la matte de nickel et de cuivre [V. Samuel J. Ritchie*]. Avant son arrivée, cette question opposait la Canadian Copper Company et la collectivité sudburoise. Le seul journal de la localité, le Sudbury Journal, était très critique envers l’entreprise. En 1897, le rédacteur en chef, James A. Orr, se réjouit que le gouvernement fédéral de sir Wilfrid Laurier ait décidé de percevoir des droits d’exportation sur le nickel et, en 1899, il approuva la détermination du gouvernement provincial du libéral George William Ross à obliger les entreprises à faire raffiner les minéraux en Ontario. À l’époque, la Canadian Copper confiait ses opérations de raffinage à l’Orford Copper Company du New Jersey.

En usant de son grand charme et en lui offrant des faveurs de la compagnie, Turner persuada Orr de réviser la position du Journal. En l’espace de moins d’un an, le périodique se mit à publier des éditoriaux (quelques-uns écrits par Turner mais non signés par lui) contre les projets de restrictions à l’exportation. Avec des tactiques semblables, Turner convainquit aussi d’éminents Sudburois tel le quincaillier et ex-maire Francis Cochrane de mobiliser l’opinion locale en faveur de l’entreprise. En partie à cause de cette opposition, ni le Parlement fédéral ni le Parlement ontarien n’émirent les décrets nécessaires à l’entrée en vigueur des mesures qu’ils avaient adoptées.

En avril 1902, la Canadian Copper Company devint la principale filiale d’exploitation minière et de fonte d’un nouveau conglomérat de nickel, l’International Nickel Company du New Jersey. Turner accéda à la présidence de la Canadian Copper, ce qui reflétait l’accroissement de son rôle administratif. Au cours de son mandat, la Canadian Copper fit de grands progrès et aida ainsi l’International Nickel à se hisser au premier rang des producteurs mondiaux de nickel. Une des premières tâches de Turner consista à superviser la reconstruction et l’agrandissement des hauts fourneaux de Copper Cliff, négligés par les anciens propriétaires de l’entreprise à Cleveland. En outre, il stabilisa l’approvisionnement de la compagnie en minerai en mettant en exploitation la riche mine Creighton.

Après la victoire conservatrice de 1905 en Ontario, Turner eut affaire à un nouveau ministre des Terres et des Mines : Francis Cochrane. Celui-ci prônait ouvertement des révisions fiscales qui permettraient à la province de percevoir, sur la richesse engendrée par ses ressources naturelles, la « part de la population ». Des négociations entre les deux hommes aboutirent en 1907 à une entente en vertu de laquelle l’International Nickel verserait en impôts quelque 17 000 $ par an durant cinq ans – somme négligeable étant donné que le bénéfice de l’entreprise dépassa deux fois les 2 millions de dollars pendant ces années. Turner se montra aussi habile dans ses rapports avec Ottawa : en 1910 par exemple, il éluda de gênantes questions d’un comité de la Chambre des communes sur le prétendu rôle de l’International Nickel dans un cartel de nickel.

Turner mit autant de vigilance à protéger les intérêts de la Canadian Copper Company et de l’International Nickel Company dans le district de Sudbury. Il avait fermement appuyé la constitution de Copper Cliff en municipalité en 1901, en partie parce qu’il estimait que la Canadian Copper devait « prendre des mesures pour bâtir [sa] propre ville » au lieu de « faire vivre indirectement Sudbury ». Cependant, il avait aussi un autre mobile : renforcer la mainmise de la compagnie sur les affaires locales, et notamment sur la nomination d’un coroner qui poserait moins de questions embarrassantes au cours des enquêtes sur les décès survenus dans les mines et les installations de surface.

Au début, Turner n’intervint pas directement dans l’administration municipale de Copper Cliff, mais en 1905, une équipe de conseillers réfractaires à la Canadian Copper Company et dirigée par le maire Fred Hamilton prit le pouvoir. Quelques mois plus tard, Hamilton et trois de ses associés, tous des marchands locaux ayant des immeubles sur des terrains de l’entreprise, apprirent que leurs baux ne seraient pas renouvelés. Les quatre hommes, des conservateurs convaincus, firent appel à Cochrane, alors député provincial. Celui-ci put seulement obtenir de Turner que la compagnie paie un prix équitable pour les immeubles. À compter de ce moment, rappellerait un ex-contrôleur de la Canadian Copper, Frederick P Bernhard, « on débattit et approuva la composition du conseil au bureau général [de la Canadian Copper Company] et les personnes choisies furent élues sans opposition le jour des mises en candidature ».

En 1913, Almon Penfield Turner, affaibli par le mal de Bright, dut se retirer dans une ferme fruitière à l’est d’Oakville. Il n’avait pas encore 50 ans. Malgré cette maladie qui lui serait fatale, il resterait lié à l’International Nickel jusqu’à son décès. Après son départ de Copper Cliff, il eut un bureau à Toronto en qualité de président de la Huronian Company Limited. Depuis 1910, cette filiale hydroélectrique de l’International Nickel dans le district de Sudbury vendait du nickel au nom de celle-ci sur les marchés internationaux. Décédé en 1917, Turner fut inhumé à Cleveland ; constituée surtout d’actions de l’International Nickel, sa succession fut estimée à plus de 365 000 $.

R. Matthew Bray

La source d’information la plus valable concernant la carrière d’Almon Penfield Turner est « Historical notes on INCO » de Frederick P. Bernhard (texte dactylographié, 1953), conservé aux INCO Arch., Sudbury, Ontario. Bernhard a rempli la fonction de sténographe de Turner de 1899 à 1904, puis a travaillé de nouveau sous sa direction comme contrôleur de la Canadian Copper Company de 1908 à 1913. Les volumineux mémoires de Bernhard sur sa vie à Copper Cliff contiennent une foule de détails sur l’histoire de l’entreprise au cours de ces années.  [r. m. b.]

AN, RG 31, C1, 1901, McKim Township, Ontario, div. 5 : 24 (mfm aux AO).— AO, RG 22-380, no 55 ; RG 80-8-0-625, no 15629.— INCO Arch., Box 94014, corr. between Turner and INCO headquarters, New York, 19071910 ; Letter-book no 5, corr. between Turner and H. P. McIntosh, 18991902.— Globe, 19 mai 1917.— Sudbury Star, 19 mai 1917.-Annuaire, Toronto, 19141917.— [R.]M. Bray, « A company and a community : the Canadian Copper Company and Sudbury, 18861902 », dans At the end of the shift ; mines and single-industry towns in northern Ontario, [R.]M. Bray et Ashley Thomson, édit. (Toronto et Oxford, 1992), 2344 ; « The union that became INCO : Orford Copper and Canadian Copper, 1885–1902 », INCO, Background (Sudbury), mars 1992 : 1–8.— Canada, Chambre des communes, Comité spécial sur les mines et minéraux, Rapport (Ottawa, 1910), app- O. W. Main, The Canadian nickel industry ; a study in market control and public policy (Toronto, 1955).— H. V. Nelles, « Empire Ontario : the problems of resource development », dans Oliver Mowat’s Ontario : papers presented to the Oliver Mowat colloquium, Queen’s University, November 25–26, 1970, Donald Swainson, édit. (Toronto, 1972), 189–210 ; Politics of development.—T. H. Nicholson, « A sordid boon » : the business of state and the state of labour at the Canadian Copper Company, 1890–1918 » (mémoire de m.a., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1991).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell) ; cette notice contient de nombreuses erreurs factuelles : elle confond notamment Turner et H. P. McIntosh à certains endroits, et un grand nombre de dates sont complètement erronées.  [m. b.]— J. F. Thompson et Norman Beasley, For the years to come : a story of International Nickel of Canada (New York et Toronto, 1960).

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R. Matthew Bray, « TURNER, ALMON PENFIELD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/turner_almon_penfield_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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