ST JOHN, THOMAS, marin, mineur et organisateur syndical, baptisé le 11 septembre 1865 à Harbour Main, Terre-Neuve, fils de James St John et de Mary Hunt ; en 1906 ou avant, il épousa une prénommée Alice ; vu pour la dernière fois vers 1920–1922.

Thomas St John naquit dans l’une des nombreuses familles irlandaises catholiques de la région de Harbour Main. Son grand-père paternel John, originaire de Tipperary (République d’Irlande), possédait une plantation à Conception Harbour, à Terre-Neuve, un brigantin en copropriété et des établissements de pêche au Labrador. Son père était un capitaine de phoquier qui exerçait des activités fructueuses en partenariat avec ses frères ; toutefois, comme de nombreux autres chasseurs de phoques qui utilisaient des voiliers, ils durent à un moment donné cesser leurs activités en raison du nombre croissant de navires à vapeur. Thomas, pour sa part, alla gagner sa vie en mer comme second maître dans la marine marchande et aurait travaillé aussi pendant un certain temps dans les mines de fer de l’île Bell, mines qu’exploitaient des financiers canadiens dans le but d’approvisionner les aciéries de la Nouvelle-Écosse. St John était peut-être travailleur saisonnier comme beaucoup d’autres mineurs de l’île, dont la plupart venaient de collectivités situées le long de la baie Conception. Il est possible aussi qu’il ait trouvé du travail aux États-Unis.

St John fit sa marque dans l’histoire pendant une brève période. Le 27 janvier 1900, il était à bord du Silvia, bateau de passagers en provenance de New York et à destination de St John’s qui fit escale à Halifax. L’été suivant, St John dirigea une grève de six semaines dans l’île Bell. Le 11 juin 1900, les mineurs de la Dominion Iron and Steel Company Limited, aussi appelée la « Whitney Company », du nom de son président Henry Melville Whitney, déclenchèrent la grève. Les ouvriers étaient outrés que la société, après un an d’activité, leur demande de travailler plus longtemps pour le même salaire. Ils étaient également révoltés de la façon dont les gestionnaires et contremaîtres de l’entreprise, originaires de la Nouvelle-Écosse, les traitaient, ce qui leur attira la sympathie du public. Les mineurs persuadèrent leurs confrères de l’autre mine de l’île Bell, exploitée par la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited, de se joindre à eux. Ils formèrent ensemble le premier syndicat de mineurs de l’île, le Wabana Workmen and Laborers’ Union, comptant 1 100 membres, et choisirent St John comme président, Eugene Sheppard, comme vice-président, et Daniel J. McCarthy, comme secrétaire. Le syndicat réclamait un salaire de 0,15 $ l’heure pour tous les travailleurs, soit une augmentation de 0,05 $ l’heure afin d’égaler le salaire des mineurs de Sydney, en Nouvelle-Écosse, le remplacement des contremaîtres arrogants, et la reconnaissance, par les sociétés, du comité de mineurs à titre d’agent de négociation. Les deux sociétés n’accédèrent pas à leurs demandes.

St John se révéla un organisateur imaginatif et méticuleux. Il mit promptement sur pied quatre unités de 300 hommes pour surveiller les arrivées dans l’île et protéger les biens des deux entreprises. Il put, grâce à ces unités, réfréner les ardeurs des grévistes nerveux, être informé en quelques minutes de l’arrivée de bateaux transportant policiers et briseurs de grève, et être au fait des activités des cadres des sociétés. St John mit en place également un système selon lequel personne ne pouvait quitter l’île sans en avoir reçu au préalable l’autorisation ou ne pouvait y accéder sans d’abord s’être engagé à ne pas nuire à la grève. Par ailleurs, les grévistes assuraient, semble-t-il, l’échange systématique d’informations entre l’île et le continent. St John et les autres responsables syndicaux conservèrent le moral des travailleurs en organisant des marches où ceux-ci brandissaient des bannières affichant les mots d’ordre « no surrender » (nous n’abandonnerons pas) et « hang her down » (« maintenons nos positions »), ainsi que le nom de St. John. Un photographe amateur, put-on lire dans la presse, alla jusqu’à fabriquer des macarons montrant la photo de St John. Les ventes de ces derniers furent rapides et c’est avec fierté que les mineurs les arborèrent. Tous ces facteurs contribuèrent au déroulement ordonné de la grève et, surtout, à l’obtention de résultats.

Les sociétés engagèrent des briseurs de grève et le gouvernement dépêcha pas moins de 52 policiers, un magistrat rémunéré, et l’inspecteur général de police de Terre-Neuve, John Roche McCowen*, dans le but de protéger les briseurs de grève qui chargeaient le minerai dans les goélettes. Ces mesures gouvernementales ne provoquèrent pas d’incidents de violence parmi les mineurs, mais eurent plutôt comme effet de renforcer leur détermination. Devant l’intransigeance des grévistes, les sociétés cherchèrent à faire arrêter les dirigeants. Le 12 juillet, trois jours après que St John et un groupe de mineurs eurent empêché le gestionnaire W. S. Grammer et des employés de bureau de la Dominion Iron and Steel Company Limited de décharger une goélette de charbon, la police accusa St John et McCarthy d’entrave au travail et Sheppard, de désordre public. Ils plaidèrent non coupables, mais les tribunaux les mirent en détention préventive pendant neuf jours au pénitencier de St John’s. Les arrestations, la présence policière et l’appauvrissement des mineurs, sans salaire depuis six semaines, eurent raison de la grève. Le 23 juillet, Edward Michael Jackman*, marchand tailleur et « ami des travailleurs », négocia une entente à Kelligrews, collectivité située dans la baie Conception. En vertu de cette entente, nommée plus tard Treaty of Kelligrews, les travailleurs qualifiés bénéficièrent d’une augmentation de 0,02 $ l’heure, tandis que les travailleurs non qualifiés eurent droit à une augmentation de 0,01 $ l’heure. Les mineurs obtinrent aussi le retour en poste de tous les grévistes, concession importante de la part des sociétés, sauf que rien n’indique si ces dernières reconnurent le syndicat ou accédèrent à ses demandes relativement aux heures de travail. Le 24 juillet, les mineurs accueillirent par une « ovation monstre » St John, de retour dans l’île Bell en vue de présider une réunion portant sur l’entente. De nombreux mineurs, y compris St John, voulurent tenir bon et exiger un même salaire pour tous, mais les hommes votèrent finalement à l’unanimité pour un retour au travail aux taux négociés.

D’aucuns affirmeraient que les mineurs eurent de la chance d’avoir pu réaliser quelques gains, étant donné l’intervention du gouvernement, la faible conjoncture économique de cette année-là et le fait que la plupart d’entre eux étaient des travailleurs saisonniers désireux de subvenir aux besoins de leur famille pendant l’hiver. Il ne fait aucun doute que la solidarité des travailleurs, le sens de l’organisation de St John et l’appui de la population qui se montrait défavorable aux sociétés appartenant à des intérêts étrangers permirent aux mineurs de réaliser quelques gains. L’entente eut des répercussions immédiates dans la ville de St John’s, où les travailleurs, qui gagnaient en moyenne 0,08 $ l’heure, déclenchèrent une grève en vue d’obtenir des taux identiques à ceux des mineurs de l’île Bell. Selon l’historien Briton Cooper Busch, l’exemple des mineurs eut pour effet de stimuler le militantisme des chasseurs de phoques pendant la grève qu’ils menèrent en 1902 [V. Simeon Kelloway*].

On connaît peu de chose sur la vie de Thomas St John après la grève, hormis certains détails reposant sur des souvenirs personnels. D’anciens mineurs de l’île Bell affirment que St John et d’autres dirigeants du syndicat se trouvèrent du travail à l’aciérie de Sydney. D’après des manifestes de bateaux de passagers naviguant entre St John’s et New York en 1914, St John demeurait à New York et était devenu citoyen américain. Des membres de sa famille, qui s’installa par la suite à Glace Bay, croient qu’il partit s’établir à Camden, au New Jersey. Martin Kennedy, qui quitta Terre-Neuve en 1920 pour aller travailler comme monteur de charpentes métalliques à Camden, vécut en pension jusqu’en 1922 chez Joe, frère de St John qui était constructeur de docks. Bien qu’il n’ait jamais fait connaissance avec Thomas, ou Tombo, comme on l’appelait alors, il se rappelle l’avoir vu et conserve le souvenir d’un solide gaillard mesurant plus de six pieds, pesant environ 250 livres, de religion catholique et, malgré tout, syndicaliste convaincu.

Duff Sutherland et Jessie Chisholm

Le DCB a recueilli de l’information auprès de Steven Neary et de Martin Kennedy au cours d’entrevues qui ont eu lieu en octobre 1992.

AN, RG 76, C : 1 (b).— PANL, GN 1/3/A, dispatches 149, 187 ; GN 5/2/A/9, 2, f. 572 (1865) ; GN 9/1, juin–août 1900 ; MG 299 ; Parish records coll., Roman Catholic Church, Harbour Main, baptisms, nº 103.— PRO, CO 194/245, nº 46.— Daily News (St John’s), 11 sept. 1899, juin–juill. 1900, 22 mars 1906, févr. 1931.— Evening Herald (St John’s), juin–juill. 1900, mars 1906.— Evening Telegram (St John’s), juin–juill. 1900, 21 mars 1906, févr. 1931.— Gazette (Montréal), juill. 1900.— Royal Gazette and Newfoundland Advertiser (St John’s), 29 nov. 1864.— Trade Review (St John’s), juin–juill. 1900.— David Alexander, « Newfoundland’s traditional economy and development to 1934 », dans Newfoundland in the nineteenth and twentieth centuries : essays in interpretation, J. [K.] Hiller et P. [F.] Neary, édit. (Toronto, 1980), 17–39.— Addison Bown, Newspaper history of Bell Island (2 vol., s.l. n.d.).— J. D. Green, « Miners’ unions on Bell Island » (travail de b.sc.c., Memorial Univ. of Nfld, St John’s, 1968).— P. F. Neary, « “Traditional” and “modern” elements in the social and economic history of Bell Island and Conception Bay », SHC, Communications hist. (1973) : 105–136.— M. J. Nugent, « Wabana iron mines at Bell Island, Conception Bay », Adelphian (St John’s), 1 (1904) : 94–98.— Gail Weir, The miners of Wabana : the story of the iron ore miners of Bell Island (St John’s, 1989).— Who’s who in and from Newfoundland (St John’s), 1927.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Duff Sutherland et Jessie Chisholm, « ST JOHN, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/st_john_thomas_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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