Smith, Julian Cleveland, ingénieur et homme d’affaires, né le 7 octobre 1878 à Elmira, New York, fils de Howard M. Smith et de Mary Elizabeth Joslyn ; vers le 14 juin 1909, il épousa, probablement à New York, Bertha Louise Alexander, et ils eurent deux filles et deux garçons ; décédé le 24 juin 1939 à Westmount, Québec.

Le milieu dans lequel Julian Cleveland Smith passe son enfance et sa jeunesse n’est pas celui de la grande bourgeoisie d’affaires. Peu après la naissance, en 1878, de Julian Cleveland et de son frère jumeau, Joslyn Zara, les Smith quittent Elmira et s’installent à Buffalo. En 1890, la mort du père, petit entrepreneur dans le commerce du charbon, laisse la famille dans une situation financière précaire, si bien que Julian Cleveland aura la charge de sa mère dès les premières années de sa vie professionnelle. Le jeune homme montre tôt un intérêt marqué pour les sciences. Après avoir fréquenté la Central High School à Buffalo, il entre, à l’automne de 1896, à la Cornell University d’Ithaca avec son frère jumeau, qui meurt en janvier 1897. Julian Cleveland s’oriente vers la carrière d’ingénieur électricien. C’est à cette époque qu’est aménagée la centrale de Niagara Falls, reliée par une ligne de transport au réseau de distribution de la ville de Buffalo et que l’on considérera comme la première véritable centrale hydroélectrique moderne.

En 1900, Smith obtient son diplôme en génie mécanique, avec spécialisation en électricité. Il travaille d’abord à Buffalo, comme dessinateur de plans de machinerie électrique au sein de la West Manufacturing Company et comme membre de l’équipe d’ingénieurs électriciens de la Pan-American Exposition tenue en 1901. Il devient ensuite ingénieur adjoint pour Wallace C. Johnson, dont la firme de génie-conseil est en charge de travaux à Niagara Falls, puis à Shawinigan Falls (Shawinigan), au Québec, pour la Shawinigan Water and Power Company (SWPC). Smith entre finalement au service de cette dernière entreprise, où il mènera une brillante carrière. En 1903, il est nommé surintendant de la compagnie. Il devient surintendant général en 1906, ingénieur en chef en 1909 et vice-président en 1915. Il est déjà une figure clé de la haute direction de la SWPC, entreprise engagée dans plusieurs des grands projets hydroélectriques de l’heure au Québec, tels que la centrale des Cèdres près de Montréal, celles de La Gabelle et de Rapide-Blanc en Mauricie, et celle de L’Isle-Maligne au Saguenay. Smith serait également à l’origine du premier projet d’aménagement intégré d’un bassin versant – connu sous les noms de barrage et de réservoir Gouin – dans la province, ce qui lui vaudra d’être considéré comme « l’architecte du Saint-Maurice ».

Smith, qui obtient sa naturalisation le 19 juillet 1924, cumule de nombreuses responsabilités dans les multiples filiales créées à cette époque dans des domaines tels que le transport en commun, le génie, la construction de matériel électrique, la production et la distribution d’électricité, ainsi que la chimie. En 1933, en pleine crise économique, il accède à la présidence de la SWPC, fonction qu’il exercera jusqu’à sa mort. Sous sa direction, l’entreprise, alors l’une des plus importantes au Canada, parvient non seulement à traverser cette période difficile, mais adopte des orientations stratégiques qui jettent les bases de la forte croissance qui suivra. En 1939, les capitaux investis par la SWPC atteindront environ 235 millions de dollars, dont 180 pour le seul secteur de l’électricité. Dans le domaine de la chimie, par exemple, les activités de recherche financées durant la crise permettent la mise au point de nouveaux procédés qui, dans les années 1940 et 1950, feront de la Shawinigan Chemicals l’un des leaders à l’échelle nord-américaine.

Parallèlement à son avancée professionnelle, Smith devient un membre bien en vue de la grande bourgeoisie montréalaise et canadienne. Outre ses responsabilités au sein de la SWPC et de ses filiales, il siège notamment au conseil d’administration de la Banque royale du Canada, de la Dominion Bridge Company Limited et de la Montreal Light, Heat and Power Company. En 1928, il est nommé président de l’Engineering Institute of Canada. Peu enclin à prendre publiquement la parole, il rencontre néanmoins, en raison de ses hautes fonctions à la SWPC, d’éminents hommes politiques de la province de Québec, tels que Louis-Alexandre Taschereau* et Maurice Le Noblet Duplessis*. On le sollicite pour aider au dénouement de situations difficiles (comme les fortes tensions entre l’entreprise Duke-Price Power Company Limited, qui a rehaussé sans préavis le niveau du lac Saint-Jean en 1926, et la population saguenéenne [V. Honoré Mercier]), pour faire valoir la position des grands producteurs d’électricité dans le partage des ressources hydrauliques demeurées dans le domaine public, ou pour obtenir le soutien de l’État dans la formation et la consolidation de monopoles régionaux.

Smith a reçu plusieurs distinctions, dont deux doctorats honorifiques : l’un en 1922 de la Queen’s University, l’autre en 1928 de la McGill University, qui, par ailleurs, le nomme administrateur au début des années 1930. En 1939, peu après sa mort, un fonds commémoratif est créé pour offrir un soutien financier aux enfants des employés de la SWPC et de ses filiales désireux de poursuivre des études techniques ou scientifiques. Ce fonds, administré par l’Engineering Institute of Canada à partir de 1963, sera destiné aux étudiants en génie dans les universités du Québec. Aussi établie en 1939, la médaille Julian C. Smith, décernée annuellement pour une contribution au développement du pays, sera considérée comme la plus haute distinction attribuée par l’Engineering Institute of Canada.

Julian Cleveland Smith peut être vu comme un représentant exemplaire de la nouvelle génération de cadres qui émerge au Québec dans les premières décennies du xxe siècle. Dotés d’une solide formation scientifique et technique, ces derniers connaîtront une ascension économique et sociale qui changera largement le visage du milieu des affaires et du capitalisme.

Claude Bellavance

Julian Cleveland Smith a écrit plusieurs articles, notamment : « Some lightning phenomena », Sibley Journal of Engineering (Ithaca, N.Y.), 19 (1905) : 237–240 ; « Some experiences with lightning protective apparatus », American Instit. of Electrical Engineers, Trans. (New York), 24 (1906) : 935–944 ; « Design of high voltage transmission lines », Canadian Soc. of Civil Engineers, Trans. (Montréal), 26 (1912) : part. i : 318–334 ; et, en collaboration avec F. T. Kaelin, « New hydroelectric plant of the Shawinigan Water & Power Co. », Electrical World (New York), 59 (1912) : 953–959.

En 1997, Julian Cleveland Smith fils – ingénieur et professeur émérite de la Cornell Univ. à Ithaca – a rédigé avec D. L. Brook la biographie de son père : « Family history : Julian C. Smith, Sr., Buffalo, N.Y., and Montreal, P.Q. ». Il nous a fourni une copie de ce document inédit.

BAC, « Registres de naturalisation, 1915–1951 » : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/immigration/citoyennete-dossiers-naturalisation/registres-naturalisation-1915-1951/Pages/introduction.aspx (consulté le 24 juin 2014).— « Brooklyn Standard Union » : bklyn-genealogy-info.stevenmorse.org/Newspaper/BSU/index.html (consulté le 23 févr. 2016).— Cornell Alumni News (Ithaca), 10 oct. 1900.— Cornell Daily Sun (Ithaca), 3 févr. 1897.— Le Devoir, 26 juin 1939.— Elmira Daily Gazette and Free Press (Elmira, N.Y.), 8 févr. 1897.— La Patrie, 26 juin 1939.— Shawinigan Standard (Shawinigan Falls [Shawinigan, Québec]), 22 nov. 1933.— Christopher Armstrong et H. V. Nelles, Monopoly’s moment : the organization and regulation of Canadian utilities, 1830–1930 (Philadelphie, 1986).— Claude Bellavance, « l’État, la “houille blanche” et le grand capital : l’aliénation des ressources hydrauliques du domaine public québécois au début du xxe siècle », RHAF, 51 (1997–1998) : 487–520 ; « Patronat et entreprise au xxe siècle : l’exemple mauricien », RHAF, 38 (1984–1985) : 181–201 ; Shawinigan Water and Power, 1898–1963 : formation et déclin d’un groupe industriel au Québec ([Montréal], 1994).— J. B. C[hallies], « Julian Cleveland Smith », Engineering Journal (Montréal), 22 (juillet 1939) : 331.— J. H. Dales, Hydroelectricity and industrial development : Quebec, 1898–1940 (Cambridge, Mass., 1957).— Clarence Hogue et al., Québec : un siècle d’électricité (Montréal, 1979).— Instit. de la statistique du Québec et ministère de la Santé et des Services sociaux, Index des mariages et des décès du MSSS-ISQ-SGQ de 1926 à 1996 (CD-ROM, Québec, 2000).— M. W. Langford, « Shawinigan Chemicals Limited : history of a Canadian scientific innovator » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 1988).— D. [P.] Massell, Amassing power : J. B. Duke and the Saguenay River, 1897–1927 (Montréal, 2000).— National reference book on Canadian men and women with other general information for library, newspaper, educational and individual use (5e éd., Montréal, 1936).— J. C. Smith [fils], « An early sonar device » (document de travail 15/2003, préparé pour l’Instit. canadien des ingénieurs, avril 2003) : power.eng.mcmaster.ca/findlay/eicweb/archives/EIC%20H&A%20WP%2315%20high%20res.pdf (consulté le 29 févr. 2016).

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Claude Bellavance, « SMITH, JULIAN CLEVELAND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smith_julian_cleveland_16F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2019
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