Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3221445
SMITH, DONALD ALEXANDER, 1er baron STRATHCONA et MOUNT ROYAL, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company, homme d’affaires, homme politique, diplomate et philanthrope, né le 6 août 1820 à Fortes, Écosse, fils d’Alexander Smith et de Barbara Stuart ; il épousa Isabella Sophia Hardisty, sœur de Richard Charles* et de William Lucas* Hardisty, et ils eurent une fille ; décédé le 21 janvier 1914 à Londres.
Donald Alexander Smith naquit sur le littoral nord-est de l’Écosse. Au sortir de la Forres Academy, il fit un bref apprentissage auprès du greffier municipal. Inspiré par les exploits du trafiquant de fourrures John Stuart*, le frère de sa mère, il résolut d’entrer à la Hudson’s Bay Company. Il s’embarqua pour le Bas-Canada le 16 mai 1838 et, peu après son arrivée, fut embauché comme apprenti commis à Lachine. Quelques semaines plus tard, on le muta à Tadoussac sous l’autorité de William Connolly*. Son salaire initial de 20 £ par an augmenta chaque année jusqu’à ce qu’il soit promu commis en 1842 à un salaire de 100 £. À la fin de 1843, Smith fut placé à la tête de la seigneurie de Mingan, qui se trouvait à l’est de Tadoussac et s’étendait jusqu’à la côte labradorienne. Bien qu’on l’ait jugé réfléchi et entreprenant, le gouverneur de la compagnie, sir George Simpson*, s’emporta contre lui au cours d’une tournée d’inspection de son poste à l’été de 1845. Il critiqua le désordre de la salle de comptabilité, ses méthodes irrégulières de tenue de livres et son retard à produire les comptes annuels. Incidemment, l’écriture de Smith était mauvaise (elle empirerait avec les années), ce qui contribua peut-être à l’irritation du gouverneur. En 1846, un incendie détruisit le poste de Mingan, mais Smith resta sur place jusque dans les derniers mois de 1847. Il se rendit alors à Montréal pour recevoir des soins ; apparemment, le feu lui avait abîmé les yeux.
En janvier 1848, Smith alla prendre la relève de l’agent principal William Nourse dans le district de la baie des Esquimaux (inlet Hamilton, Labrador). Accompagné par trois guides autochtones et un lointain cousin, l’apprenti commis James Grant, il fit le trajet par voie terrestre et atteignit North West River en juin. À l’arrivée du chef de poste Richard Hardisty et de sa famille en août, il assuma la gestion du poste de Rigolet. En 1852, Hardisty s’absenta pour un congé ; en partie sur sa recommandation, Smith fut nommé chef de poste le 7 avril. La fille de Hardisty, Isabella Sophia, s’installa avec Smith et donna naissance à leur fille, Margaret Charlotte, le 17 janvier 1854. Isabella Sophia, dont la mère était d’ascendance autochtone et écossaise, avait épousé James Grant en juillet 1851, probablement au cours d’une cérémonie célébrée par son propre père. En juillet 1852, elle avait accouché d’un fils, James Hardisty Grant, mais le couple s’était séparé peu après, d’un commun accord semble-t-il. Toute sa vie, Smith pâtirait des circonstances de son mariage avec elle. La première union d’Isabella Sophia, à la façon du pays, n’avait aucune valeur légale ; la dissolution de cette union n’en avait pas non plus. Plusieurs fois, on poussa Smith à donner un caractère solennel à son alliance. Notamment sur le conseil de Simpson et pour mettre fin aux ragots, il tint lui-même une cérémonie à North West River en juin 1859, quoique, en général, il ait donné le 9 mars 1853 comme date officielle de leur mariage. Beaucoup plus tard, soit le 9 mars 1896, il épousa Isabella Sophia au Windsor Hotel, à New York, devant ses avocats de Wall Street, John William Sterling et Thomas Gaskell Shearman. Durant toute leur existence, les époux furent la cible de propos malveillants, mais l’attachement de Smith envers sa femme demeura intact. Quand ils étaient séparés, il lui écrivait ou lui envoyait un câble tous les jours. Il donna son patronyme au fils d’Isabella Sophia et l’aida de diverses manières. À la mort de Smith, les journaux émirent l’hypothèse que James Hardisty Smith réclamerait une part de la succession, mais il y renonça totalement. Il hérita de la maison de campagne de son beau-père à Pictou, en Nouvelle-Écosse, et des revenus d’un fonds en fiducie de 125 000 $ constitué pour ses enfants.
À son poste du Labrador, Smith avait fait preuve d’initiative et montré un esprit novateur. De temps à autre, ses méthodes administratives lui attiraient des reproches de Simpson, mais il lança, parallèlement à la traite des fourrures, des activités lucratives. Ainsi, il encouragea la Hudson’s Bay Company à investir dans des navires de transport et mit sur pied une conserverie de saumon qui s’avéra un succès. En 1862, il fut promu agent principal du district du Labrador. À compter de ce moment, il se rendit plus souvent au siège social de la compagnie, à Montréal. En 1865, il y rencontra pour la première fois son cousin George Stephen*. Celui-ci avait déjà de gros investissements dans des filatures et des sociétés de matériel roulant. Plusieurs années après, tous deux seraient associés à des membres éminents du milieu des affaires montréalais. Stephen conseillait Smith sur ses investissements ; Smith aidait Stephen à vendre ses lainages à la Hudson’s Bay Company. En 1868, Smith se joignit à Stephen, à Richard Bladworth Angus* et à Andrew Paton* au sein de la Compagnie manufacturière Paton de Sherbrooke. L’année suivante, il était associé à Stephen, à Hugh* et Andrew* Allan, à Edwin Henry King* et à Robert James Reekie à la Canada Rolling Stock Company.
La connaissance que Smith avait acquise du fonctionnement de la Hudson’s Bay Company et des possibilités qui s’offraient à elle impressionna les nouveaux administrateurs de l’entreprise lorsqu’il les rencontra en 1865 à la faveur d’un congé à Londres. En 1863, au cours d’une transaction qui avait transformé la Hudson’s Bay Company, société privée, en une société publique cotée à la Bourse de Londres, l’International Financial Society y avait acquis des intérêts majoritaires. Les nouveaux administrateurs s’intéressaient autant à la mise en valeur des terres qu’à la traite des fourrures. La chose inquiétait vivement les associés « hivernants » au Canada, dont la plupart estimaient la colonisation incompatible avec le commerce des pelleteries. En 1868, une fois entré dans les bonnes grâces du comité de Londres, Smith fut promu commissaire du département de Montréal. À ce titre, il administrerait les affaires de la compagnie dans la partie est de son territoire.
Au printemps de 1869, les négociations en vue du transfert des territoires de la Hudson’s Bay Company au Canada prirent fin à Londres. À la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), le chef métis Louis Riel* prit la tête de la résistance au projet de transfert. Le 10 décembre 1869, comme les tensions s’aggravaient, le premier ministre du Canada, sir John Alexander Macdonald*, nomma Smith commissaire spécial afin qu’il aide à les désamorcer. Smith allait rejoindre deux autres commissaires, Jean-Baptiste Thibault* et Charles-René-Léonidas d’Irumberry* de Salaberry. Il arriva à Upper Fort Garry (Winnipeg) le 27 décembre 1869 avec Richard Charles Hardisty. En usant de son influence de fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company et en distribuant des pots-de-vin, il chercha à obtenir un règlement pacifique et à faire libérer les membres du « parti canadien » [V. sir John Christian Schultz*] qui étaient incarcérés depuis le 7 décembre. Après sa rencontre avec Riel le 6 janvier 1870, il conclut à l’inutilité de négocier avec le conseil du chef métis. Au cours d’une assemblée publique tenue les 19 et 20 janvier, il exposa les instructions qu’il avait reçues de Macdonald et annonça que le gouvernement promettait de confirmer les titres fonciers des habitants et de leur assurer une représentation à un conseil territorial. Riel répondit en proposant de confier l’examen des instructions de Smith à un congrès de 40 représentants. Le 7 février, Smith invita le congrès à envoyer une délégation à Ottawa pour négocier. Entre-temps, Schultz, Charles Mair* et Thomas Scott* avaient rassemblé un groupe de volontaires pour renverser Riel et secourir les prisonniers. Dès le 15 février, les hommes de Riel capturèrent la plupart des volontaires près d’Upper Fort Garry. Charles Arkoll Boulton* et trois autres furent condamnés à mort, mais Riel se laissa fléchir après que Smith lui eut promis d’amener les paroisses anglaises de la Rivière-Rouge à soutenir le gouvernement provisoire. Cependant, malgré ses appels à la clémence, Smith ne put empêcher l’exécution de Scott le 4 mars. Quinze jours plus tard, il quitta Upper Fort Garry avec Hardisty afin de faire rapport à Macdonald à Ottawa.
Fort de son succès à la Rivière-Rouge, Smith accéda à la présidence du conseil du département du Nord de la Hudson’s Bay Company, poste dont William Mactavish*, qui gouvernait Rupert’s Land et Assiniboia au nom de la compagnie, avait démissionné pour des raisons de santé. En juin, Smith assista à la réunion du conseil à Norway House (Manitoba), puis il se mit en route pour la Rivière-Rouge. Il y arriva en août avec le colonel Garnet Joseph Wolseley, commandant de l’expédition militaire envoyée pour pacifier la rébellion. À la demande de Wolseley, il agit comme gouverneur intérimaire d’Assiniboia jusqu’à l’arrivée d’Adams George Archibald*, lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest. Invité à rester comme chef temporaire du département du Nord, il prendrait une part importante à la négociation des effets du transfert avec le gouvernement du Canada et à la réorganisation des activités de la Hudson’s Bay Company dans le Nord-Ouest. En 1871, un acte unilatéral modifia la convention qui régissait les activités de traite des fourrures de la compagnie depuis 1821, l’entente sur la participation des associés hivernants aux bénéfices. Désormais, les agents principaux et les chefs de poste auraient un revenu annuel garanti et partageraient les profits de la traite des fourrures et du commerce en général, sauf les revenus provenant de la vente des terres ou territoires de la compagnie. Le rôle de Smith dans cette négociation fut déterminant pour la compagnie et pour sa carrière. À Norway House, au printemps précédent, les associés hivernants lui avaient confié le mandat de les représenter auprès du gouverneur et du comité. La majorité d’entre eux trouvèrent l’entente finale satisfaisante, mais plusieurs la dénoncèrent en accusant Smith de les avoir sacrifiés pour son propre avancement et de les avoir privés de tout droit à une part du produit des ventes foncières de l’entreprise. En raison de l’habileté avec laquelle il avait mené les pourparlers, Smith passa au rang de commissaire en chef. Cette promotion lui assurait un salaire de 1 500 £ et le soustrayait à l’entente sur la participation aux bénéfices qu’il avait négociée. En tant que fonctionnaire supérieur de la Hudson’s Bay Company au Canada, il présiderait à la transformation de celle-ci en une société d’exploitation foncière et de colonisation.
Avec les encouragements de ses supérieurs, semble-t-il, Smith était devenu de plus en plus actif dans la politique du Nord-Ouest. Le 20 octobre 1870, Archibald l’avait nommé au Conseil exécutif – ce qu’il n’avait pas le pouvoir de faire, mais il l’ignorait [V. sir Francis Godschall Johnson*]. À la fin de décembre, Smith remporta, contre Schultz, le siège de Winnipeg and St John à l’Assemblée législative du Manitoba. Le 2 mars 1871, au cours d’une élection partielle, il conquit le siège de Selkirk à la Chambre des communes. Il remporterait à nouveau la victoire dans cette circonscription aux élections générales de 1872. Bien qu’il ait été conservateur, il ne se mêlait guère de politique partisane. Ses interventions étaient si peu variées qu’on le surnommait l’honorable député de la Hudson’s Bay Company. Il parlait peu aux Communes, et seulement de questions relatives au Manitoba et au Nord-Ouest.
Le 5 novembre 1873, Smith contribua à la chute du gouvernement Macdonald. Il en voulait depuis longtemps au premier ministre, car il lui avait réclamé en vain, à plusieurs reprises, le remboursement des dépenses qu’il avait engagées à titre de commissaire à la Rivière-Rouge. Avant de voter sur la motion de blâme présentée contre le gouvernement à cause du scandale du Pacifique, il renouvela sa requête, mais Macdonald, ivre et très déprimé au moment de leur rencontre, ne fit qu’aggraver leur différend. La majorité de Macdonald. avait déjà fondu ; la défection de Smith la réduisit à néant. Macdonald lui en garderait rancune durant des années.
Comme le gouvernement fédéral avait aboli le double mandat en mai 1873, Smith démissionna de son siège à l’Assemblée provinciale en janvier suivant. Aux élections fédérales de 1874, il affronta son ex-associé et ami Andrew Graham Ballenden Bannatyne*, homme de paille qu’on avait placé là pour assurer sa victoire, selon le Manitoba Free Press. Des échanges virulents et des insultes marquèrent ses relations avec les députés conservateurs. Sa réclamation fut réglée seulement en 1875, et encore, il y eut un vif débat aux Communes avant l’adoption de la motion visant à lui verser 600 £ plus les intérêts. Candidat dans Selkirk aux élections générales de 1878, Smith l’emporta par dix voix sur l’ancien lieutenant-gouverneur du Manitoba, Alexander Morris*, notamment grâce à un appui sans réserve de la part du Free Press. Deux fervents conservateurs, David Young* et Archibald Wright, contestèrent l’élection en alléguant qu’il y avait eu corruption. Au début, leurs démarches furent infructueuses, mais ils en appelèrent à la Cour suprême du Canada, et Smith fut privé de son siège en 1880. Il quitta la scène politique après avoir perdu l’élection partielle du 10 septembre.
En qualité de commissaire en chef, Smith modernisa le réseau de transport de la Hudson’s Bay Company, qui était lent et coûteux. L’entreprise participa directement à ces travaux qui transformèrent le Nord-Ouest ; nombre de ses principaux actionnaires firent de même à titre d’investisseurs privés. Smith encouragea la compagnie à construire sa propre flotte de vapeurs pour transporter des marchandises sur les lacs Winnipeg et Winnipegosis. En mai 1872, elle lança le Chief Commissioner, baptisé en l’honneur de Smith, mais ce bateau n’était pas fait pour affronter les eaux tumultueuses du lac Winnipeg. D’autres navires, mieux adaptés, ne tardèrent pas à rapporter des bénéfices. Bien que les débuts de Smith dans le transport dénotent une mauvaise planification, ses efforts subséquents furent vite couronnés de succès.
Au début des années 1870, Smith contribua à la création de plusieurs entreprises au Manitoba. En 1872, il parraina les projets de loi constituant juridiquement la Bank of Manitoba, la Central Telegraph Company et la Compagnie d’assurance de Manitoba, qu’il fonda avec Bannatyne et sir Hugh Allan. Aucune de ces sociétés ne fut très prospère, mais elles montrent qu’un nombre croissant de financiers montréalais choisissaient Smith comme intermédiaire pour investir au Manitoba. En outre, il avait de plus en plus d’intérêts ailleurs. En 1872, avec Stephen, Bennett Rosamond* et Donald McInnes*, il devint actionnaire de la Canada Cotton Manufacturing Company. Dix ans plus tard, avec Stephen et le beau-frère de celui-ci, James Alexander Cantlie, il fournirait du capital pour aider Rosamond à fonder une autre entreprise, l’Almonte Knitting Company.
Smith profitait de sa position à la Hudson’s Bay Company pour chercher où celle-ci et lui-même pourraient investir. Au début des années 1870, la compagnie se faisait solliciter au sujet d’une participation à des chemins de fer ; Smith lui-même participa à plusieurs entreprises de ce secteur. En 1871, un consortium où on le retrouvait aux côtés de Stephen, de sir Alexander Tilloch Galt* et de George Laidlaw*, entre autres, demanda une charte pour construire une ligne de Pembina (Dakota du Nord) au fort Garry, le chemin de fer de jonction de Manitoba. Bon nombre des mêmes hommes d’affaires réclamèrent aussi une charte pour construire une ligne du fort Garry à Fort William (Thunder Bay, Ontario). Dès 1872, le nom de Smith était associé au projet de transcontinental, bien qu’il ait nié publiquement sa participation. En 1875, il figurait parmi les fondateurs de la Compagnie du chemin de fer occidental de Manitoba, qui entendait relier le lac Manitoba à St Joseph (Walhalla, Dakota du Nord).
À n’en pas douter, Smith se laissait détourner de l’administration de la Hudson’s Bay Company par ses propres affaires. Périodiquement, il recevait des critiques de la part du gouverneur, sir Stafford Henry Northcote, qui se plaignait d’avoir à rédiger des rapports sur les ventes foncières à partir de renseignements glanés dans les journaux. En janvier 1873, l’agent principal inspecteur William Joseph Christie* revint furieux d’une tournée des postes de traite. Puis il se rendit en Angleterre pour faire savoir au comité de Londres que Smith négligeait le commerce des pelleteries et administrait mal les affaires de la compagnie. Smith fit le voyage lui aussi pour aller se défendre. Voyant que la compagnie ne prenait aucune mesure, Christie finit par démissionner. Cependant, en juillet 1873, la compagnie sépara officiellement la traite des fourrures et les ventes foncières, et confia à Smith la direction de toutes ses activités dans l’Ouest, à part la traite des fourrures, en le nommant commissaire des terres. James Allan Grahame* lui succéda au poste de commissaire en chef en 1874.
En raison de son intérêt pour la navigation à vapeur, Smith avait noué des rapports étroits avec des hommes d’affaires de St Paul, au Minnesota, dont James Jerome Hill et Norman Wolfred Kittson*, agent expéditionnaire de la Hudson’s Bay Company depuis 1862. Smith avait rencontré Hill pendant la rébellion de la Rivière-Rouge ; tous deux étaient résolus à améliorer le transport dans le Nord-Ouest. En 1872, Hill, Kittson et Smith (au nom de la Hudson’s Bay Company) formèrent une entreprise qui se révélerait lucrative, la Red River Transportation Company. En 1873–1874, Smith et Hill discutèrent de la possibilité d’acquérir le St Paul and Pacific Railroad. Mis en chantier dans les années 1860, ce chemin de fer qui devait relier St Paul à la Rivière-Rouge était sous séquestre. En mars 1876, Hill rencontra Smith à Ottawa pour mettre la dernière main à un contrat d’association. Bien que Hill et Kittson aient eu beaucoup d’expérience dans le domaine du transport, ils manquaient de capitaux. Smith s’adressa à Stephen, qui fit appel à une banque new-yorkaise, la J. S. Kennedy and Company, et à la Banque de Montréal, dont il était président. Dès mars 1878, le groupe contrôlait le chemin de fer, dont la construction recommençait à progresser en direction nord, vers la frontière. En même temps, Stephen et Smith tentaient de négocier une entente avec le gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie* pour louer la ligne que celui-ci construisait entre Saint-Boniface et Pembina, ce à quoi les leaders conservateurs au Parlement s’opposaient farouchement. Le consortium acheva la ligne jusqu’à la frontière en novembre 1878, puis commença les travaux pour la relier à la ligne canadienne. Le premier train arriva à Saint-Boniface le 3 décembre. La St Paul, Minneapolis and Manitoba Railroad Company vit le jour en mai suivant ; Smith appartenait au conseil d’administration et détenait un cinquième des actions. Cette entreprise fut l’assise de sa fortune, de celle de Stephen et de plusieurs autres. Peu après son achèvement, le chemin de fer rapporta des bénéfices d’exploitation ; il produirait régulièrement des dividendes et des recettes extraordinaires.
En 1878, les associés hivernants de la Hudson’s Bay Company chargèrent Smith de demander en leur nom, au comité de Londres, un salaire annuel de 200 £ par action. La compagnie leur offrit 150 £, ce qu’ils commencèrent par refuser. Devant l’inflexibilité des administrateurs et des actionnaires, Smith réussit à convaincre ses collègues d’accepter l’offre. Même s’il avait perdu l’appui de certains fonctionnaires de la compagnie, la plupart d’entre eux reconnaissaient qu’il était leur meilleur représentant puisque personne d’autre n’avait autant de poids auprès du conseil d’administration ni des actionnaires.
Smith démissionna du poste de commissaire des terres le 25 février 1879 en invoquant la nécessité de s’occuper davantage de ses « affaires privées », mais il demeura conseiller auprès de la compagnie. À cause de sa participation croissante à des sociétés ferroviaires, il se trouva en conflit avec son successeur, Charles John Brydges*, qui avait été nommé pour consolider les activités de la compagnie. Les deux hommes s’affronteraient en plusieurs occasions. Brydges soupçonnait Smith de comploter en vue de ternir la réputation de la Hudson’s Bay Company et d’en racheter les actions une fois qu’elles auraient perdu de la valeur. Effectivement, Smith en acquit un nombre considérable. En 1882, il en détenait 2 000 ; de 1883 à 1891, sa part passa à 4 000. De son côté, Smith voyait en Brydges une menace pour ses projets et son renom et le considérait comme un ennemi de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. En 1882, Brydges sortit indemne d’un examen de son administration, mais deux ans plus tard, la Hudson’s Bay Company nomma Smith et Sandford Fleming à un comité de supervision qui conseillerait le comité de Londres. L’entêtement avec lequel Smith chercha à dominer la compagnie pourrait s’expliquer par son conflit avec Brydges. Il atteindrait son but en 1889 : principal actionnaire, il serait élu gouverneur.
En 1880, Stephen avait commencé à négocier avec Macdonald le contrat de construction et d’exploitation du transcontinental. La place de Smith dans le consortium organisé par Stephen n’était pas un mystère, mais on ne la fit pas connaître publiquement à cause de l’animosité que Macdonald et d’autres conservateurs gardaient à son endroit. Bien que cette omission l’ait ennuyé, Smith n’entra officiellement au conseil d’administration qu’en 1883, après la démission de Hill. Il joua un rôle secondaire dans l’administration et la construction du chemin de fer, mais, sur le plan financier, il soutint fidèlement Stephen. Non seulement détenait-il beaucoup d’actions de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, mais il était aussi l’un des principaux actionnaires des compagnies que l’entreprise avait acquises pour compléter son réseau dans l’est du pays, soit la Toronto, Grey and Bruce Railway Company, la Crédit Valley Railway Company, la Compagnie du chemin de fer d’Ontario et Québec et la New Brunswick Railway Company. Durant les années 1884–1885, au moment où financer le chemin de fer canadien du Pacifique devenait de plus en plus difficile, Stephen et Smith fournirent des fonds d’exploitation en déposant en garantie leurs maisons, leurs investissements et leur actif dans la St Paul, Minneapolis and Manitoba Railroad Company et en puisant dans leurs comptes bancaires. L’importance de Smith pour le consortium tenait surtout à son appui financier et moral ; contrairement à Duncan McIntyre*, Hill et d’autres, il ne déserta pas le chemin de fer. Ce fut lui qui enfonça le dernier tire-fond au cours d’une modeste cérémonie tenue le 7 novembre 1885 à Craigellachie, en Colombie-Britannique – un des nombreux lieux de l’Ouest baptisés en l’honneur de Smith, de Stephen ou de leur pays natal.
Apparemment, lorsque Stephen démissionna de la présidence de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, le 7 août 1888, Smith s’attendait à prendre sa succession, mais le poste alla au vice-président et directeur général, William Cornelius Van Horne. Smith resta au comité directeur longtemps après le départ à la retraite de Stephen. À compter de la mise en exploitation du chemin de fer, Smith et Stephen investirent beaucoup dans les nombreuses sociétés qui en étaient tributaires, par exemple la Lake of the Woods Milling Company Limited [V. Robert Meighen], la Canada North West Land Company [V. William Bain Scarth*] et la Canadian Salt Company Limited. Tout comme Van Horne et Stephen, Smith plaça de fortes sommes dans l’immobilier à Vancouver : Même si la rentabilité du chemin de fer canadien du Pacifique ne les satisfaisait pas du tout, Stephen et Smith unissaient leurs efforts pour le protéger de la concurrence. En 1888, ils en étendirent le réseau jusqu’aux États-Unis en acquérant le Minneapolis, St Paul and Sault Ste Marie et le Duluth, South Shore and Atlantic. La même année, avec Angus, Van Horne et Charles Rudolph Hosmer, Smith participa à la fondation de la Federal Telephone Company, qui exploita le service téléphonique à Montréal jusqu’à sa vente à la Compagnie canadienne de téléphone Bell [V. Charles Fleetford Sise] en 1891. Smith fit également partie du consortium réuni en 1893 par le financier bostonien Henry Melville Whitney* pour former la Dominion Coal Company Limited. Son actif dans la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique était assez réduit. En 1901, il détenait seulement 5 000 actions. Pour ce qui était des chemins de fer, lui-même et Stephen investissaient surtout dans l’empire de Hill, alors en pleine expansion. Leurs actions de la St Paul, Minneapolis and Manitoba Railroad Company furent converties plusieurs fois après que Hill eut acquis des intérêts majoritaires dans le Great Northern et d’autres sociétés ferroviaires. En 1901, pendant la courte période où le Northern Pacific Railroad, le Great Northern et une troisième ligne, le Chicago, Burlington and Quincy Railroad, furent réunis en une société de portefeuille, la Northern Securities Company Limited, Smith en fut le troisième actionnaire en importance, après Hill et John Stewart Kennedy. Il détenait 54 000 actions à 115 $ chacune.
Smith participa à une foule d’entreprises à titre d’actionnaire, d’administrateur ou de président. Nommé pour la première fois au conseil d’administration de la Banque de Montréal en 1872, il en devint vice-président en juin 1882 et président en 1887. Sans être exclusivement décoratif, son rôle à la banque se réduisait plus ou moins à une participation aux réunions du conseil d’administration et aux assemblées annuelles. Dans les faits, ce fut George Alexander Drummond* qui exerça la présidence pendant une bonne partie de son mandat. En 1904, Smith demanda à être remplacé ; il fut nommé président honoraire l’année suivante et conserva ce titre jusqu’à sa mort. Comme il était respectable et investissait toujours dans les sociétés où il jouait un rôle, bien des établissements financiers naissants lui demandèrent d’être leur président. Il fut le premier à occuper ce poste, en 1891, à la Montreal Safe Deposit Company (la future Montreal Trust Company). En 1899, il assuma la présidence de la Royal Trust Company, où se trouvaient plusieurs administrateurs de la Banque de Montréal. Un grand nombre de sociétés le nommèrent à leur conseil d’administration, dont la London and Lancashire Life Assurance Company, la Compagnie manufacturière Paton, la New Brunswick Railway Company, la Dominion Coal Company, la Northern Life Assurance Company, la London and Canadian Loan and Agency Company, l’International Commercial Association et l’Association des banquiers canadiens.
Parfois en son propre nom, parfois pour d’autres, Smith eut des intérêts dans plusieurs journaux canadiens. En 1882, il tenta en vain de se porter acquéreur du Globe de Toronto afin de faire taire ses critiques à l’endroit de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique [V. Robert Jaffray]. En 1888, il prêta de l’argent au rédacteur en chef du Manitoba Free Press, William Fisher Luxton*. Cinq ans plus tard, il réclama un remboursement et prit le contrôle du journal. Luxton fut congédié et remplacé par un agent de publicité de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Clifford Sifton* racheta le Free Press en 1898.
Smith réintégra les Communes à titre de député conservateur indépendant de Montréal-Ouest en 1887 et fut réélu en 1891 avec la plus forte majorité au Canada. En février 1896, sur les instances du gouverneur général, lord Aberdeen [Hamilton-Gordon*], il tenta de rapprocher le gouvernement du Manitoba, dirigé par Thomas Greenway*, et les autorités catholiques, qui s’opposaient à la création d’un système scolaire unique, financé par des fonds publics et non confessionnel. Ses négociations avec le père Albert Lacombe, l’archevêque Adélard Langevin et Greenway ne suffirent pas à susciter des appuis pour la loi réparatrice présentée par le gouvernement de sir Mackenzie Bowell. Dans son dernier discours aux Communes, le 19 mars 1896, il insista sur la nécessité d’adopter cette loi. Bowell, qui démissionnerait le 27 avril, aurait préféré Smith comme successeur, mais ce dernier refusa. Sir Charles Tupper prit la direction du gouvernement après son élection en février, et nomma Smith pour le remplacer au poste de haut-commissaire à Londres le 24 avril 1896.
Élu à la tête du pays en juillet 1896, Wilfrid Laurier confirma Smith dans sa fonction de haut-commissaire. Cependant, il laissait ses ministres passer outre, à leur gré, à l’autorité du haut-commissariat. Comme la supervision de l’immigration relevait du haut-commissaire, Sifton, ministre de l’Intérieur, collabora avec Smith afin d’étendre le réseau clandestin qui cherchait à attirer des immigrants d’Europe en versant des primes aux agents des navires à vapeur. Cette stratégie fut maintenue malgré les protestations officielles du gouvernement de l’Allemagne. En général, Smith préconisait des mesures tolérantes en matière d’immigration. Il conçut un plan en vue de favoriser la venue d’immigrants de la Barbade, mais Sifton le dissuada de l’appliquer car il croyait les Noirs inaptes à mener une vie de colons dans les Prairies. Agacé par l’indépendance de Smith, Sifton nomma l’organisateur libéral William Thomas Rochester Preston* à la direction des nouveaux bureaux de l’immigration à Londres le 13 janvier 1899. Smith et Preston créèrent la North Atlantic Trading Company afin de réunir des agents de navires à vapeur pour la promotion de l’émigration, mais ils ne tardèrent pas à se quereller sur diverses questions. Preston finit par être relevé de ses fonctions. Son renvoi l’amena à écrire une biographie de Smith, The life and times of Lord Strathcona. Parue à Londres en 1914, elle regorgeait d’insinuations selon lesquelles Smith avait bâti sa fortune par des transactions louches.
Au début de 1900, pendant le houleux débat sur la participation du Canada à la guerre des Boers, Smith offrit publiquement au gouvernement de la Grande-Bretagne de lever et d’équiper un régiment à ses frais. Pour éviter la controverse, l’unité serait recrutée au Canada mais ferait partie de l’armée britannique. Samuel Benfield Steele, de la Police à cheval du Nord-Ouest, fut chargé de recruter et de commander l’unité, à laquelle on donna le nom de Lord Strathcona’s Horse. Équiper le régiment, qui comprenait 28 officiers et 572 sous-officiers, coûta à Smith plus de un million de dollars : ce fut l’une de ses donations les plus imposantes. Bien que son offre ait permis au gouvernement Laurier de se tirer d’embarras et ait reçu bon accueil de la population canadienne, Henri Bourassa* et d’autres anti-impérialistes la dénoncèrent.
Malgré son âge, Smith demeurait un travailleur infatigable. Il refusait son salaire de haut-commissaire, qui était de 10 000 $. Il offrit de démissionner en 1909, mais Laurier lui demanda de rester en poste. Le 30 juin 1911, le premier ministre annonça que sir Frederick William Borden remplacerait Smith ; cependant, son gouvernement tomba avant que la nomination n’ait eu lieu. Smith offrit à nouveau sa démission quand Robert Laird Borden* prit le pouvoir, mais celui-ci la refusa. Il demeurerait haut-commissaire jusqu’à son décès.
À l’issue de la guerre des Boers, Smith était peut-être le personnage de tout l’Empire le plus reconnaissable à Londres. Riche, mûr, énergique et généreux, il exerçait un attrait immense. Un fait atteste son envergure : en 1904, William Knox D’Arcy, qui cherchait du pétrole en Perse, lui offrit la direction d’un consortium dont la Burmah Oil Company ferait partie. L’entreprise séduisit Smith, qui avait foi en l’Empire. Elle avait d’ailleurs reçu l’aval de divers ministères britanniques, car le gouvernement de Londres était impatient d’avoir une base en Perse et du carburant pour son armée. Smith souscrivit 50 000 £ à peu près sans hésitation. En outre, il joua un rôle dans l’Anglo-Persian Oil Company Limited, formée par la Burmah Oil pour exploiter ses découvertes en Perse. Il en devint le premier président en février 1909 et, même s’il était octogénaire, il ne se contenta pas de porter le titre. Il participa à l’établissement de la compagnie et de la structure de ses actions ainsi qu’au choix des banquiers, courtiers et administrateurs. Aucun particulier ne détenait plus d’actions que lui : 30 000 sur un million d’actions ordinaires. En grande partie grâce à ses efforts, la compagnie devint le principal fournisseur de la marine britannique et elle évita la fusion avec la Royal Dutch Shell, car il convainquit le gouvernement de Londres d’acheter les deux tiers des actions, qui formèrent l’embryon de la British Petroleum. Il demeura président jusqu’à sa mort et sa famille conserva un grand nombre d’actions.
À cause de ses réalisations, Smith récolta beaucoup d’honneurs. Nommé chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en mai 1886 pour sa participation à la construction du chemin de fer canadien du Pacifique, il reçut la grand-croix du même ordre dix ans plus tard. Le 14 avril 1896, il avait été admis au Conseil privé du Canada. Au printemps de 1897, le secrétaire d’État aux Colonies, Joseph Chamberlain, l’informa de son élévation prochaine à la pairie. En apprenant qu’il avait choisi le titre de lord Glencoe, du nom d’une vallée où des chefs de clan écossais avaient été massacrés en 1692 et dont il avait fait l’acquisition peu de temps auparavant, des collègues le convainquirent de reconsidérer son choix. Il créa le nom de Strathcona, variante gaélique de Glencoe. Grâce à des pressions de Tupper et de Chamberlain, une deuxième pairie, créée le 26 juin 1900, viendrait supplanter la première et lui permettrait de transmettre son titre aux héritiers mâles de sa fille. Au cours de l’été de 1898, Smith prononça son premier discours à la Chambre des lords. En 1904, il entra à la Royal Society of London et reçut la médaille Albert pour ses contributions au transport ferroviaire. Il fut nommé grand-croix du Royal Victorian Order en 1908 et « chevalier de grâce » de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem en 1910.
Smith se range parmi les philanthropes les plus généreux du début du xxe siècle : ses donations et legs dépassent les 7 500 000 $. Son premier don digne de mention – une somme de 30 000 $ à une école de filles à Montréal, le Trafalgar Institute – remonte à 1883. Ses plus gros présents datent d’après l’achèvement du chemin de fer canadien du Pacifique ; il fit un bon nombre d’entre eux conjointement avec Stephen. En 1887, ils annoncèrent un don de un million de dollars pour la construction d’un hôpital qui offrirait des soins gratuitement à Montréal et achetèrent pour 86 000 $ un emplacement sur le mont Royal. L’hôpital Royal Victoria ouvrit ses portes en 1893 et, en 1897–1898, Smith lui remit un million de dollars de titres de la Great Northern Railroad Company. En 1902, lui-même et Stephen versèrent chacun 200 000 £ à une caisse d’aide aux hôpitaux londoniens, le King Edward’s Hospital Fund. Il léguerait 10 000 £ au Leanchoil Hospital de Forres et 8 000 £ à d’autres hôpitaux du Royaume-Uni.
Toutefois, Smith réserva ses plus grandes largesses à la McGill University. Le 11 septembre 1884, il demanda au directeur, sir John William Dawson*, si l’université accepterait 50 000 $ pour doter les deux premières années d’un cours réservé aux femmes. Bien que son offre n’ait pas été sollicitée par Dawson et qu’elle n’ait pas été tout à fait conforme aux vues de celui-ci sur l’éducation des femmes, la direction de McGill accepta. On ignore pourquoi Smith s’intéressait à l’instruction féminine, mais, selon l’historienne Margaret Gillett, ce serait l’éducatrice montréalaise Lucy Stanynought (Simpson) qui l’aurait encouragé à faire ces dons à McGill. En hommage au donateur, on surnomma « Donaldas » les premières étudiantes de cette université. Le 16 octobre 1886, Smith versa 70 000 $ pour les troisième et quatrième années, complétant ainsi la dotation qui serait connue sous le nom de Donalda Endowment for the Higher Education of Women. En 1896, il commença à réaliser sa promesse de bâtir un collège pour femmes. Il donna 300 000 $ pour la construction du Royal Victoria College et confia la réalisation des plans à l’architecte Bruce Price*. Après qu’un autre bienfaiteur de McGill, sir William Christopher Macdonald, eut laissé entendre que le nouvel immeuble serait un fardeau financier pour l’université, Smith établit une dotation de un million de dollars. L’inauguration du collège eut lieu en 1900.
La faculté de médecine bénéficia aussi de la générosité de Smith. En 1883, il avait versé 50 000 $ à sa dotation. En 1888, son unique enfant, Margaret, épousa le docteur Robert Jared Bliss Howard, fils du doyen de la faculté, le docteur Robert Palmer Howard*. Bien que lui-même et sa femme n’aient pas été entièrement favorables à ce mariage, Smith devint ensuite l’un des grands bienfaiteurs de la faculté : il lui donnerait 750 000 $ de son vivant. En outre, il versa des fonds pour construire à McGill un édifice destiné à la Young Men’s Christian Association, le Strathcona Hall. Il fournit 100 000 $ au ministre de la Milice et de la Défense pour les quartiers de formation des officiers à cette même université. Nommé au conseil d’administration de McGill peu après sa première donation, il fut élu chancelier en 1888 et joua des rôles protocolaires jusqu’à sa mort. En 1894–1895, il recruta le nouveau recteur, William Peterson*.
Smith fit aussi des dons à d’autres maisons d’enseignement. En 1899, sur les instances de Joseph Chamberlain, chancelier de la University of Birmingham, il contribua à la collecte de fonds de cet établissement en versant 50 000 £. En 1904, il donna 20 000 $ à l’université de Manitoba. Il participait aux affaires des collèges qui allaient former cette université depuis le début des années 1870 : à l’époque, au nom de la Hudson’s Bay Company, il avait offert une concession foncière pour la construction du Wesley College. Il appartint au conseil d’administration du collège de Manitoba pendant 40 ans, de 1874 à 1914, mais n’inscrivit pas l’université dans son testament. Recteur de la University of Aberdeen de 1899 à 1902, il en fut chancelier jusqu’à sa mort. Le banquet organisé par lui pour le quatrième centenaire de cet établissement, en 1906, fut mémorable : il avait fait construire, pour l’occasion, une salle de 3 000 places. Il donna 500 000 $ à la Yale University, 10 000 £ à la University of Aberdeen et 30 000 £ à une composante de celle-ci, le Marischal College. Ses autres donations à des universités et collèges du Canada, de la Grande-Bretagne et des États-Unis sont trop nombreux pour qu’on les mentionne. En raison de ses titres de chancelier et de ses largesses, au moins 14 universités lui décernèrent des diplômes honorifiques.
Donner une liste exhaustive des autres dons de Smith serait trop long. En 1902 par exemple, il en fit environ 120 – de fortes sommes à des universités et de plus modestes à diverses organisations : églises, clubs de raquettes, patronages pour garçons, monastères. Parfois, il gardait l’anonymat ; dans d’autres cas, une publicité massive entourait son geste. Protecteur des musiciens, il dota des bourses à Montréal et au Royal College of Music en Angleterre pour permettre à des Canadiens d’étudier là-bas. Encouragé par le ministre de la Milice et de la Défense, sir Frederick William Borden, il subventionna la formation militaire des jeunes. Sous l’impulsion de sa fondation, le Strathcona Trust, maintes localités et écoles promurent les manœuvres et la culture physique. À l’aide des dons de Smith, qui dépassaient les 500 000 $, cette fondation développa le mouvement des cadets, qui regroupait 40 000 membres dès 1913. En outre, Smith versa 150 000 $ pour financer des immeubles du YMCA au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Nouvelle-Écosse. Parrain du fils de Robert Stephenson Smyth Baden-Powell, il contribua à la formation du mouvement des scouts et fit un legs pour en favoriser l’expansion au Canada. Il fut le principal soutien de Wilfred Thomason Grenfell*, le médecin anglais qui fonda des missions pour les collectivités installées le long des côtes de Terre-Neuve et du Labrador. Il donna à Grenfell un vapeur qui servirait de navire-hôpital, le Sir Donald, et le remplaça en 1899 par un vapeur d’acier, le Strathcona. Paroissien de l’église presbytérienne St Paul de Montréal, il offrit à celle-ci un orgue, sous le couvert de l’anonymat, et légua 25 000 $ au collège presbytérien de Montréal.
Smith était réputé pour la magnificence de son hospitalité. Au Manitoba, il acheta Silver Heights, l’ancienne résidence du lieutenant-gouverneur Archibald. Les dignitaires s’extasiaient devant ses jardins et devant ses bovins des Highlands (il fut le premier à en importer au Canada). À Montréal, il acheta rue Dorchester (boulevard René-Lévesque) une maison qu’il agrandit trois fois. Il la fit recouvrir de grès brun et y ajouta une vaste serre et un escalier qui, dit-on, coûta 50 000 $. En 1895, il acquit la maison adjacente, celle de Duncan McIntyre, pour loger ses invités. En 1900, il engagea Edward Maxwell* pour qu’il relie les deux maisons par une serre.
Smith exposait sa collection de tableaux et d’objets d’art dans sa résidence. Bon nombre de ses toiles étaient académiques ; la plupart avaient été présentées au Salon de Paris ou à la Royal Academy of Arts à Londres. Président de l’Association des beaux-arts de Montréal en 1891, il possédait des œuvres des artistes canadiens Cornelius Krieghoff*, Otto Reinhold Jacobi*, John Arthur Fraser* et Homer Ransford Watson*. Souvent, il invitait des gens à voir sa collection ; certains, dont lord Minto [Elliot], trouvaient que « la maison [était] décorée avec un goût navrant ». Sa collection d’objets d’art était immense et comprenait notamment un vaste choix de pièces orientales. Les biens meubles conservés dans sa maison étaient évalués à 550 000 $, dont 219 000 $ en tableaux et 210 000 $ en antiquités japonaises. En 1928, son petit-fils donna plus d’une centaine de toiles à l’Association des beaux-arts de Montréal.
Des membres de la vice-royauté et de la royauté logèrent souvent dans les maisons de Smith. Tant à Londres qu’à Montréal, il faisait partie du gratin. Le nombre de dignitaires canadiens et impériaux évoluant dans leurs beaux atours à la réception qu’il donnait à ses frais chaque année à Londres pour la fête du dominion pouvait dépasser un millier. D’ailleurs, la popularité de cette réception et l’avantage d’avoir un homme riche comme haut-commissaire pourraient expliquer en partie pourquoi Laurier le laissa en poste. En 1899, Smith loua de lord Lytton un domaine appelé Knebworth House, dans le Hertfordshire. Puis, en 1903, il s’offrit Debden Hall, dans l’Essex ; ce manoir, qui n’était pour lui qu’une résidence secondaire, lui coûta 138 000 £. En 1894, il avait acquis l’emplacement de la bataille de Glencoe, dans les Highlands d’Écosse. Sur ce vaste domaine, il bâtit une maison spacieuse, avec l’électricité et le chauffage central ; il y employait un personnel nombreux. Le National Trust for Scotland se porterait acquéreur de l’emplacement en 1935. Smith acheta en 1904 l’île Colonsay, dans les Inner Hebrides. Il s’y rendait rarement, mais elle devint le refuge favori de sa famille, qui aimait la tranquillité. On lui reconnaît le mérite d’avoir stabilisé l’économie de l’île et d’en avoir endigué la dépopulation.
Smith avait des goûts simples : il préférait l’eau de Seltz au whisky, ne dormait pas plus de six heures par nuit et prenait deux repas frugaux par jour (selon ses dires, son plat favori était le porridge). Son endurance était remarquable. Même lorsqu’il eut dépassé l’âge de 80 ans, la plupart des membres du personnel de son bureau avaient du mal à travailler autant que lui.
Isabella Sophia Hardisty Smith mourut à Londres le 12 novembre 1913. Après qu’elle-même et son mari eurent quitté les avant-postes de traite et se furent intégrés à la société de Winnipeg, de Montréal puis de Londres, elle avait été en butte aux sarcasmes et aux préjugés. En privé, les aristocrates anglais qui acceptaient son hospitalité en parlaient comme d’« une vieille squaw austère et malcommode » ou la surnommaient « Notre-Dame des neiges ». Smith et leur fille préservaient jalousement sa réputation. Par des menaces de poursuites judiciaires, ils firent rayer de plusieurs biographies les passages concernant ses origines autochtones et son histoire maritale. Décédé le 21 janvier 1914, Smith fut inhumé aux côtés de sa femme dans un somptueux mausolée au cimetière Highgate de Londres. On estima la totalité de sa succession à 28 867 635 $. À compter de ses débuts au Labrador, il avait soutenu financièrement sa parenté. La valeur des fonds de fiducie créés par lui pour ses héritiers et successeurs dépassait 26 500 000 $.
Déjà très connu au Canada au moment de sa nomination à Londres, Smith en vint à personnifier la réussite que l’Empire offrait à ses citoyens. Pourtant, au cours de sa carrière, ce philanthrope raffiné avait connu de rudes épreuves et s’était parfois montré impitoyable. Son ascension rapide à la Hudson’s Bay Company dans les années 1860 s’explique par le fait qu’il se trouva au bon endroit au bon moment, par ses talents de vendeur et par ses solides relations. Parmi les fonctionnaires de l’entreprise, il était le seul de sa génération à avoir à la fois de l’expérience, des intérêts financiers à Montréal et un siège de député à Ottawa. Grâce à cette combinaison unique d’atouts, il put saisir les occasions qui se présentaient et défendre à la fois ses propres intérêts et ceux de la compagnie.
Smith fut à l’origine de l’expansion effrénée que la Hudson’s Bay Company donna au transport dans l’Ouest. Mieux que ses supérieurs, il comprit que l’avenir de l’Ouest et de l’entreprise résidait dans les chemins de fer et les terres. Même quand ses intérêts se multiplièrent, il ne quitta pas l’entreprise, mais il lui accorda une attention sporadique pendant les 30 dernières années de sa vie. Dernier des gouverneurs impériaux de la Hudson’s Bay Company, il fut aussi le seul, dans l’histoire de cette entreprise, à avoir commencé au bas de l’échelle. Ses 75 années d’association avec la compagnie demeurent un record.
Indifférent aux règles de la politique, Smith montra peu de jugement dans cet aspect de sa carrière. Jamais à l’aise à l’intérieur des limites imposées par l’électorat ou le parti, il fut d’abord considéré comme le député de la Hudson’s Bay Company, mais on en vint à le définir, plus justement, comme le représentant de ses propres intérêts. Néanmoins, avoir un pied en politique lui permit de jouer des rôles déterminants dans des événements majeurs de la vie parlementaire du Canada. Par contraste, il se montra à la fois audacieux et brillant dans ses investissements et dans le choix de ses associés. En mettant en contact Hill et Stephen, il donna l’impulsion à quelques-uns des chemins de fer les plus rentables de l’Amérique du Nord. Bien qu’il ait rarement été associé principal, il participa à bon nombre des entreprises qui réussirent le mieux dans les années 1880 et 1890. Investisseur plutôt que financier, il avait deux qualités précieuses : l’habitude d’investir de fortes sommes, et beaucoup de patience. À la présidence de plusieurs grands établissements financiers et sociétés de fiducie, il faisait vraiment très bonne figure : il présentait une image familière de dignité, de succès et de solidité.
Donald Alexander Smith voulait une place éminente dans la société ; cette place, il l’occupa résolument. Toujours un peu mal à l’aise en raison des stigmates attachés aux origines autochtones de sa femme et aux rumeurs sur leur mariage, il acquit tous les signes extérieurs qui distinguaient l’élite victorienne. Cependant, à l’encontre de bien des hommes d’affaires des deux côtés de l’Atlantique, il n’était pas avare de ses idées ni de son temps, et ses donations furent d’une variété et d’une générosité remarquables. Certes, il n’édifia pas d’empire commercial ni d’œuvre de charité durables, mais il n’exerça pas le pouvoir au détriment des individus ou des continents. De tous les personnages qui, partis de rien, firent fortune au Canada, il demeure le plus illustre.
Certains discours de Donald Alexander Smith qui ont été publiés, notamment Imperialism and the unity of the empire [...] ([Londres ?, 1900 ?]), sont énumérés dans le Répertoire de l’ICMH. En plus des sources citées plus bas, des dossiers concernant Smith aux Arch. de la Banque de Montréal et aux Arch. du Canadien Pacifique (Montréal) ont été utiles dans la préparation de cette biographie. [a. r.]
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Alexander Reford, « SMITH, DONALD ALEXANDER, 1er baron STRATHCONA et MOUNT ROYAL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smith_donald_alexander_14F.html.
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Auteur de l'article: | Alexander Reford |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |