SMITH, GEORGE WASHINGTON, barbier et vendeur de journaux, né le 15 mars 1845 à Charles Town (Virginie-Occidentale), fils de Washington Smith et d’une prénommée Sydney ; le 5 juillet 1866, il épousa à Toronto Eliza Jane Campbell, et ils eurent deux filles et trois fils ; décédé le 24 décembre 1921 dans cette ville.
George Washington Smith immigra au Canada en 1864, à l’âge de 18 ou 19 ans, et s’installa à Toronto. Deux ans plus tard, devant le ministre baptiste Thomas Ford Caldicott*, il épousa Eliza Jane Campbell, une jeune femme noire de Bowmanville. À ce moment-là, il pratiquait déjà le métier de barbier à son compte dans la rue King. Dès 1871, il offrait ses services au Queen’s Hotel de la rue Front et tenait en plus un salon à l’angle des rues King et York, le Colossal Shaving Parlour. « Bon bain rafraîchissant », « shampooing, rasage et coiffure faits avec propreté et civilité », promettait aux clients une annonce parue dans l’annuaire municipal de 1874. Manifestement, Smith avait trouvé sa voie : ses affaires allaient tellement bien qu’il avait aussi ouvert un salon à l’American Hotel, à l’intersection de Yonge et de Front.
Sur cette base, Smith put prospérer pendant des années. À peu près entre 1875 et le début du xxe siècle, noterait l’Evening Telegram au moment de son décès, il fut « bien connu dans les cercles d’affaires du centre de la ville ». Les salons de barbier qu’il tint à divers moments dans la rue Queen et à la gare Union, et de nouveau, périodiquement, dans la rue King, étaient fréquentés par bon nombre des grands hommes d’affaires torontois. En même temps, selon le Toronto Daily Star, son poids économique lui permit de devenir très en vue […] dans les cercles politiques de Toronto ». Bien que, en général, il ait été un fervent conservateur, il soutenait Robert John Fleming, maire populiste de tendance libérale qui se fit élire en critiquant les milieux d’affaires et en défendant les droits des ouvriers et la tempérance et qui, dans ses campagnes, faisait allusion à l’égalité des races et des sexes. Le fait que Smith appartenait aux Royal Templars of Temperance et qu’il était de race noire explique probablement qu’il ait appuyé Fleming même si, en tant qu’homme d’affaires, ce n’était pas dans son intérêt. Il prit la parole à quelques reprises en faveur de Fleming de 1891 à 1897 ; on le tenait pour un orateur divertissant et convaincant. Son affiliation à l’ordre d’Orange, à l’Ancient Order of Foresters et aux York Pioneers contribuait à consolider son statut et à le faire classer parmi l’élite de la « colonie de couleur » de Toronto.
Smith dut pourtant abandonner le métier de barbier vers 1909 ou 1910, probablement parce qu’il avait perdu la vue et peut-être à cause de son âge. Il est possible que le décès de sa femme, survenu en 1907, ait compliqué sa situation. Eliza Jane Campbell laissa à Smith et à leurs quatre enfants la demeure familiale, dont elle était propriétaire, mais stipula dans son testament que son mari ne pourrait en prendre possession qu’après avoir renoncé à toute autre prétention à sa succession. Smith réussissait à gagner sa vie en vendant des journaux. Le Globe rappellerait que son kiosque, situé à l’angle nord-ouest de la rue Queen et de l’avenue Spadina, avait été « le premier autorisé à des intersections dans la ville ». Ce détail témoigne de la considération dont Smith avait joui dans les années antérieures.
L’existence de Smith connut un dénouement tragique. On raconte que, par une froide nuit de décembre 1921, il tomba sur le poêle qui chauffait son kiosque à journaux. Transporté au Toronto Western Hospital, il mourut au bout de 24 heures, du « choc consécutif [à ses] brûlures » – une fin atroce pour cet aveugle de 77 ans. On l’inhuma au cimetière Mount Pleasant. Étant donné les circonstances, sa disparition ne passa pas inaperçue : le Globe, le Star et le Telegram publièrent tous de brèves chroniques sur lui. Les archives d’examen et d’enregistrement des testaments indiquent que sa succession se composait d’une propriété résidentielle, d’immobilier et d’obligations de la Victoire. Elle valait en tout 2 716,46 $, ce qui le situe parmi les membres peu nombreux de la bourgeoisie torontoise de race noire. Baptiste toute sa vie, il léguait 150 $ à l’église baptiste Beverley Street.
Le cas de George Washington Smith a de quoi intriguer. Dans l’histoire des Noirs au Canada, c’est une figure plutôt effacée. Pourtant, il eut une certaine notoriété aux yeux de ses contemporains, d’abord comme leader de la communauté noire de Toronto, puis comme personnage familier du coin des rues. Il faudra pousser les recherches plus avant pour déterminer si les Torontois de race noire étaient nombreux à le considérer comme un leader ou si on le croyait tel en raison de ses liens avec l’élite blanche de la ville et des efforts d’intégration qu’il déploya durant une grande partie de sa vie. Ce qui est certain, c’est que, au sommet de sa carrière, Smith avait réussi à se tailler une place, et ce, à une époque où les injures racistes et la discrimination dans le logement, dans la société et au travail étaient le lot de la plupart des membres de la « colonie de couleur » de Toronto.
AO, RG 22-305, nos 19521, 44223 ; RG 80-2-0-89, nº 36343 ; RG 80-2-0-156, nº 41673 ; RG 80-2-0-226, nº 42952 ; RG 80-8-0-804, nº 7475 ; RG 80-27-2, 67 : 1.— City of Toronto Arch., RG 5, F (assessment rolls), sub-ser. 1, 1834–1951.— Evening Telegram (Toronto), 28 déc. 1891, 27 déc. 1921.— Globe, 27 déc. 1921.— Toronto Daily Star, 27 déc. 1921.— Annuaires, Ontario, 1871 ; Toronto, 1867–1921
Barrington Walker, « SMITH, GEORGE WASHINGTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smith_george_washington_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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