TONGE, GRIZELDA ELIZABETH COTTNAM, poète, née vers 1803 à Windsor, Nouvelle-Écosse, troisième enfant de William Cottnam Tonge et d’Elizabeth Bonnell ; décédée le 19 mai 1825 dans la colonie de Demerara (Guyana).

On connaît peu de détails sur la vie de Grizelda Elizabeth Cottnam Tonge, mais on peut en arriver à quelques conclusions générales d’après le genre de milieu social et culturel dans lequel elle grandit. Elle naquit et passa la majeure partie de sa courte vie à Windsor, retraite de campagne fréquentée par nombre de familles distinguées de la Nouvelle-Écosse et siège du King’s College, qui fut la première université de la colonie. Après Halifax, c’est à Windsor que se trouvait la société la plus raffinée et la plus élégante de la Nouvelle-Écosse. De plus, il existait dans la famille de Grizelda Tonge une solide tradition intellectuelle et littéraire : son père était un orateur réputé tandis que sa grand-mère, Martha Grace Cottnam (Tonge), et son arrière-grand-mère, Déborah How* (Cottnam), écrivaient de la poésie avec un certain talent. Sa formation scolaire fut probablement négligeable, mais il n’y a pas de doute qu’elle fut élevée dans une atmosphère distinguée qui favorisait l’acuité intellectuelle et la sensibilité artistique, tout en encourageant le respect des conventions sociales et l’accomplissement des devoirs ménagers, ainsi qu’il seyait à une demoiselle de bonne famille. Tout ce qu’on sait de son apparence extérieure provient de comptes rendus écrits après sa mort. Joseph Howe*, dont les commentaires sont fondés sur le témoignage de quelqu’un qui l’avait connue, la décrit ainsi : « à peu près de taille moyenne, des cheveux et des yeux foncés, une allure remarquablement élégante et gracieuse, un visage rayonnant de douceur et d’intelligence ».

Au printemps de 1825, Grizelda Tonge quitta la Nouvelle-Écosse en bateau pour aller rejoindre son père dans les Antilles. Il s’était rendu là en 1808, avec l’expédition du lieutenant-gouverneur sir George Prevost* contre la Martinique, et il s’était par la suite établi dans la colonie de Demerara. Grizelda Tonge mourut d’une fièvre tropicale peu après son arrivée, laissant pour héritage littéraire quelques courts poèmes. Son importance dans la littérature de la Nouvelle-Écosse ne réside cependant pas dans sa poésie, mais plutôt dans ce qu’elle vint à symboliser pour une génération d’écrivains néo-écossais préoccupés par la création d’une culture littéraire qui leur serait propre. Après sa mort prématurée, Grizelda Tonge apparut comme le type même de la jeune poète, belle et talentueuse, terrassée tragiquement à l’instant où son talent commençait à s’épanouir. Elle symbolisait par conséquent à la fois la promesse d’une littérature néo-écossaise et la fragilité de tels génies au milieu des dures réalités de la vie coloniale du xixe siècle. Cette perception qu’on avait de Grizelda Tonge était en partie fondée sur son poème intitulé Lines composed at midnight [...] occasioned by the recollection of my sisters, écrit pendant son voyage vers les Antilles. La description des sentiments qu’elle éprouvait du fait qu’elle était séparée de ses sœurs apparaît presque comme une prémonition de sa mort inattendue mais imminente.

Je suis portée par la mer puissante
Et suis entourée de dangers.
Où êtes-vous mes sœurs, fleurs charmantes ?
Encore attachées à la mère plante,
Sur le sol où vous êtes nées.
Puissiez-vous longtemps croître ainsi unies
Et connaître toujours une douce félicité
Tandis que vous vous épanouissez.
Et elle, gracile branche qui fléchit,
Quand Dieu jugera bon qu’elle plie,
Je sais qu’il relèvera ses fleurs tombées
Et les entraînera vers le Paradis.

La sensibilité manifeste que révèle ce poème frappa l’imagination des jeunes auteurs de la Nouvelle-Écosse qui, soucieux de la qualité de la vie dans leur province, cherchaient à créer une littérature typiquement néo-écossaise, laquelle ferait partie intégrante de leur milieu social et culturel.

C’est Maria Morris qui donna à Grizelda Elizabeth Cottnam Tonge son titre particulier de « chantre extrêmement doué de l’Acadie », dans un poème élégiaque paru après que la nouvelle de la mort de la jeune fille eut atteint Halifax :

L’Acadie sur ta jeune tombe
Errera et déplorera le funeste destin
Qui lui prit son chantre parti de loin
Pour le mêler à une argile étrangère.

Mais c’est Joseph Howe qui exprima le mieux son importance dans le monde de l’imaginaire. Dans « Western rambles » paru en 1828 dans le Novascotian, or Colonial Herald, Howe devint lyrique en évoquant Grizelda Tonge qui, ignorant son destin, faisait route vers les Antilles : « Oh ! Dieu ! [quel malheur] qu’une créature si jolie et exquise, si pleine de pensées élevées et pures, si rayonnante de jeunesse et de beauté virginale ait été précipitée dans la tombe [...] Mais [...] elle ne mourra pas, tant que l’Acadie aura une corde à la lyre ou une âme sœur pour mêler le souvenir [de Grizelda] à ses notes argentées. » Beaucoup plus tard, en 1845, dans un article que publia le Novascotian sous le titre de « Nights with the muses [...] », Howe souligna en ces termes l’importance symbolique de Grizelda dans la vie culturelle de la colonie : « Il y a quelqu’un [...] qui, à peu de chose près, n’a laissé à son pays natal que la tradition d’une âme douce et d’une grande imagination poétique enchâssées dans un corps d’une beauté exquise. Pendant vingt ans, dans nos moments de liberté littéraire et d’abandon poétique, Grizelda Tonge s’est tenue devant nous encore et encore, comme pour nous engager à concrétiser par le langage les impressions que nous avaient faites en 1825 la publication d’une ou deux de ses œuvres et tout ce que nous avions pu apprendre sur elle en questionnant de façon pressante ceux qui l’avaient connue. »

Thomas B. Vincent

Quelques poèmes de Grizelda Elizabeth Cottnam Tonge ont été publiés dans les journaux et les revues de la Nouvelle-Écosse, mais la plupart l’ont été après sa mort. Une ode intitulée To my dear grandmother, on her 80th birthday parut dans l’Acadian Recorder du 5 mars 1825 ; le poème n’est pas signé mais une lettre qui le précède le décrit comme l’œuvre d’« une jeune femme de Windsor ». Ce poème fut réimprimé par la suite dans la quatrième livraison de l’article de Joseph Howe, « Nights with the Muses [...] », Novascotian, 16 juin 1845, et dans l’hommage qu’on lui fit dans une série d’articles anonymes « Half hours with our poets », Provincial : or Halifax Monthly Magazine, 1 (1852) : 45–49, 273. L’écrit de Tonge, Lines composed at midnight, on my passage to the West Indies, occasioned by the recollection of my sisters, a aussi été publié sous différents titres dans plusieurs articles dont « Half hours with our poets » et la cinquième livraison de « Nights with the Muses [...] », Novascotian, 23 juin 1845, de Howe. Après sa mort, une version de ce poème a été publiée sur une feuille qui ne comporte aucune date ou lieu de publication ; un exemplaire se trouve aux PANS, MG 100, 204 : 3–4.

L’article de Howe du 23 juin 1845 reproduit également un bon nombre de ses poèmes manuscrits, dont : A hymn of praise et deux élégies, Lines [...] composed in the churchyard of Windsor, N.S. [...] ; et Extempore lines, occasioned by seeing the corpse of Mary, youngest daughter of the Hon. James Fraser [...]. Les manuscrits de certains poèmes de Tonge dont Hymn of praise et Lines composed at midnight, se trouvent parmi les papiers de Joseph Howe conservés à l’Harvard College Library, Houghton Library, Harvard Univ. (Cambridge, Mass.), ms Can. 58 (mfm aux PANS).

Parmi les témoignages parus après la mort de Grizelda Tonge, notons : l’élégie de Maria Morris, Verses occasioned by the death of a young lady, publiée sous le pseudonyme M dans l’Acadian Recorder, 9 juill. 1825 (précédait la nécrologie parue dans le numéro du 16 juill.) ; l’article de Peter & Paul, « Characteristics of Nova Scotia, no 1 », Acadian Magazine (Halifax), 1 (1826–1827) : 433–435 ; ceux de Joseph Howe, «Western rambles », parus sans signature dans le Novascotian, or Colonial Herald, 14 août 1828, et « Nights with the muses [...] », les quatrième et cinquième livraisons ; la série d’articles anonymes « Half hours with our poets ».

D’autres renseignements sur la famille Tonge proviennent des documents de l’Église épiscopale de la paroisse Trinity de Digby, en Nouvelle-Écosse, déposés aux PANS, MG 4, 23. Mme Judith Tulloch, de Halifax, que nous tenons à remercier chaleureusement, a fourni des informations généalogiques tirées de la correspondance de la famille Tonge.  [t. b. v.]

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Thomas B. Vincent, « TONGE, GRIZELDA ELIZABETH COTTNAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tonge_grizelda_elizabeth_cottnam_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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