SWAYZE (Swayzie, Sweezey), ISAAC, homme politique, juge de paix, fonctionnaire et officier de milice, né en 1751 dans le comté de Morris (New Jersey), fils de Caleb Swayze et de Miriam Drake ; il épousa Bethia Luce, puis Sarah Secord, et finalement le 18 septembre 1806 une veuve, Lena Ferris ; décédé le 11 février 1828 près de Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario).

Les ancêtres d’Isaac Swayze quittèrent l’Allemagne au début du xviie siècle et s’établirent à Salem, dans la colonie du Massachusetts. Ils allèrent ensuite s’installer à l’île Long, dans la colonie de New York, et enfin dans le comté de Morris, où Swayze se trouvait lorsque éclata la guerre d’Indépendance américaine. Sa famille, selon lui, ne tarda pas à soutenir la cause britannique, et Swayze lui-même fit du service comme agent secret. Il fut fait prisonnier à deux reprises et reçut de graves blessures au cours du conflit. On raconte qu’il fut condamné à mort pendant qu’il était en prison. Sa femme, semble-t-il, lui rendit visite le jour de son exécution et changea de vêtements avec lui. Swayze s’évada et ne la revit jamais. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il s’échappa de prison le 4 septembre 1780 à Morristown et qu’une récompense de £5 000 fut offerte pour sa capture. On le décrivait comme un homme de cinq pieds huit ou cinq pieds neuf pouces, ayant le teint d’un blond roux et une cicatrice à la tempe faite par une balle. En juin 1783, Swayze fut jeté en prison par les autorités britanniques à New York, parce qu’on le soupçonnait d’avoir commis un vol à l’île Long. Élargi le mois suivant, il reçut néanmoins l’ordre de quitter la ville immédiatement. À partir de ce moment et jusqu’à la fin de sa vie, il fut soupçonné d’actes criminels.

En 1784, Swayze se rendit dans la presqu’île du Niagara, où il finit par s’établir à St Davids. Les colons de l’endroit éprouvaient des doutes sur l’allégeance qui avait été la sienne durant la révolution, et avant d’obtenir la cession de terrain qui lui revenait en tant que loyaliste, Swayze dut faire la preuve qu’il avait été accusé injustement. Malgré les soupçons de ses voisins, Swayze fut élu en 1792, député de la circonscription de 3rd Lincoln et siégea à la première Assemblée du Haut-Canada. Au début, il était une sorte de leader populaire et les gens mieux établis le voyaient comme un démagogue. Il affirma par la suite qu’il avait été élu par les « fermiers et [les] classes ordinaires », qui avaient « plus confiance en [son] attachement à leurs intérêts qu’ils [en] avaient dans les nobles ». À cause de l’« intégrité » dont il faisait preuve dans une Assemblée qui s’opposait aux commerçants, Swayze se disait victime de « traits malicieux que lan[çaient] constamment des gens qui s’attribuaient un rang élevé ». En 1795, il irrita les autorités de la province en prenant la direction d’un mouvement populaire de protestation contre le libellé des titres de biens-fonds. On craignait généralement que les titres n’empêchent la vente des terres. Afin de mettre un terme au mécontentement, le gouvernement accusa Swayze de sédition. Le 5 avril 1795, Peter Russell* écrivait dans une lettre au lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe* : « On me dit également que M. Swayzey doit être dénoncé au prochain jury d’accusation comme incitateur de sédition. » Swayze fut jugé, condamné et obligé de trouver des personnes qui se portent garantes de sa bonne conduite pendant deux ans. Le 1er juillet 1796, il fut nommé juge de paix.

Si Swayze brigua les suffrages lors des secondes élections législatives, il ne fut pas réélu. En 1799, il faisait campagne avec ardeur en prévision des élections de 1800. L’intérêt général se portait sur la proposition, faite par Robert Hamilton* et ses associés, de financer les travaux d’amélioration du portage du Niagara en haussant le coût de ce service. Swayze apparut comme un des leaders d’un groupe de personnes aux intérêts divers qui s’opposaient à l’élite commerçante. Il ne tarda pas à se trouver au centre d’une controverse quand on l’accusa d’avoir été un voleur de chevaux en Pennsylvanie. Ses partisans affirmèrent que cette histoire provenait des « amis calédoniens » du rédacteur en chef du Canada Constellation, Silvester Tiffany*. Il s’agissait d’une allusion aux principaux marchands écossais de la presqu’île, dont Hamilton était le chef. Lors du scrutin, Swayze et Ralfe Clench l’emportèrent sur les candidats des marchands, Samuel Street* et William Dickson*.

Malgré son élection, on continua à accuser Swayze de vol de chevaux dans les colonnes du nouveau journal de Tiffany, le Niagara Herald. Swayze déclara que l’« affection que [lui portait] la communauté n’a[vait] pas diminué [malgré] l’accroissement de l’hostilité de quelques-uns », et il promit de retourner à la chambre d’Assemblée sans être « aucunement intimidé ». Il finit par faire taire les rumeurs en intentant un procès à un électeur qui l’avait accusé de vol de chevaux au cours de trois assemblées politiques. Cela fut suffisant pour que Tiffany laisse mourir l’affaire. À l’Assemblée, Swayze et Clench collaborèrent étroitement pour que soient adoptées des lois favorables aux petits marchands, aux fermiers, aux loyalistes et aux fonctionnaires locaux ; cependant, aucune loi importante ne fut votée. En 1803, les anciens adversaires de Swayze découvrirent qu’il n’était pas imperméable à toute influence : il se laissa convaincre d’appuyer une loi sur les impôts qui était favorable aux spéculateurs fonciers importants, en échange de l’aide qu’on lui apportait pour obtenir un poste à Niagara.

Swayze fut réélu en 1804 dans la circonscription de 2nd, 3rd and 4th Lincoln. Ses vues politiques, toutefois, étaient devenues beaucoup plus conservatrices depuis 1803, et il se fit peu à peu la réputation d’un antirépublicain enragé. La naissance d’une opposition parlementaire et extra-parlementaire, avec de fortes racines dans la presqu’île du Niagara, mit fin à l’antagonisme entre les principaux marchands et leurs adversaires menés par Swayze et Clench.

Même si Swayze fut admis dans les cercles qui détenaient le pouvoir local, cela ne l’empêcha pas de continuer à susciter des controverses et ne modifia pas l’ambiance trouble dans laquelle se déroulait sa carrière. Un peu avant 1806, il fut nommé inspecteur des permis de boutique, d’alambic et de taverne dans le district de Niagara. En janvier 1806, il rapporta que trois hommes au visage enduit de noir avaient fait irruption dans sa maison et avaient volé un montant de £500 provenant de droits sur des permis et des titres fonciers. Son récit fut mis en doute et, par la suite, il retira une requête qu’il avait adressée à l’Assemblée et dans laquelle il demandait de ne pas être tenu de restituer l’argent.

Peu scrupuleux dans le choix de ses méthodes, Swayze chercha à se gagner des faveurs en s’attelant avec plaisir, semble-t-il, aux sales besognes de la politique. En 1808, il présidait le comité de l’Assemblée qui déclara que le langage utilisé par Joseph Willcocks* était « faux, calomnieux et tout à fait incompatible avec la dignité de la chambre », ce qui devait par la suite entraîner l’emprisonnement de Willcocks. En 1810, celui-ci demanda au lieutenant-gouverneur Francis Gore* d’intenter des poursuites contre Swayze pour s’être servi de faux billets de banque.

Même si Swayze ne semble pas avoir détenu de commission de milice auparavant, il fut nommé capitaine d’une troupe connue sous le nom de Provincial Royal Artillery Drivers, qu’il recruta lorsque la guerre de 1812 éclata. D’après les mémoires de guerre de William Hamilton Merritt*, il était digne du « plus grand crédit pour ses efforts incessants ». Il fut cité à l’ordre du jour après la bataille de Queenston Heights. Lorsque l’armée américaine en retraite incendia Niagara, en décembre 1813, il perdit sa maison et sa grange, et il évalua ses pertes à £200.

En janvier 1816, Swayze se joignit pendant un court laps de temps à Timothy Street et à Richard Cockrell pour tenter de lancer un journal à St Davids. Cette année-là, il fut élu dans la circonscription de 4th Lincoln. Il s’opposa bruyamment à Robert Gourlay* et se mit au service des autorités civiles dans la presqu’île du Niagara. Pendant l’été de 1818, par exemple, il fut envoyé à la rivière Crédit pour vérifier la véracité des rumeurs selon lesquelles une insurrection armée se préparait. En décembre 1818, il fournit les renseignements qui allaient amener Bartemas Ferguson, rédacteur en chef du Niagara Spectator, à être accusé de diffamation et de sédition pour avoir publié un article de Gourlay intitulé « Gagg’d-Gagg’d, by Jingo ! » (Muselé, muselé, nom de nom !) Bien plus, il fit une déclaration écrite sous serment dans laquelle il affirmait que Gourlay ne résidait pas dans le Haut-Canada, permettant ainsi que des accusations soient portées contre lui en vertu du Sedition Act de 1804. Gourlay tenta de poursuivre Swayze en justice pour atteinte à sa réputation, mais en vain.

Gourlay demandait un jour : « Comment un homme tel qu’Isaac Swayze a-t-il pu être élu et réélu à maintes reprises ? » Et à cela il répondait : « Grâce à son hypocrisie, il pouvait, avant mon époque, dissimuler toutes les taches qui souillaient sa réputation. » Cette vieille stratégie, toutefois, faillit lamentablement aux élections de 1820. L’adversaire de Swayze, Robert Randal, qui remporta facilement la victoire, le décrivit comme un laquais du gouvernement exécutif. Cette défaite marqua la fin de la carrière politique de Swayze. Membre de l’Église presbytérienne et un des propriétaires de la Niagara Library, il passa ses dernières années dans le calme, semble-t-il.

Bruce G. Wilson

AO, RG 22, sér. 134, 5, civil assize, Niagara District, 25 août 1819 ; sér. 138, box 1, R. v. Isaac Swayze, 1795, affidavits of John Young et al., 16 mars 1795.— APC, MG 23, HI, 1, sér. 3, 6 : 3 ; sér. 4, vol. 5, packet A7 : 65–66 (transcriptions) ; MG 24, K5, 1 : 1–3 ; RG 5, A1 : 2888–2889, 18717–18718 ; RG 8, I (C sér.), 1203 1/2G : 37 ; 1717 : 74 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 403.— MTL, W. D. Powell papers, B85 : 16–21.— PRO, AO 13, bundle 83 : 677–678 ; PRO 30/55, nos 7897, 8078, 8392.— QUA, Richard Cartwright papers, letter-books, Cartwright à Elmsley, 6 juin 1803 (transcriptions aux AO).— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 3 : 342.— Documents relating to the revolutionary history of the state of New Jersey, W. S. Stryker et al., édit. (5 vol., Trenton, N.J., 1901–1917), 4 : 648–649.— « Early churches in the Niagara Peninsula, Stamford and Chippewa, with marriage records of Thomas Cummings, and extracts from the Cummings’ papers », Janet Carnochan, édit., OH, 8 (1907) : 149–225.— R. F. Gourlay, The banished Briton and Neptunian : being a record of the life, writings, principles and projects of Robert Gourlay [...] (Boston, 1843), 153.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1911 : 199.— Select British docs. of War of 1812 (Wood), 3, part. ii : 546–547.— « The settlement of the township of Fort Erie, now known as the township of Bertie : an attempt at a Domesday Book », E. A. Cruikshank, compil., Welland County Hist. Soc., Papers and Records (Welland, Ontario), 5 (1938) : 75.— Statistical account of U.C. (Gourlay ; Mealing, édit., 1974), 294–296.— Canada Constellation (Niagara [Niagara-on-the-Lake, Ontario]), 23 août, 6 sept. 1799.— Gleaner, and Niagara Newspaper, 18 févr. 1828.— Niagara Herald, 13 mai 1801.— Niagara Spectator, 17 déc. 1818.— Upper Canada Guardian ; or, Freeman’s Journal (Niagara), 10 janv. 1810.— Almanach de Québec, 1806.— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology (1967).— « Loyalist and pioneer families of West Lincoln, 1783–1833 », R. J. Powell, compil., Annals of the Forty (Grimsby, Ontario), no 8 (1957) : 86–88.— Carnochan, Hist. of Niagara, 247.— Charles Durand, Reminiscences of Charles Durand of Toronto, barrister (Toronto, 1897), 507.— W. R. Riddell, « The information ex-officio in Upper Canada », W. R. Riddell, Upper Canada sketches ; incidents in the early times of the province (Toronto, 1922), 86–89.— Wilson, Enterprises of Robert Hamilton.

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Bruce G. Wilson, « SWAYZE (Swayzie, Sweezey), ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/swayze_isaac_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    1 décembre 2024