SWATANA (abréviation de Onkiswathetami : « c’est une source de lumière pour nous » ; Ungquaterughiathe, mentionné dans un document, exprime la même idée différemment ; Shikellimy, diversement orthographié, en est l’équivalent dans la langue algique), chef onneiout du clan des Ours qui habita près de Shamokin et à Shamokin même (maintenant Sunbury, Penn.), surveillant iroquois des Chaouanons et personnage central des relations entre les Indiens et les Anglais ; son nom apparaît pour la première fois dans les documents officiels en 1728 ; décédé à Shamokin le 6 décembre 1748.

Le naturaliste John Bartram, qui rencontra Swatana en 1743 et qui obtint aussi des renseignements du fils de celui-ci, a consigné que « Shickcalamy [...] appartenait aux Six-Nations, ou plutôt était un Français né à Mont-real et adopté par les Onneiouts, après avoir été fait prisonnier ». On ne sait rien de plus sur ses origines bien que des Indiens de sa parenté (vraisemblablement par adoption) soient mentionnés dans les documents de l’époque. Ses enfants, tout comme leur mère, appartenaient au clan des Tortues de la nation des Goyogouins.

On ne connaît pas la date à laquelle les Iroquois désignèrent Swatana pour surveiller les Chaouanons lesquels, avant 1700, avaient commencé à s’établir sur les bords des rivières Delaware et Susquehanna. Son premier lieu de résidence connu, en Pennsylvanie, se situa, jusque peu après 1737, dans le voisinage immédiat d’un village Chaouanon, à 12 milles environ au nord de Shamokin. C’est en 1728 que Swatana fit sa première visite à Philadelphie ; peu après, les autorités de la Pennsylvanie prirent connaissance de sa position officielle et de son utilité éventuelle pour la province. On l’invita de nouveau à Philadelphie ; des condoléances officielles lui furent présentées à l’occasion de la mort de son fils, en 1729, et puis « Shekallamy [...] homme bon et digne de confiance, grand ami des Anglais », fut délégué pour inviter les Six-Nations à un conseil, en 1732, au cours duquel les chefs, satisfaits, recommandèrent la tenue d’autres réunions que Swatana et Johann Conrad Weiser, interprète de la Pennsylvanie, furent chargés d’organiser. Ces négociations ne furent pas stériles : deux documents portant les dates respectives du 11 et du 25 octobre 1736 furent signés, et, parmi les noms des signataires, il y avait celui de « Shekalamy » ou « Shykelimy ». Par ces actes, les Six-Nations se désistaient de tous leurs droits sur les terres de la partie sud-est de la Pennsylvanie. Six ans plus tard, Swatana prit part à un autre conseil, à Philadelphie, au cours duquel les Six-Nations nièrent à la tribu des Loups (Delawares) des droits sur le reste du territoire de la Pennsylvanie ; après cela, et jusqu’aux environs de 1755, la Pennsylvanie orienta sa politique indienne vers les Iroquois, Swatana et Weiser agissant comme ses agents.

Vers 1742, Swatana avait quitté le village Chaouanon dont les habitants s’étaient déplacés vers l’ouest, et il s’était fixé à Shamokin, important village indien, poste de traite et résidence du « roi » des Loups, Allumapees (Sasoonan). En septembre 1744, Weiser y dirigea la construction d’une maison à toit de bardeaux, de 49 pieds et demi de longueur sur 17 pieds et demi de largeur ; Swatana y reçut le missionnaire presbytérien David Brainerd, qui visita Shamokin deux fois au cours de 1745, et aussi plusieurs missionnaires appartenant à la secte des frères Moraves lesquels, plus tard dans l’année, fondèrent une mission dans le village. En d’autres occasions, les guerriers indiens utilisèrent ce bâtiment pour leurs danses.

Les rapports de Swatana avec les frères Moraves avaient pris naissance en 1742 lorsque le comte Nicolaus Ludwig von Zinzendorf avait fait la connaissance de l’Indien à Shamokin et avait vu dans la personne du « roi Shikellimy » un instrument de conversion des Indiens. Des relations cordiales s’établirent entre le diplomate indien et les missionnaires : leur comportement et leurs attentions à son endroit plaisaient à Swatana ; de plus, le forgeron que les Moraves maintinrent à Shamokin après 1747 aidait les Indiens dans les choses matérielles. Les frères Moraves considéraient Swatana comme un disciple mais ils ne lui administrèrent pas le baptême, car il leur avait dit qu’un prêtre l’avait baptisé quand il était enfant.

En 1737, en 1743 et en 1745, Swatana, accompagné de Weiser, se rendit à Onondaga (près de Syracuse, N.Y.) chez les Iroquois pour assister au feu du conseil ; Weiser fut, en ces occasions, chargé par le gouverneur de la Virginie de négocier la paix entre les Iroquois et leurs ennemis du sud, les Têtes-Plates. Au cours de ces négociations, Swatana, représentant des Six-Nations, et Weiser, délégué de la Pennsylvanie, ne remplirent pas leur rôle habituel : plutôt, Swatana, au nom de la Pennsylvanie, se porta garant de Weiser, agent de la Virginie. Lors du deuxième de ces voyages, les ambassadeurs se firent accompagner de Lewis Evans, cartographe, et de John Bartram qui fournirent des documents sur le voyage sous forme d’une carte publiée en 1749 et d’un journal paru en 1751. Deux frères Moraves, l’évêque Joseph (Spangenberg) et David Zeisberger* prirent part au troisième déplacement.

En 1747, les Indiens de Shamokin furent durement éprouvés par une épidémie de fièvre. Parmi les victimes, il y eut le roi des Loups (Delawares) et plusieurs membres de la famille de Swatana, y compris sa femme. Swatana lui-même fut gravement malade mais il guérit grâce aux médicaments – on le suppose – que le gouvernement lui fit parvenir et que lui administra Conrad Weiser. Au printemps de 1748, Swatana rendit un dernier service à la Pennsylvanie ; il mit les autorités en garde contre l’octroi prématuré de leur appui aux Indiens qui, sous la direction d’Orontony, s’étaient livrés à des actes hostiles contre les Français et il avertit la colonie que la nouvelle voulant que les Six-Nations aient déclaré la guerre aux Français à cette occasion était fausse. En avril 1748, sa santé s’était suffisamment améliorée pour qu’il se rende à la maison principale des frères Moraves à Bethlehem, ainsi qu’à Philadelphie ; en novembre il se rendit de nouveau à Bethlehem. Il mourut le 6 décembre 1748.

Les comptes rendus de l’époque présentent Swatana comme un homme habile et intelligent, digne mais avenant, courtois, calme, travailleur et sur qui l’on pouvait compter. Parmi les nombreuses anecdotes à son sujet, il en est une qui veut qu’un certain jour au cours de 1747, il se soit rendu chez les missionnaires ; ayant trouvé la forge inactive, il demanda si c’était dimanche. On lui répondit dans l’affirmative ; il revint alors chez lui, revêtit ses « vêtements royaux » et retourna poursuivre sa visite. Il est fait mention d’une des rares circonstances où il se départit de son sang-froid coutumier : en 1734, Mme Montour [Elizabeth Couc], qui servait d’interprète auprès des Indiens pour le compte de la Pennsylvanie, décria un parti d’Onneiouts en visite ; elle fut dénoncée par Swatana comme « une certaine femme que seul son âge avancé empêch[ait] d’être punie pour de telles faussetés ».

Quelque temps avant sa dernière maladie, Swatana prit une nouvelle épouse, une femme de la tribu des Tutelos, qui retourna chez les siens après la mort de Swatana. Trois fils et deux filles survécurent à Swatana. Deux autres de ses fils avaient été tués au cours de raids contre les Têtes-Plates. Un autre chef onneiout, Scarroyady, qui habitait les bords de l’Ohio supérieur, où s’étaient fixés la plupart des Chaouanons, succéda à Swatana à la fonction de surveillant de ces derniers ; son fils aîné, John (John Shikellimy, John Logan), le remplaça au poste de conseiller aux affaires indiennes pour la Pennsylvanie jusqu’aux environs de 1755, alors que la guerre de Sept Ans et la nomination de William Johnson* au poste de surintendant des affaires des Indiens du Nord vinrent modifier la politique de la province.

William A. Hunter

Moravian Church Archives (Bethlehem, Penn.), Bethlehem Diary ; Indian missions, box 121, Shamokin ; Personalia, box 225. John Bartram, Observations on the inhabitants, climate, soil, rivers, productions, animals, and other matters worthy of notice, made by [...] in his travels from Pensilvania to Onondago, Oswego and the Lake Ontario, in Canada ; to which is annexd a curious account of the cataracts at Niagara, by MrPeter Kalm, a Swedish gentleman who travelled there (Londres, 1751).— Minutes of the council of Pennsylvania, III–V.— Pennsylvania archives, 1re sér., I, II.— Spangenberg’s notes of travel to Onondaga in 1745, J. W. Jordan, édit., Pennsylvania Magazine of History and Biography (Philadelphie), II (1878) : 56–64. Conrad W[e]iser, Narrative of a journey from Tulpehocken, Pennsylvania, to Onondaga, in 1737 [...], H. R. Schoolcraft, Historical and statistical information respecting the history, condition and prospects of the Indian tribes of the United States (6 vol., Philadelphie, 1851–1857), IV : 324–341. David Zeisberger, Zeisbergers Indian dictionary [...] (Cambridge, Mass., 1887). L. H. Gipson, Lewis Evans [...] (Philadelphie, 1939). P. A. W. Wallace, Conrad Weiser, 1696–1760, friend of colonist and Mohawk (Philadelphie, Londres, 1945).

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William A. Hunter, « SWATANA (Onkiswathetami, Ungquaterughiathe, Shikellimy) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/swatana_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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