STAIRS, WILLIAM MACHIN, négociant, banquier et homme politique, né le 21 janvier 1789 à Halifax, Nouvelle-Écosse, dernier des fils de John Stairs et de Joanna Stayner ; il épousa en 1814 Margaret Wiseman dont il eut trois fils et six filles ; décédé le 28 novembre 1865 à Halifax.

Peu de temps après la naissance de William Machin Stairs, son père fit faillite et, après avoir été libéré de la prison pour dettes par des amis, émigra à Philadelphie où il obtint un poste dans le département des Douanes des États-Unis. Joanna Stairs décéda en 1793 durant une épidémie de fièvre jaune, et son mari renvoya les cinq enfants à Halifax pour les confier à leur oncle, John Stayner. William ne devait plus jamais revoir son père, mais son oncle, qui était tanneur, le traita avec bienveillance et lui fit donner une éducation de base à la Halifax Grammar School. Ayant dû mettre fin brusquement à ses projets de carrière dans la marine parce que sujet au mal de mer, William s’engagea comme commis dans le bureau de comptabilité d’un marchand de Halifax d’origine écossaise, William Kidston.

Devenu adulte, Stairs s’établit à son propre compte en ouvrant un petit « magasin général » sur les quais de Halifax. En 1813, il s’associa avec Henry Austen, et ils semblent avoir assez bien réussi durant les années de prospérité de la guerre de 1812. Mais la récession qui suivit accula la firme au bord de la faillite et ce fut grâce à l’appui de leur principal créancier, William Kidston, devenu négociant-banquier à Glasgow, qu’Austen et Stairs purent éviter la prison pour dettes. Leur association fut dissoute vers 1818 et, durant les années qui suivirent, Stairs chercha discrètement à se lancer de nouveau en affaires. Au printemps et en été, il faisait de la publicité pour des produits manufacturés de Grande-Bretagne et des marchandises de l’Inde, importés de Greenock, Écosse ; les registres des douanes indiquent qu’au début des années 20, Stairs était engagé dans le transport du bois par mer de la Miramichi jusqu’en Angleterre.

Après avoir fait renaître quelque temps son association avec Austen, de 1822 à 1823 environ, Stairs s’établit de nouveau à son propre compte et, en 1824, encouragé par la reprise des affaires, il acheta les vieux locaux de William Kidston pour £1680. Sa famille demeura au-dessus du magasin pendant les neuf années suivantes, durant lesquelles Stairs développa un important commerce avec les villages de pêcheurs situés sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse et sur les bords du golfe du Saint-Laurent. En 1827, il battait son propre pavillon, un « drapeau blanc, rehaussé de bleu », et ses annonces dans les journaux de Halifax offraient en gros et au détail un peu de tout, depuis le poivre noir jusqu’au verre à vitre. Bien que marchand général, à la fin des années 20, Stairs avait commencé à se spécialiser dans la quincaillerie, en mettant l’accent sur des articles comme le fer à fabriquer les barres et les boulons, les charrues, le fil de fer, le fer en feuilles et les clous.

Stimulé par l’expansion économique soutenue du début des années 30, Stairs avait progressivement élargi le champ de son activité commerciale. À Dartmouth, il bâtit des installations pour l’entreposage du bois en même temps qu’une fabrique de peinture et de mastic. Il se lança aussi dans la construction navale. Le succès de ces entreprises lui permit de se construire une impressionnante résidence sur la rue Hollis qui était alors particulièrement bien cotée à Halifax. Il envoya son fils aîné, William James*, à la Horton Academy pour y recevoir une éducation digne du futur héritier d’un ambitieux négociant-gentilhomme.

Malgré toutes ces réalisations, William Stairs n’avait ni la fortune ni les relations familiales nécessaires pour s’assurer une position solide au sein de l’oligarchie de Halifax. Son dissentiment sur le plan religieux, attesté par sa décision de faire éduquer son fils dans un établissement baptiste plutôt qu’anglican et confirmé plus tard par son abandon de l’Église d’Écosse en faveur de l’Église libre d’Écosse, le rendit suspect aux yeux des classes dirigeantes. Mais son éloignement ne se manifesta sur le plan politique que vers le milieu des années 30, au moment où une crise économique, aggravée par les querelles des banquiers locaux, faillit ruiner son commerce. Son insécurité personnelle, de pair avec sa rancœur contre les machinations des groupes financiers bien établis, contribuèrent à faire de Stairs l’un des rares partisans de la réforme dans les milieux commerçants de Halifax. Cependant, son amour du changement n’était pas sans bornes : il s’opposa à l’abolition de l’emprisonnement pour dettes de même qu’à l’érection de Halifax en municipalité, sous prétexte que ces deux mesures mettraient en danger le droit de propriété.

Joseph Howe* tenait cependant Stairs pour un ami personnel et un allié politique et l’aida en 1841 à obtenir un siège à l’Assemblée. Stairs commença sa carrière politique en accordant son appui à la coalition hybride des tories et des réformistes, organisée en 1840. Après l’effondrement de celle-ci quelque trois années plus tard, Stairs se rangea du côté de Howe et des réformistes de tendance plus progressiste qui prônaient l’établissement d’un gouvernement fondé sur un parti unique, d’après le modèle britannique. Bien que défait lors des élections générales de 1843, à cause des rivalités internes entre réformistes protestants et catholiques de Halifax [V. Lawrence O’Connor Doyle], Stairs demeura actif en politique. À la fin des années 40, il réussit à se faire élire au conseil municipal de Halifax et il fut maire de 1847 à 1848. Lorsque le parti libéral accéda au pouvoir en 1848, Stairs reçut comme récompense un siège au Conseil législatif.

Mais le nouveau parti étant installé au pouvoir, Stairs perdit rapidement son enthousiasme pour un gouvernement responsable. L’attribution de postes aux adhérents du parti blessait sa susceptibilité, comme il devait le confier par la suite à son cousin, Thomas Allen Stayner, en ces termes : « Pour s’emparer du pouvoir politique [...], les hommes commettent beaucoup d’actes minables. » En 1851, de crainte que le plaidoyer de Howe en faveur de la construction du chemin de fer par le gouvernement n’entraîne la Nouvelle-Écosse dans la banqueroute, Stairs résigna ses fonctions à la Chambre haute en signe de protestation et, à partir de ce moment, il abandonna la politique pour se consacrer entièrement aux affaires.

Durant les années 40, Stairs s’était spécialisé dans les articles de quincaillerie et dans les fournitures de navires, réalisant un chiffre d’affaires suffisamment élevé pour lui permettre d’acheter, en 1844, de nouvelles propriétés immobilières donnant sur la mer, dont la valeur fut évaluée à £2 500. Comme sa firme prenait de l’envergure, Stairs y fit entrer deux de ses fils, William James et John, ce dernier étant remplacé en 1854 par un gendre, Robert Morrow. Il participa aussi aux activités des grandes compagnies, en siégeant au conseil d’administration d’entreprises comme la Halifax Whaling Company, la Nova Scotia Electric Telegraph Company, l’Union Marine Insurance Company, le Merchants’ Exchange, la Halifax-Dartmouth Steamboat Company et l’Inland Navigation Company (cette dernière ayant tenté de rendre à la navigation le canal de Shubenacadie). En 1856, il joua un rôle prépondérant dans la fondation de l’Union Bank of Halifax dont il fut président jusqu’à sa mort.

En 1850, William Stairs jouissait d’un prestige incontesté au sein de l’élite commerçante de Halifax. Son manoir de £ 4000 sur la rue Tobin était le symbole de la respectabilité acquise grâce à des gains matériels. Paralysé par le rhumatisme, il voyageait rarement, et on peut déduire de sa correspondance que la vieillesse l’avait rendu de plus en plus intolérant et méfiant à l’égard du changement. Les conflits confessionnels qui secouèrent la Nouvelle-Écosse au milieu des années 50 ne firent qu’accroître son aversion pour les catholiques irlandais qu’il qualifia dans sa correspondance de « diables incarnés », indignes de remplir des fonctions publiques, à cause de ce qu’il appelait leur manque de scrupules. Les chemins de fer suscitaient aussi sa colère et, influencé peut-être par ses investissements dans le canal de Shubenacadie, il s’opposa à plusieurs reprises au projet de construction d’une ligne entre Halifax et Québec, qui n’était pour lui qu’une « fumisterie » ne pouvant aboutir qu’à faire grimper les dettes et les taxes, et favoriser encore davantage la corruption politique.

Lorsque la guerre de Sécession éclata aux États-Unis, Stairs prit immédiatement parti pour les sudistes, alléguant que « l’arrogance et l’orgueil des gens du Nord méritaient d’être matés ». La crise qui résulta en Amérique du Nord britannique de l’effondrement militaire du Sud ne fut pas de nature à lui inspirer de l’enthousiasme pour l’union des colonies. L’Angleterre n’allait pas abandonner les colonies, assura-t-il à Thomas Allen Stayner. « La Nouvelle-Écosse, ajoutait-il, est bien trop prospère pour vouloir se joindre au Canada, son crédit est bon – des mines de charbon et d’or y [sont] ouvertes un peu partout. »

Lorsque William Stairs décéda, la presse locale lui rendit hommage comme à un « citoyen hautement apprécié » qui « en tant qu’homme d’affaires avait fait preuve de libéralité ». Bien que banals, ces commentaires indiquent que la carrière du défunt correspondait bien à l’image qu’on se faisait au milieu de l’ère victorienne du négociant idéal qui devait sa réussite à son assiduité au travail et à ses épargnes. S’il manque quelque chose à l’image, il faut le chercher du côté de la philanthropie : il légua tous ses biens, évalués à £248 000, exclusivement aux membres de sa famille.

D. A. Sutherland

Halifax County Court of Probate (Halifax), no 1 330, will of William Machin Stairs (mfm aux PANS).— PANS, MG 1, 880–884 (William Stairs papers, 1771–1865) ; RG 1, 229, no 23 ; 314, no 26 ; 451, census of Halifax, 1851 ; RG 31, Revenue papers, quarterly returns, Port of Halifax, 1810–1830 ; H. G. Stairs, The Stairs of Halifax (copie dactylographiée, 1962).— [Charter of the Shubenacadie Canal Company with list of shareholders and act of incorporation (Halifax, 1826)].— N.-É., General Assembly, Statutes, 1845–1865 ; Legislative Council, Journal of the proc., 1848–1851.— Acadian Recorder, 28 mai 1814, 29 nov. 1865.— Halifax Citizen, 28 nov. 1865.— Halifax Journal, 1816–1831.— Morning Chronicle (Halifax), 28 nov. 1865.— Novascotian, 1826–1865.— Nova Scotia Royal Gazette (Halifax), 28 oct. 1812, 1er janv. 1815.— Sun (Halifax), 23 févr. 1848.— Times (Halifax), 30 nov. 1841, 14 nov. 1843.— Weekly Chronicle (Halifax), 21 juin 1811.— Belcher’s farmer’s almanack, 1824–1865.— Directory of N.S. MLAs.— Halifax and its business : containing historical sketch and description of the city and its institutions [...] (Halifax, 1876).— Halifax, N.S., business directory, for 1863 [...], Luke Hutchinson, compil. (Halifax, 1863).— J. P. Martin, The story of Dartmouth (Dartmouth, N.-É., 1957).— W. J. Stairs, Family history, Stairs, Morrow ; including letters, diaries, essays, poems, etc. (Halifax, 1906).— C. St C. Stayner, The Sandemanian loyalists, N.S. Hist. Soc., Coll., XXIX (1951) : 62–123.

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D. A. Sutherland, « STAIRS, WILLIAM MACHIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stairs_william_machin_9F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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