THEAKER, JOHN WESLEY, conducteur de tramway, chef syndical et facteur, né le 21 septembre 1866 dans le canton de Glanford, Haut-Canada, fils de Charles Theaker, fermier, et de Mary Ann Mills ; le 20 mai 1891, il épousa à Hamilton, Ontario, Mary Elizabeth Evans, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé dans cette ville le 3 novembre 1915.

Ce fut probablement la perspective d’un emploi qui amena John Wesley Theaker à quitter la ferme familiale de Glanford pour s’installer dans la ville voisine, Hamilton. Vers 1891, quand la Hamilton Street Railway Company l’engagea comme conducteur de tramway, elle exploitait encore des voitures hippomobiles ; l’année suivante, elle entreprit d’électrifier son réseau. Mécontents des quarts de travail irréguliers, des longues heures et des bas salaires, 51 des 80 employés, dont Theaker, formèrent une « association pour leur protection et leur bénéfice mutuels » quelques mois après l’annonce de cette modernisation. Un certain nombre d’employés se mirent en grève le 7 septembre 1892, mais le conflit se régla rapidement.

En avril 1899, sous l’impulsion, semble-t-il, d’une grève des tramways à London, en Ontario, les travailleurs de la Hamilton Street Railway Company fondèrent la division 107 d’un syndicat sis aux États-Unis, l’Amalgamated Association of Street and Electric Railway Employées. Dès septembre, tous les employés de la compagnie en étaient membres. Survenue la même année, l’acquisition de la Hamilton Street Railway Company par la Cataract Power Company of Hamilton Limited [V. John Patterson] entraîna une détérioration des rapports entre le syndicat et la compagnie de tramways. John Theaker fut élu président de la division en 1904, dans un climat de plus en plus hostile.

En août 1906, après que la Cataract Power Company eut ajouté deux lignes de banlieue à son réseau urbain, le syndicat lui présenta une liste de revendications où figuraient notamment une hausse des salaires, une réduction des journées de travail et la reconnaissance du syndicat en tant que seule unité de négociation des employés de la Hamilton Street Railway Company et des lignes suburbaines. En octobre, l’arbitrage donna lieu à des recommandations qui ne satisfaisaient pas les revendications, mais le syndicat s’inclina. La compagnie réagit en réduisant la durée des quarts sur ses lignes urbaines, mais en augmentant leur intensité et en refusant les augmentations de salaire recommandées. Le 4 novembre 1906, comme la rumeur voulait que la compagnie projette de recourir à l’agence de détectives Pinkerton pour démanteler le syndicat, la division 107 se prononça en faveur de la grève. Le 8 novembre, 20 employés d’atelier se joignirent aux 160 voituriers qui avaient interrompu le travail.

Theaker fut élu chef du comité de grève. Bien qu’il ait exhorté les grévistes à « agir en bons citoyens », de violents affrontements éclatèrent après que la compagnie eut embauché des remplaçants pour conduire les tramways. Les grévistes semblaient bénéficier d’appuis nombreux dans la population ; les passagers qui montaient à bord des tramways se faisaient lancer des pierres et bon nombre de sympathisants portaient des macarons où l’on pouvait lire Nous marchons pour gagner. Une fois, 300 personnes suivirent Theaker pour entendre un organisateur recruté dans le Michigan par le syndicat, Frederick Fay, qui venait de participer à la grève des tramways à Winnipeg. Le 17 novembre, à la tête d’une délégation, Theaker se rendit à une réunion avec Clyde K. Green, directeur des transports à la Cataract Power Company. Il réclama un nouvel horaire de travail et la reconnaissance du syndicat sur toutes les lignes de la compagnie, puis fit allusion à une enquête de l’Ontario Railway and Municipal Board sur les affaires de l’entreprise. Furieux, Green somma les délégués de sortir.

Dans la soirée du 23 novembre, les choses tournèrent vraiment mal. Environ 10 000 personnes se massèrent autour de l’hôtel de ville, un tramway fut renversé, puis la foule s’en prit à des briseurs de grève, à d’autres tramways et à d’autres biens de la Hamilton Street Railway Company. Vers minuit, des miliciens à cheval, armés de sabres et de matraques, attaquèrent les manifestants. Le 28, Theaker et W. D. Mahon, président international de l’Amalgamated Association of Street and Electric Railway Employees, optèrent pour la médiation. Deux jours plus tard, l’Ontario Railway and Municipal Board rendit sa décision. La division 107 devait rentrer au travail ; quant à la compagnie, elle devait reconnaître le syndicat et hausser légèrement les salaires.

La grève avait engendré des dissensions au sein de la division. En janvier 1907, Theaker, âgé de 40 ans, fut réélu à la présidence, mais beaucoup de membres plus jeunes ne le soutenaient plus. Manifestement, ils jugeaient que le nouvel horaire établi après la grève favorisait les plus anciens. En outre, l’entente conclue par arbitrage échoua. En janvier 1908, le syndicat se plaignit au département fédéral du Travail que la Hamilton Street Railway Company et les propriétaires de lignes suburbaines ne respectaient pas les conventions et que la compagnie avait congédié Theaker le 7 janvier en l’accusant notamment d’avoir distribué des laissez-passer. John Morison Gibson*, président de la Hamilton Electric Light and Cataract Power Limited, offrit à Theaker un emploi dans cette entreprise, mais il refusa de lui redonner son poste à la Hamilton Street Railway Company. Les jeunes syndiqués firent bien savoir qu’ils ne soutiendraient pas leur président. Le 27 janvier, l’un d’eux déclara : « On ne fera pas la grève pour que Theaker retrouve sa place. Lui et d’autres vieux mènent trop les choses comme ils le veulent, et le syndicat, actuellement, est juste une clique. »

L’affaire passa devant un conseil formé en vertu de la nouvelle loi fédérale des enquêtes en matière de différends industriels. Le rapport, déposé en avril 1908, donnait raison aux compagnies, mais le représentant des employés au conseil, John George O’Donoghue, exprimait sa dissidence. Il est clair cependant que Theaker en avait eu assez du conflit avant cette date. En mars, il avait quitté la présidence du syndicat et accepté un poste de facteur au bureau de poste de Hamilton. D’abord temporaire, ce poste devint permanent en mars 1909.

Le 3 novembre 1915, John Wesley Theaker sortit de la Bank of Hamilton, où il venait de ramasser du courrier. En tentant de franchir à bicyclette l’intersection des rues King et James, il tomba. Un camion de l’armée, qui le suivait, lui passa sur la tête et le tua instantanément. Membre de la franc-maçonnerie, de l’Independent Order of Odd Fellows et de l’église méthodiste Emerald Street, Theaker fut inhumé au cimetière de Hamilton. Sa succession, d’une valeur de 10 850 $, se composait notamment de trois lots situés à Hamilton et d’une police d’assurance de la Federated Association of Letter Carriers.

Thomas H. Ferns

AN, RG 31, C1, 1871, Glanford Township, Ontario, div. 1 : 56 ; 1901, Hamilton, Ontario, Ward 7, div. 9 : 1 (mfm aux AO.— AO, RG 22-205, no 9402 ; RG 80-5-0-191, no 12950 ; RG 80-8-0-576, no 35595.— HPL, Clipping files, Hamilton – industries – Cataract Power Company ; Dominion Power and Transmission Company ; Scrapbooks, Hamilton Street Railway, vol. 1, 7.— Daily Times (Hamilton), 4 avril 1908.— Hamilton Spectator, sept–oct. 1892, août–déc. 1906, janv. 1907, janv–avril 1908, 4 nov. 1915.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1915, no 30 : 396.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1906 : 289 ; 1907 : 106.— DHB, 3.— R. L. Fraser, « We walk » : the story of the Hamilton Street Railway strike of 1906 » (mémoire de b.a., McMaster Univ., Hamilton, 1970).— Gazette du travail (Ottawa), 7 (1906–1907) : 689 ; 8 (1907–1908) : 956s., 1080, 1336–1341.— B. D. Palmer, A culture in conflict : skilled workers and industrial capitalism in Hamilton, Ontario, 1860–1914 (Montréal, 1979).

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Thomas H. Ferns, « THEAKER, JOHN WESLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/theaker_john_wesley_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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