TÊTU, CLÉOPHÉE (baptisée Françoise-Cléophée), dite Thérèse de Jésus, sœur de la charité de la Providence (sœur de la Providence), née le 3 décembre 1824 à Saint-Hyacinthe, Bas-Canada, fille de Jean-François Têtu et de Cécile Chabot ; décédée le 22 novembre 1891 à Longue-Pointe (Montréal).
Le père de Cléophée Têtu exerça sa profession de notaire à Saint-Hyacinthe où il fut aussi agent du seigneur Jean Dessaulles*. Il participa aux rébellions de 1837–1838, au point de passer plusieurs mois en exil aux États-Unis et, à son retour, de séjourner deux mois en prison. Cléophée Têtu reçut une solide éducation chrétienne chez les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Saint-Hyacinthe. Le 5 octobre 1844, elle entra chez les Filles de la charité, servantes des pauvres, communauté fondée l’année précédente à Montréal par Émilie Tavernier*, et qui prendrait plus tard le nom de Sœurs de la charité de la Providence. La jeune novice eut l’avantage de côtoyer la fondatrice et vécut la période héroïque des débuts de l’institut. Le 21 juillet 1846, elle prononçait ses vœux de religion et prenait le nom de sœur Thérèse de Jésus.
Les talents de chef et d’organisatrice de sœur Thérèse de Jésus furent rapidement reconnus. Dès 1849, elle devint officière auprès des malades de l’hospice Saint-Camille. En août de la même année, elle accéda au poste de supérieure de l’hospice Saint-Jérôme-Émilien, établissement voué à l’éducation et aux soins des orphelins. Elle fut ensuite affectée à des tâches de premier plan à l’étranger. Ainsi, en 1854, elle fonda et dirigea l’orphelinat Saint-Joseph, à Burlington, au Vermont. Après trois ans de dévouement à ce poste, un défi encore plus considérable l’attendait, la vie missionnaire à Santiago, au Chili, puis l’année suivante à Valparaiso où elle occupa un poste de direction. En 1863, elle avait consolidé les établissements qu’on lui avait confiés au Chili et elle rentra à la maison mère à Montréal.
Pendant quelques mois, sœur Thérèse de Jésus visita les pauvres et les malades, puis elle fut de nouveau nommée supérieure de l’orphelinat Saint-Joseph, à Burlington. Trois ans plus tard, elle revint à Montréal, où sa riche expérience lui valut de servir la communauté comme économe générale de 1866 à 1875. À ce titre, on la chargea de visiter et d’étudier le fonctionnement de divers hôpitaux pour aliénés aux États-Unis et en Ontario.
Émilie Tavernier avait mis sur pied dès 1845 l’œuvre des aliénés. Après le décès de cette dernière en 1851, la communauté assura le soin de ces malades dans des locaux dispersés plus ou moins appropriés. La construction d’un édifice qui centraliserait les services s’imposait. Sœur Thérèse de Jésus en surveilla la construction. Inspiré du Mount Hope Retreat Hospital de Baltimore, au Maryland, l’asile de Longue-Pointe, appelé par la suite hôpital Saint-Jean-de-Dieu, puis hôpital Louis-H. LaFontaine, fut inauguré le 6 août 1875. On nomma sœur Thérèse de Jésus supérieure de l’établissement ; dès la première année, 408 patients furent admis. La direction de l’hôpital, à cette époque où le gouvernement versait seulement 100 $ par année par malade, requérait un talent de gestionnaire peu commun. Soucieuse d’offrir la meilleure qualité de soins possible, sœur Thérèse de Jésus effectua un voyage de deux mois en Europe à l’été de 1889. Accompagnée d’une consœur, d’un avocat et de deux médecins de l’hôpital, elle visita une quarantaine d’établissements hospitaliers, parmi les plus réputés pour le soin des aliénés.
En mai 1890, sœur Thérèse de Jésus, grippée, dut affronter la plus terrible épreuve de sa vie : elle vit se consumer en quelques heures l’hôpital qu’elle n’avait cessé d’édifier en 15 ans. L’incendie fit 80 victimes et laissa 1 200 patients sans abri. Sœur Thérèse de Jésus retrouva assez de forces pour prendre les mesures d’urgence qui s’imposaient, puis veiller à l’aménagement de pavillons temporaires, suffisamment équipés. Après trois mois de travaux intenses, l’hôpital était de nouveau prêt à accueillir les malades.
Sœur Thérèse de Jésus mourut peu de temps après, le 22 novembre 1891. Les journaux montréalais, tant anglophones que francophones, publièrent des notices nécrologiques fort élogieuses. L’Étendard écrivit : « Son cœur entier doué d’une grande sensibilité se donna aux pauvres aliénés [...] Seize cents personnes sont en pleurs à St-Jean-de-Dieu. Chaque malade avait en elle une mère. Elle connaissait chacun d’eux et savait leur dire à chacun une bonne parole. » La Patrie déclara : « C’est une des grandes figures de notre scène publique qui s’en va. » Selon le Montreal Daily Star, elle était « une diplomate et une tacticienne accomplie et ce fut rarement elle qui céda dans ses relations avec le gouvernement et les hommes politiques [...] Non seulement fut-elle la première parmi les femmes dont elle partageait l’existence, mais son esprit supérieur était reconnu par tous. » Mgr Henri Têtu, qui avait connu sœur Thérèse de Jésus, a écrit qu’elle « était grande, mince et brune, avec des yeux noirs, intelligents et perçants [...] Elle avait [...] toutes les qualités d’une fourmi du bon Dieu et sa tête [...] renfermait un esprit large et profond, un véritable génie d’organisation et de gouvernement. » Cette religieuse remarquable, qui parlait trois langues et qui possédait des qualités d’administratrice reconnues, fut l’une des femmes de carrière les plus éminentes de son époque.
Cléophée Têtu, dite sœur Thérèse de Jésus et sa compagne, sœur Madeleine du Sacré-cœur [Madeleine Desjardins] ont raconté leur voyage dans un ouvrage intitulé Récit de voyage d’Europe [...] 1889 (s.l.n.d.).
ANQ-M, CE2-5, 3 déc. 1824.— Arch. des Sœurs de la Charité de la Providence (Montréal), Chroniques de l’hospice Saint-Jean-de-Dieu à Longue-Pointe ; Spécilège II : 170–175.— L’Étendard (Montréal), 23 nov. 1891.— Montreal Daily Star, 23 nov. 1891.— La Patrie, 23 nov. 1891.— Biographies des premiers supérieurs et bienfaiteurs de l’institut des Sœurs de Charité de la Providence [...] (3 vol., Montréal, 1885–1903).— Ægidius Fauteux, Patriotes de 1837–1838 (Montréal, 1950).— Adolphe Bellay, Hospice St-Jean-de-Dieu, asile de la Longue-Pointe (Montréal, 1892).— [M.-J.-L. Blanchard, dite mère Marie-Antoinette], l’Institut de la Providence : histoire des Filles de la charité servantes des pauvres, dites Sœurs de la Providence (6 vol., Montréal, 1925–1940), 4.— Henri Têtu, Histoire des familles Têtu, Bonenfant, Dionne et Perreault (Québec, 1898).
Huguette Lapointe-Roy, « TÊTU, CLÉOPHÉE (baptisée Françoise-Cléophée), dite Thérèse de Jésus », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tetu_cleophee_12F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/tetu_cleophee_12F.html |
Auteur de l'article: | Huguette Lapointe-Roy |
Titre de l'article: | TÊTU, CLÉOPHÉE (baptisée Françoise-Cléophée), dite Thérèse de Jésus |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |