THIBAULT (Thibaud, Thebo), JEAN-BAPTISTE, prêtre séculier catholique, missionnaire, fondateur de la mission du lac Sainte-Anne (Alta), né le 14 décembre 1810 à Saint-Joseph-de-Lévis, fils de Jean-Baptiste Thibault et de Charlotte Carrier, décédé le 4 avril 1879 à Saint-Denis-de-la-Bouteillerie (comté de Kamouraska).

Fils d’un cultivateur, Jean-Baptiste Thibault fit ses études classiques et théologiques au séminaire de Québec, où il fut admis au sous-diaconat le 31 mars 1833. Le 28 avril, il partait pour le Nord-Ouest. Contrairement à plusieurs de ses devanciers, il n’eut aucune dette à payer avant son départ. Pourtant la famille Thibault n’était guère à l’aise, si les sommes d’argent que l’évêché envoya assez souvent dans la suite à son père en sont une indication.

Pendant le trajet, le missionnaire fut plusieurs fois scandalisé du comportement de l’équipage. N’arrivant pas lui-même à obtenir le silence ou à susciter des propos mieux choisis, il s’en plaignit au capitaine. Il était robuste, pourtant, mais sa timidité l’empêchait de s’imposer à ceux qui le provoquaient. On prendra cette timidité pour de la fierté quand Thibault, se sentant mal à l’aise avec les employés, refusera plus tard l’hospitalité des postes de la Hudson’s Bay Company. Arrivé à Saint-Boniface en juin 1833, il commença l’étude du cri et du sauteux. Le 8 septembre, Mgr Joseph-Norbert Provencher* l’ordonna prêtre.

Deux ans plus tard, en l’absence de l’évêque, Thibault se montra sage et habile administrateur des missions de l’Ouest. La construction de la cathédrale de Saint-Boniface progressa et le rendement de la ferme appartenant à la mission augmenta. Il se révéla bon prédicateur, sans avoir le verbe trop dru. Surtout il expliquait bien ; Mgr Provencher appréciait cette qualité, lui qui estimait nécessaire qu’on christianise les Indiens par la persuasion et non « à la manière protestante », par des cadeaux. Les ministres des différentes confessions s’accusaient ainsi de faire la traite des âmes.

Aussi, en 1842, à la demande des Indiens et des Métis, Mgr Provencher l’envoya-t-il comme missionnaire à travers la prairie jusqu’aux montagnes Rocheuses. L’évêque prit cette décision à l’insu de la compagnie qui avait refusé d’approuver son projet ; Thibault, pourtant, répondait à l’exigence de la compagnie qui préférait les missionnaires canadiens aux français. Son premier voyage dura six mois, pendant lesquels Thibault, prudemment, voyagea à cheval à travers la plaine jusqu’à Edmonton House – premier missionnaire catholique ou protestant à adopter ce mode de transport. Charmé de la politesse et de l’accueil bienveillant des commandants des forts de la compagnie, il évangélisa Canadiens, Indiens et Métis qui venaient à lui. Il reçut les Pieds-Noirs, qu’il décrivit ainsi : « Ces sauvages [...] sont fort propres, et très bienveillants envers les blancs ; mais ils sont la terreur de leurs ennemis à peau rouge, par leur nombre, leurs qualités belliqueuses, et surtout par leur rapacité. Ils n’ont qu’une idée fort imparfaite de la divinité. » Prélude au rayonnement du catholicisme dans le nord-ouest de l’Amérique, ce voyage porta fruit : Thibault conféra 353 baptêmes et bénit 20 mariages, en plus d’acquérir une meilleure connaissance des besoins religieux de cette vaste région.

Pendant 10 ans, le missionnaire œuvra discrètement, sans déployer un zèle excessif, visitant les lieux de rendez-vous des Indiens et des Métis. Thibault fut sans doute le premier missionnaire catholique à se rendre dans plusieurs postes de la compagnie et dans plusieurs lieux où les oblats allaient plus tard établir des missions [V. Eynard ; Reynard]. Toutefois, on ne lui reconnaît unanimement qu’une fondation, la mission du lac Sainte-Anne. Les Cris avaient l’habitude de séjourner dans cet endroit qu’ils appelaient le lac du Diable ; Thibault lui substitua le nom de Sainte-Anne. Il s’y arrêta en 1842 et en 1843, mais ce n’est qu’à l’été de 1844 qu’on y construisit une maison pour le missionnaire.

En 1852, pour faire suite à la demande de Thibault de rentrer au Québec, Mgr Provencher le rappela à la Rivière-Rouge. Toutefois, à l’arrivée de Thibault à Saint-Boniface, comme il n’y avait personne pour desservir la région, Provencher lui demanda d’y rester. Ce qu’il fit, ne retournant dans le diocèse de Québec qu’en 1868.

Se trouvant à Québec à l’automne de 1869, Thibault y reçut la visite d’Hector-Louis Langevin* qui lui demanda de se rendre à la Rivière-Rouge comme envoyé du gouvernement canadien. On croyait à la grande influence de Thibault sur les Métis. Certains d’entre eux venaient d’interdire l’entrée dans la colonie de William McDougall*, nommé par le gouvernement canadien lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest. Par cette action les Métis et leur chef, Louis Riel*, entendaient forcer le gouvernement fédéral à négocier avec eux les termes de leur union avec le Canada. De concert avec Charles-René-Léonidas d’Irumberry* de Salaberry, Thibault devait les rassurer sur l’intention d’Ottawa de respecter leurs droits et de ne pas les traiter en peuple conquis, et les convaincre de mettre bas les armes [V. sir John Young]. Un troisième délégué, Donald Alexander Smith*, devait pour sa part tranquilliser les administrateurs de la compagnie et discuter avec tout « le peuple de la Rivière-Rouge » des conditions de son entrée dans le dominion. Le premier ministre, John A. Macdonald*, jugeant Thibault « un vieux Canadien français intelligent » et « un vieux gentilhomme clairvoyant et aimable », était d’avis que s’il n’accomplissait rien de particulier, du moins ne commettrait-il pas d’impair puisqu’il connaissait le pays et était favorable au gouvernement canadien. Réservé et prudent, Thibault était à l’aise à l’arrière-plan, et c’est là que les circonstances le reléguèrent lors de sa mission gouvernementale.

Salaberry étant resté à Pembina, Thibault arriva seul dans l’Ouest le 25 décembre. Sur l’ordre du gouvernement provisoire récemment proclamé, Thibault fut conduit à l’évêché de Saint-Boniface où on le surveilla afin qu’il ne s’immisçât pas dans les affaires politiques. Le 6 janvier 1870, Louis Riel et son conseil reçurent Thibault et Salaberry qui venait d’arriver. « De suite, nous fîmes part de nos instructions à Mr le Président [Riel] et à son conseil, relate Thibault, et ils les prirent en considération. » Cependant, aucun commentaire ne leur parvint et, quatre jours plus tard, Thibault écrivit au gouvernement provisoire pour s’enquérir des conditions exigées par la colonie advenant son union au Canada, « afin que nous puissions, dit-il, les soumettre à l’examen du Gouvernement qui nous a envoyé ». Le lendemain le conseil lui répondit que les documents qu’ils avaient soumis ne leur conféraient pas les pouvoirs nécessaires pour conclure une entente. Le 13 janvier, le conseil exprima de vive voix cet avis à Thibault et à Salaberry. Selon le commissaire D. A. Smith, Thibault cessa dès lors d’être utile. En général, les historiens s’accordent à dire qu’il n’eut pas d’influence sur le cours des événements. Smith écrivit cependant que, sans les démarches de Thibault pendant la nuit du 19 au 20 janvier, lui-même aurait réussi à tout régler dès ce moment. Pendant cette nuit, au dire de Smith, Thibault contribua à resserrer les rangs des manifestants, qui avaient tenu des assemblées publiques pendant la journée, que l’argent et les promesses de Smith avaient réussi à briser. Par la suite, la position de Riel se raffermit, il devint officiellement président du gouvernement provisoire, dont les bases furent élargies. Puis des délégués furent envoyés à Ottawa pour négocier l’entrée de la colonie de la Rivière-Rouge dans la Confédération [V. John Black]. Thibault ne serait-il pas en partie responsable de ce revirement ? Dans son rapport, il dit avoir eu « à parlementer avec les chefs et avec le peuple, mais toujours par des entretiens [en] tête-à-tête vu que c’était à [son] avis le meilleur et probablement le seul moyen de faire quelque chose de bon ».

Thibault devait demeurer encore deux ans à la Rivière-Rouge, desservant la paroisse de Saint-François-Xavier, puis acceptant en 1871 le poste de vicaire général du diocèse. L’automne suivant, il revint définitivement dans l’Est et fut chargé successivement des paroisses Sainte-Louise (comté de L’Islet) et Saint-Denis-de-la-Bouteillerie.

Homme peu ambitieux, Thibault préférait travailler dans une paroisse où il pouvait suivre les directives d’un évêque, car il n’aimait pas diriger lui-même. S’il passa la plus grande partie de sa vie dans le diocèse de Saint-Boniface, il jugea cependant, dès 1856, que les prêtres séculiers devaient se retirer de cette région. Comme missionnaire, Thibault ouvrit le chemin vers l’ouest et le nord de l’Amérique ; comme émissaire gouvernemental, il défendit les intérêts de ceux qu’il devait pacifier.

Lionel Dorge

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Lionel Dorge, « THIBAULT (Thibaud, Thebo), JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/thibault_jean_baptiste_10F.html.

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Auteur de l'article:    Lionel Dorge
Titre de l'article:    THIBAULT (Thibaud, Thebo), JEAN-BAPTISTE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    1 décembre 2024