TOWNSEND, MARGARET (Fox ; Jenkins), militante de la tempérance, administratrice scolaire et réformatrice sociale, née le 4 août 1843 à Neath, pays de Galles, fille de Joseph Townsend ; en décembre 1866, elle épousa à Coquimbo, Chili, un dénommé Fox (décédé en 1876), et ils eurent quatre enfants, puis en 1879, au Chili, David Jenkins (décédé en 1904), veuf et père de neuf enfants, et ils eurent trois enfants ; parmi ses sept enfants et les neuf de son second mari, cinq garçons et cinq filles survécurent jusqu’à l’âge adulte ; décédée le 6 juin 1923 à Victoria.
Margaret Townsend, dont le père était diacre pour l’Église congrégationaliste à Neath, entreprit une carrière d’enseignante comme apprentie institutrice à l’âge de 14 ans. Elle devint vite institutrice qualifiée, mais elle demeura avec une fièvre rhumatismale après avoir travaillé un an dans une école rurale de la Grande-Bretagne. La maladie ne la freina pas bien longtemps et Margaret, que l’on décrivit plus tard comme une femme d’une « énergie singulière, tant mentale que physique », partit en Amérique du Sud. Elle était fiancée depuis 1864 à un dénommé Fox, rencontré en Angleterre, et qu’elle alla rejoindre en décembre 1866 à Coquimbo, au Chili, où ils se marièrent peu de temps après. Margaret Fox ouvrit une école pour enseigner l’anglais aux enfants de Coquimbo.
En 1876, Mme Fox se retrouva veuve avec quatre jeunes enfants à sa charge. L’enseignement devint sa principale source de revenu, mais, après s’être démenée pendant trois ans, elle « fut en proie à un épuisement nerveux ». Ce n’est peut-être pas un pur hasard si sa santé s’améliora lorsqu’elle épousa David Jenkins en 1879. Il semble qu’un scénario eut tendance à se reproduire dans sa vie : travail acharné, maladie, puis guérison à la suite d’un mariage. Son travail ultérieur de pionnière du mouvement féministe semble aller à l’encontre de cette tendance à se marier pour retrouver la sécurité, mais Mme Jenkins se disait probablement que les femmes avaient besoin de plus de possibilités et d’indépendance qu’elle-même n’en avait eu. Son intérêt personnel ne serait pas sa seule motivation pour militer en faveur des droits des femmes. « J’estime que les femmes devraient être moins centrées sur elles-mêmes [lorsqu’elles] travaillent dans le secteur public », dirait-elle plus tard. Il semble qu’elle ait trouvé un équilibre entre les modèles traditionnels féminins d’abnégation, de piété et de dévouement maternel, les idéaux politiques et sociaux qui l’incitèrent à prendre part à la réforme sociale, aux mouvements de revendication des droits des femmes et à la politique municipale.
Le 30 avril 1882, M. et Mme Jenkins, accompagnés de leurs enfants respectifs et de ceux issus de leur mariage, partirent s’installer au Canada. Leur première entreprise familiale, l’exploitation d’une ferme dans l’île Salt Spring en Colombie-Britannique, se solda par un échec au bout d’un an et ils partirent s’installer à Victoria. Margaret Jenkins ne tarda pas à mettre sa formidable énergie au service de diverses causes.
Entre 1883 et 1921, Mme Jenkins fut membre de la Cymmrodorian Society du pays de Galles, du comité féminin d’aide de la congrégation méthodiste Metropolitan, de la section de Victoria du Women’s Conservative Club, de la Home Nursing Society, des dames auxiliaires de la Young Men’s Christian Association, et du Women’s Canadian Club, dont elle fut présidente de 1912 à 1921 ; elle occupa aussi d’autres fonctions au sein de ces organismes. La Woman’s Christian Temperance Union et le Local Council of Women furent toutefois les deux groupes auxquels elle se dévoua le plus. Encouragées par la visite d’une militante américaine de la tempérance, Frances Elizabeth Caroline Willard, des femmes de Victoria se regroupèrent en juillet 1883 pour mettre sur pied une section de la Woman’s Christian Temperance Union. Margaret Jenkins participa au congrès, devint membre de la section, puis secrétaire d’administration pour la section provinciale, créée au même moment. En 1883 et en 1884, elle fut l’hôtesse d’un grand nombre de réunions dans sa demeure, et participa, en mai 1884, au comité de programmes chargé de planifier le deuxième congrès provincial sur la tempérance prévu le mois suivant. Mme Jenkins fut nommée organisatrice pour l’île de Vancouver à l’assemblée de juin. La Woman’s Christian Temperance Union mit en œuvre un programme visant à distribuer des livres et des tracts, à faire publier des articles dans les journaux, et à exhorter les organismes locaux à interdire la consommation d’alcool dans leurs réunions. Les membres de la Woman’s Christian Temperance Union virent un lien entre leur rôle dans les activités de tempérance et le droit de vote des femmes. Au milieu des années 1880, Margaret Jenkins et Mme Anne Cecilia Spofford [McNaughton*] « parcoururent la ville [...] dans le but d’inciter les femmes de Victoria à aller voter et, par conséquent, à montrer leur appréciation de leur privilège [de voter] aux élections [municipales] ». En 1887–1888, Mme Jenkins était vice-présidente de la Woman’s Christian Temperance Union de la Colombie-Britannique et devint, en 1900, présidente de la section de Victoria.
Dès 1897, Margaret Jenkins fut membre du Local Council of Women of Victoria and Vancouver Island [V. Edith Perrin*], pour lequel elle travaillerait comme secrétaire archiviste de 1904 à 1910 et vice-présidente de 1911 à 1914. Elle devint la candidate du conseil pour le poste d’administratrice scolaire aux élections municipales de 1897, et milita en faveur de « l’instruction scientifique obligatoire sur la tempérance ». Elle fut la troisième femme à devenir administratrice scolaire à Victoria, poste qu’elle occupa en 1897, en 1898, et de 1902 à 1919. Elle visita à ce titre des écoles dans tout le Canada et instaura en 1912 un cours spécial pour les jeunes déficients intellectuels dans les écoles de Victoria. Elle contribua également à la création de programmes d’économie domestique. Après avoir quitté le conseil scolaire en 1919, elle continua d’occuper un rôle de conseillère honoraire pour le comité d’économie domestique. Une nouvelle école publique construite en 1914 à Victoria fut appelée la Margaret Jenkins School en l’honneur de son travail. Lorsqu’elle prit sa retraite en 1921, des organismes féminins locaux donnèrent une réception à laquelle participèrent 400 femmes. Elles rendirent hommage à ses « capacités extraordinaires de chef, à son charme exquis et à sa vision à long terme hors du commun ». Son amie et réputée consœur suffragette Emmeline Pankhurst déclara que le Canadian Club avait bénéficié d’une présidente « dont les capacités, si elle avait été un homme – ce qui aurait été une perte énorme pour la condition féminine –, lui auraient valu n’importe quelle carrière au sein de l’Empire ou au Canada ». Sa petite-fille relata que, même après s’être retirée de la vie publique, Mme Jenkins continua de consacrer de nombreuses heures à visiter les anciens combattants dans les hôpitaux.
Bien que Margaret Townsend Fox Jenkins ait affirmé souvent que la maison et la famille étaient ses priorités et que le rôle de mère constituait la tâche la plus importante d’une femme, elle mena une existence sur la scène publique au cours de laquelle il fut rarement question de ses enfants et de son mari. À 79 ans, soit deux ans après avoir pris sa retraite, elle fut terrassée par une crise cardiaque et décéda à son domicile. « L’on se souviendra d’elle comme l’une des personnes les plus […] influentes du mouvement de la femme nouvelle », put-on lire dans le Daily Colonist. Sa vie, animée à la fois par les idéaux du xixe siècle concernant le rôle de la femme et par un engagement social axé sur le changement et la promotion de la « femme nouvelle » au xxe siècle, montre avec éloquence les contradictions de son époque.
BCA, MS-1961 ; MS-2227 ; MS-2818.— Daily Colonist (Victoria), 1er, 4, 6 juill. 1883, 11 juill. 1885, 14 mai 1897, 16, 26 oct. 1921, 7 juin 1923, 17 août 1971.— Victoria Daily Times, 6, 19 oct. 1921, 7 juin 1923.— Elizabeth Forbes, Wild roses at their feet : pioneer women of Vancouver Island ([Victoria], 1971).— Lyn Gough, As wise as serpents : five women & an organization that changed British Columbia, 1883–1939 (Victoria, 1988).— In her own right : selected essays on women’s history in B.C., Barbara Latham et Cathy Kess, édit. (Victoria, 1980).— Woman’s Christian Temperance Union of British Columbia, Silver anniversary of the provincial Woman’s Christian Temperance Union of British Columbia, 1883–1908 [...] (Victoria, 1908 ; copie aux BCA, Northwest coll.).
Melanie Buddle, « TOWNSEND, MARGARET (Fox ; Jenkins) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/townsend_margaret_15F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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