STROBRIDGE (Strowbridge), JAMES GORDON, ingénieur civil et entrepreneur, né en 1788 à Solon, New York ; il épousa Nancy Mayberry, et ils eurent six fils et deux filles ; décédé le 10 mars 1833 à Hamilton, Haut-Canada.
L’ingénieur James Gordon Strobridge quitta les États-Unis et alla s’installer dans le Haut-Canada en 1824 pour devenir un des entrepreneurs du canal de la baie de Burlington. Ce projet, autorisé et financé par le gouvernement provincial et placé sous la surveillance de commissaires, consistait à creuser une ouverture à travers la plage de Burlington afin de fournir à l’arrière-pays entourant Dundas un accès direct au lac Ontario. La construction de ce canal qui n’avait qu’un tiers de mille de long devait être de qualité supérieure et comporter des jetées dans la baie de Burlington (port de Hamilton) et le lac Ontario.
Strobridge, en société avec le capitaine John McKeen, commença à travailler à la tranchée durant l’été de 1824. William Lyon Mackenzie* qui inspecta les travaux fut consterné de voir les « Goths et les Vandales » dépouiller les forêts avoisinantes. En septembre, le capitaine McKeen contracta le typhus et mourut, laissant Strobridge seul responsable du canal. Malgré cela, en octobre, on avait déjà creusé une tranchée jusqu’au niveau du lac.
Au cours de l’année 1825, on utilisa des dragues pour atteindre la profondeur prescrite de 12 pieds. Il ne restait plus qu’à terminer les deux jetées et à installer le pontage et les garde-fous. Cependant, des rapports alarmants vinrent mettre en doute la capacité de Strobridge de mener à bien l’entreprise. En février 1826, l’ingénieur en chef Francis Hall signala dans son compte rendu aux commissaires du canal que la construction du brise-lames avait déjà coûté à elle seule presque la moitié du montant prévu dans le contrat original pour le projet au complet. Selon Hall, le brise-lames du lac Ontario était exposé à des vagues et à des courants si forts que sa construction s’était révélée « dangereuse et coûteuse, dépassant tous les calculs ». Néanmoins, Strobridge avait profité des conditions atmosphériques et, pendant l’hiver de 1825–1826, il avait fait transporter de la pierre sur le lac gelé jusqu’au chantier de construction. Il finit par venir à bout des problèmes techniques que présentait la construction des jetées et du brise-lames.
Mais par suite de difficultés financières, l’affaire prit une autre tournure. En février 1827, le gouvernement du Haut-Canada autorisa une somme additionnelle de £8 000 pour la poursuite des travaux. Par ailleurs, au printemps de cette année-là, Strobridge fut brusquement déchargé de sa responsabilité, et on exigea qu’il fournisse des garanties au gouvernement avant de lui avancer de nouveaux fonds. Le procureur général John Beverley Robinson* prépara les garanties pour Strobridge. En mars, celui-ci envoya £4 au procureur général dans l’espoir d’obtenir « plus de faveurs » de sa part ; cela donne une idée de la moralité qui régnait dans le monde des affaires. Mais au gouvernement, des normes un peu plus élevées avaient cours : Robinson garda une livre pour la préparation des garanties et retourna le reste.
L’estimation des travaux devint un perpétuel sujet de dispute entre Strobridge et le gouvernement. En 1828, des médiateurs furent nommés en vue d’établir la valeur de la construction. Ils arrivèrent à un montant de £3 000, somme que les commissaires du canal se montrèrent peu disposés à payer. Après en avoir appelé en vain devant les tribunaux, Strobridge fut poursuivi par ses propres créanciers et jeté en prison pour dettes en avril 1829. Confiné derrière les barreaux, il envoya une pétition au lieutenant-gouverneur John Colborne*, qui autorisa finalement le paiement. En 1831, le Parlement lui accorda un supplément de £2 356.
Au cours de sa lutte pour obtenir réparation, Strobridge avait commencé à s’intéresser à la politique réformiste. En janvier 1829, il sollicita activement des signatures au bas d’une pétition en faveur du journaliste Francis Collins, qui avait été emprisonné pour diffamation et était un ennemi implacable du gouvernement de la province. Strobridge dut se présenter devant la chambre d’Assemblée pour expliquer le rôle qu’il avait joué dans ce qu’on a appelé l’outrage de Hamilton, le 29 janvier 1829 ; on avait alors pendu en effigie le lieutenant-gouverneur, parce que, prétendait-on, il avait refusé de libérer Collins. La Gore Gazette, and Ancaster, Hamilton, Dundas and Flamborough Advertiser, organe du gouvernement et propriété de George Gurnett*, faisant allusion à Strobridge, demanda pourquoi on laissait les « étrangers arrivés dans la province depuis, pour ainsi dire, la veille seulement » saper l’autorité légitime. Pourtant, le gouvernement ne considérait pas Strobridge comme dangereux et, de fait, accueillait favorablement un débat sur le canal. Robinson souhaitait que cela « fasse diversion à la question des non-naturalisés et diversifie l’intérêt durant la session – agréable variété ! »
Insatisfait du règlement de 1831 et encouragé par Collins, Strobridge se rendit à York en 1833 présenter une pétition au Parlement afin qu’on lui verse l’intérêt sur la somme non acquittée. Pendant qu’il était là, il fut arrêté par le shérif pour ne pas avoir payé des dettes en souffrance et, une fois de plus, il fut emprisonné. Collins obtint sa libération mais, deux jours plus tard, Strobridge mourut d’une fièvre contractée en prison. Sa veuve continua jusqu’en 1836 à faire des réclamations, mais sans succès.
La ténacité avec laquelle James Gordon Strobridge avait mené sa croisade pour obtenir un paiement équitable se retrouvait aussi dans son travail comme ingénieur. En 1826, les flots déchaînés du lac Ontario menacèrent de démolir le brise-lames en construction, et Strobridge, l’air résolu, constata que les caissons avaient été placés assez profondément pour résister aux coups. Ainsi que le fit remarquer Francis Hall, « chacune des parties a[vait] été soumise à des essais si rigoureux que la réalisation et la permanence des travaux, même inachevés, [étaient] alors hors de doute ».
AO, RG 4, A-1, Strobridge à J. B. Robinson, 3 mars 1827 ; RG 22, sér. 204, no 177, 11 mai 1833.— APC, RG 5, A1, J. G. Strobridge à sir John Colborne, 10 avril 1829 ; J. B. Robinson à –––, s.d.— « Ancaster parish records, 1830–1838 », John Miller, compil., OH, 5 (1904) : 122–123.— H.-C., House of Assembly, Journal, 1829 : 31 ; 1831–1832, app. : 178 ; Statutes, 1827, chap. 19 ; 1828, chap. 12 ; 1831, chap. 21.— Colonial Advocate, 27 mai, 29 juill., 27 oct. 1824, 29 déc. 1825, 2 mars, 1er juin 1826, 21 mars 1833.— Gore Gazette, and Ancaster, Hamilton, Dundas and Flamborough Advertiser (Ancaster, Ontario), 24 janv. 1829.— Death notices of Ont. (Reid), 258.
Patrick Brode, « STROBRIDGE (Strowbridge), JAMES GORDON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/strobridge_james_gordon_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
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