THÉRIAULT, LÉVITE, fonctionnaire, juge de paix, officier de milice et homme politique, né le 14 mai 1837 dans la paroisse Saint-Basile, Nouveau-Brunswick, fils de François-Régis Thériault et de Julie Ringuet ; le 13 janvier 1875, il épousa à Kamouraska, Québec, Eugénie Lebel (morte en 1877), et ils eurent deux fils, puis le 11 février 1878 à Lévis, Québec, Marie-Luce-Eugénie Patry (Paltry), veuve d’Octave Marchand, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 2 décembre 1896 à Grand-Ruisseau, comté de Madawaska, Nouveau-Brunswick.

Fils unique d’un fermier prospère qui était également capitaine de milice, juge de paix et propriétaire d’un moulin, Lévite Thériault fit ses études au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, dans le Bas-Canada, avant de commencer sa carrière dans l’administration locale. Commissaire d’école à Saint-Basile en 1854, il fut ensuite nommé ou élu à divers postes avant de devenir juge de paix le 21 septembre 1865. En 1866, il accéda au grade de lieutenant dans la milice et devint secrétaire de la Victoria County Agricultural Society. La mort de son père en 1867 en fit l’un des Acadiens les plus riches de la région du Madawaska.

À la mort de Vital Hébert, qui avait représenté Victoria à la chambre d’Assemblée durant une session, Thériault obtint l’aide du député fédéral de la région, John Costigan*, et fut élu deuxième député de Victoria le 3 janvier 1868. Il participa au comité sur les questions agricoles, mais parla rarement à la chambre, n’y présenta que deux projets de loi à caractère local et vota toujours du côté du pouvoir.

Réélu en 1870, Thériault continua d’appuyer le gouvernement, et se trouva isolé de la plupart des autres députés catholiques et acadiens en votant pour le Common Schools Act de 1871, en vertu duquel l’argent d’une taxe générale ne serait versé qu’aux écoles non confessionnelles. Thériault n’expliqua jamais ses motifs. Il croyait peut-être que la loi permettrait d’améliorer l’enseignement dans les régions habitées par des Acadiens, ou encore qu’en appuyant constamment le gouvernement, il obtiendrait plus d’argent pour Victoria. Dans ce cas particulier, son appui lui valut de l’avancement pour lui-même, car le premier ministre provincial George Luther Hatheway* le nomma ministre sans portefeuille en juillet 1871.

Si certains Acadiens et le journal anglais de son comté furent d’accord avec Thériault, les tenants de l’école confessionnelle l’attaquèrent sauvagement dans le Moniteur acadien, et toutes les paroisses acadiennnes de sa circonscription demandèrent le retrait de la loi. Devant cette opposition croissante, Thériault démissionna du Conseil exécutif en février 1872, prétextant qu’on l’avait mal renseigné sur les effets de la loi, effets que des députés catholiques avaient pourtant bien annoncés au cours des débats de l’année précédente. Pendant la session suivante, Thériault vota avec les catholiques opposés à la loi.

Thériault regagna bientôt son influence dans son comté, et même si la nouvelle circonscription de Madawaska, séparée de Victoria en 1873, comprenait une majorité d’électeurs catholiques francophones, il en devint le représentant à la chambre d’Assemblée en 1874. Le compromis accepté par le gouvernement avait sauvé le crédit politique de Thériault. Après l’adoption du Common Schools Act, toutes les écoles de Saint-Basile avaient fermé leurs portes faute d’argent mais, aux élections de 1874, certains paroissiens avaient reconnu la nécessité d’assumer leur part des frais, et les écoles rouvraient maintenant grâce à des subventions gouvernementales, dont une allocation spéciale d’éloignement. Généreusement aidées par l’argent personnel de Thériault, les autorités religieuses avaient rouvert le couvent en 1873. De plus, le Free Grants Act de 1872 avait offert à la colonisation 115 000 acres dans le Madawaska. Thériault était manifestement capable de répondre aux besoins de la région. En 1875, on le consulta sur le compromis selon lequel l’Église pourrait exercer une certaine influence dans les écoles publiques et, trois ans plus tard, il fut réélu avec une forte majorité. Comme il souhaitait devenir conseiller législatif en 1880, il demanda l’appui de Pierre-Amand Landry*, qui lui répondit de rester à l’Assemblée où son siège lui paraissait assuré.

À la fin des années 1860 et au début des années 1870, Thériault avait consolidé sa situation de riche propriétaire foncier en achetant plusieurs terres de la couronne et concessions forestières. Fondateur et lieutenant-colonel du 1er bataillon de milice de Madawaska, conseiller municipal, il jouissait d’une grande influence dans la collectivité. Il était cependant largement tenu à l’écart de la « renaissance » acadienne, qui avait pris source au collège Saint-Joseph de Memramcook, fondé en 1864 par le père Camille Lefebvre. Les promoteurs de ce mouvement le considéraient comme un traître et estimaient avoir peu en commun avec les lointains Acadiens du Madawaska, plutôt tournés vers le Québec et les États-Unis. En 1880, Thériault fit apparemment partie du comité sur les questions acadiennes au congrès de la Société Saint-Jean-Baptiste à Québec, mais il ne joua aucun rôle dans les travaux de ce comité et ne figura pas parmi les délégués qui déclarèrent être des représentants acadiens. Même s’il avait envoyé ses fils à Saint-Joseph et s’il continuait vraisemblablement de s’intéresser au mouvement du congrès, puisqu’en 1890 il était membre du comité organisateur de la prochaine assemblée, le Moniteur acadien n’en parlait pas moins en termes peu flatteurs.

Après le décès de sa première femme en 1877, Thériault s’était remarié à une riche veuve de Fraserville (Rivière-du-Loup, Québec). C’est là qu’il vivait en 1881 et, selon le Moniteur acadien, il était à la fois membre du conseil municipal de Saint-Basile et de celui de Fraserville. La vigoureuse campagne que ce journal mena contre lui contribua peut-être à lui faire perdre son siège de Madawaska, par une voix, en 1882. Jusqu’à cette défaite, Thériault avait fait partie du comité sur les questions agricoles de l’Assemblée, soit durant 14 ans. Revenu à Saint-Basile, il fut réélu en 1886, ce qui lui donna la confiance nécessaire pour démissionner et se porter candidat dans Victoria aux élections fédérales de l’année suivante. Défait par le député sortant, son ancien protecteur John Costigan, ministre du Revenu de l’intérieur qui s’était fermement opposé à la loi sur les écoles publiques, Thériault se porta candidat à l’élection partielle nécessitée par sa propre démission et redevint député à l’Assemblée. Par la suite, il réussit très bien à faire en sorte que le gouvernement verse de l’argent dans sa circonscription, ce que même la presse francophone reconnut. Réélu en 1890, il défendit les intérêts gouvernementaux et locaux, et ses années tranquilles à l’Assemblée ne furent marquées que par un voyage à la Jamaïque où il représenta la province à l’exposition de 1891. Il démissionna en 1894 pour accepter des charges publiques dans le comté ; à sa mort, il était registrateur du comté de Madawaska et secrétaire-trésorier du conseil municipal.

Lévite Thériault est un symbole du pouvoir politique grandissant des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Troisième Acadien à devenir député – après Amand Landry* et Vital Hébert –, premier à devenir ministre, il avait bien défendu les intérêts économiques du nord-ouest de la province et avait été l’un de ceux qui, à son époque, avaient siégé le plus longtemps à l’Assemblée. Pourtant, il demeurerait méconnu. Contrairement à Pierre-Amand Landry, Lévite Thériault était un piètre orateur et on ne sut jamais très bien ce qu’il pensait. Parce qu’il était né dans le Madawaska et qu’il avait étudié à l’extérieur de la province, il était exclu du groupe des diplômés de Saint-Joseph qui façonnaient l’avenir politique des Acadiens. De plus, en appuyant la loi sur les écoles publiques, il s’était isolé de la plupart des catholiques de son temps et s’aliénerait les prêtres historiens, qui furent les premiers à écrire sur les progrès politiques des Acadiens.

Sheila Andrew

AN, RG 31, C1, 1861, 1871, Victoria County ; 1871, Fraserville ; 1881, 1891, Madawaska County.— ANQ-Q, CE1-22, 19 nov. 1866 ; CE1-100, 11 févr. 1878 ; CE3-3 (mfm aux AN).— APNB, MC 1156 ; RG 4, RS24 ; RG 7, RS73, A, 1867, F.-R. Thériault ; RG 18, RS152 ; RS158, A2–3.— Arch. paroissiales, Saint-Basile-de-Madawaska (Saint-Basile, N.-B.), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures (mfm aux APNB).— CEA, Fonds P.-A. Landry, 5-1-1 (P.-A. Landry à Thériault, 29 avril 1880).— N.-B., Dept. of Natural Resources, Lands Branch (Fredericton), Indexes to crown land sales, 1856–1857, 1868–1869, 1871, 1874 (mfm aux APNB) ; House of Assembly, Journal, 1867–1892 ; Legislative Assembly, Journal, 1893–1896.— Carleton Sentinel (Woodstock, N.-B.), 1871–1872.— L’Évangéline (Digby, N.-É. ; Weymouth Bridge, N.-É.), 1889, 1893–1894, 1896.— Le Moniteur acadien (Shédiac, N.-B.), 1871–1872, 1882–1896.— Thomas Albert, Histoire du Madawaska d’après les recherches historiques de Patrick Therriault et les notes manuscrites de Prudent L. Mercure (Québec, 1920).— Conventions nationales des Acadiens, Recueil des travaux et délibérations des six premières conventions, F.-J. Robidoux, compil. (Shédiac, 1907).— D. M. M. Stanley, Au service de deux peuples : Pierre-Amand Landry (Moncton, 1977).

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Sheila Andrew, « THÉRIAULT, LÉVITE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/theriault_levite_12F.html.

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Auteur de l'article:    Sheila Andrew
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    28 novembre 2024