TESSOUAT (Besouat), chef algonquin de l’île aux Allumettes ; circa 1603–1613.
Tessouat était probablement le Besouat qui, en tant que chef d’un groupe d’Algonquins, s’était joint aux Montagnais d’Anadabijou et aux Etchemins pour écraser une bande d’Iroquois à l’embouchure de la rivière des Iroquois (Richelieu) en 1603. Quelques jours après son arrivée dans le Saint-Laurent (le 29 mai 1603), Champlain, accompagné de François Gravé du Pont, assista aux fêtes qui marquèrent cette victoire. Tessouat (Besouat) était assis devant les femmes et les jeunes filles, entre deux perches garnies des scalps de guerriers ennemis. De temps à autre, il se levait pour parler à l’assemblée.
Comme chef, Tessouat exerçait une grande influence par suite de la position stratégique qu’occupait sa tribu dans l’île aux Allumettes, maintenant l’île Morrison, entre les lacs aux Allumettes supérieur et inférieur (près de Pembroke, en Ontario). L’île était entourée de rapides qui obligeaient à faire le portage des embarcations et qui barraient la route aux Hurons et aux autres tribus du Nord désireuses de gagner le Saint-Laurent par la rivière des Outaouais (Ottawa). La coutume indienne voulait qu’on reconnût aux autres tribus le droit de voyager et de commercer, et même les Hurons, qui étaient beaucoup plus forts, n’auraient pas songé à pousser au delà de l’île sans avoir obtenu d’abord le consentement de ses habitants ou sans avoir payé les droits requis. Tessouat avait donc virtuellement le pouvoir de réglementer le commerce sur la rivière des Outaouais.
En 1613, Champlain se rendit dans l’île de Tessouat où un Français, Nicolas de Vignau, avait passé l’hiver précédent et avait prétendu avoir poussé de là jusqu’aux rives de la « Mer du Nord » (baie d’Hudson). Champlain avait un triple but : établir des relations amicales avec Tessouat, lui promettre une aide militaire dans sa lutte contre les Iroquois et s’avancer, avec l’aide des gens de Tessouat, jusqu’au pays des Nebicerini (Népissingues), qui, selon Vignau, vivaient au bord de la mer du Nord.
Un festin eut lieu chez Tessouat. Puis un conseil d’anciens se réunit ; après avoir « beaucoup fumé » en silence pendant une demi-heure, on étudia la requête de Champlain qui voulait se faire conduire jusqu’au pays des Nebicerini. On rejeta cette demande et, bien qu’ils aient invoqué divers motifs, les Indiens de l’ « île » établirent alors une ligne de conduite dont ils ne devaient jamais s’écarter et qui consistait à entraver l’avance des Français vers d’autres tribus afin de ne rien perdre des avantages dont ils jouissaient dans la traite des fourrures.
Il était donc essentiel pour les Français de rester en bons termes avec la tribu de Tessouat. Champlain invita ces Indiens à se rendre au saut Saint-Louis (rapides de Lachine) pour y faire la traite, car il y avait là quatre navires chargés de marchandises. Champlain les exhorta même à aller s’installer aux rapides, où il promit de fonder un établissement français ; ils approuvèrent ce projet, disant que s’ils vivaient sur des terres pauvres, c’était parce que leurs ennemis, les Iroquois, les y avaient contraints. En faisant cette proposition, Champlain s’était probablement dit qu’une bande d’ennemis jurés des Iroquois constituerait une muraille protectrice pour tout établissement français qui pourrait être installé en ce lieu d’échanges.
Champlain a décrit les cimetières de l’île aux Allumettes. Des planches verticales portaient des sculptures rudimentaires des visages des personnes inhumées à cet endroit. Pour un homme, il y avait aussi un bouclier, une poignée d’épée, une massue ou des ares et des flèches ; pour un chef, une houppe de plumes ; pour un enfant, un arc et une flèche ; pour une femme ou une jeune fille, une mannite, un récipient de terre cuite, une cuiller de bois et une pagade. Ces planches étaient peintes en rouge et en jaune « avec plusieurs ouvrages aussi délicats que la sculpture ». Dans les jardins, il vit « quelques citrouilles, pharioles et de nos pois, qu’ils commencent à cultiver ».
Avant de partir, Champlain érigea une croix de cèdre blanc portant les armoiries de la France, ainsi qu’il l’avait fait à chaque escale le long de sa route. Il promit de revenir l’année suivante, Tessouat ayant consenti à mettre alors à sa disposition un grand nombre de guerriers.
Tessouat et Champlain se quittèrent dans une atmosphère de respect mutuel, car Champlain a écrit qu’il était « un bon vieux capitaine », tandis que de son côté Tessouat permit à son fils d’accompagner Champlain jusqu’à Québec.
Selon Sagard, un « Le Borgne de l’île », chef algonquin, se trouvait à Trois-Rivières en 1617. Il s’agissait peut-être de Tessouat, ou Besouat, ou de l’un de ses successeurs, car le nom de « Le Borgne » semble avoir été donné aux chefs de cette île, qui avaient pour noms des variantes de Tessouat, par exemple, Tesouehat ou Tesswehas.
Champlain, Œuvres (Biggar), passim.— Sagard, Histoire du Canada (Tross), I : 60.— Desrosiers, Iroquoisie, 54.— Hunt, Wars of the Iroquois, 43–45.
Elsie McLeod Jury, « TESSOUAT (Besouat) (circa 1603-1613) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tessouat_1603_1613_1F.html.
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Auteur de l'article: | Elsie McLeod Jury |
Titre de l'article: | TESSOUAT (Besouat) (circa 1603-1613) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |