SMITH, CHARLES-GUSTAVE, peintre, musicien, professeur de musique, auteur, imprimeur, journaliste, fonctionnaire et inventeur, né le 14 février 1826 à Londres, fils d’Alcibiado Smith et d’Amélie Eméric ; le 19 août 1857, il épousa à Montréal Louise-Émilie-Hermine Leprohon, et ils eurent neuf enfants, dont trois fils et une fille qui vécurent au delà de la petite enfance ; décédé le 6 février 1896 à Ottawa.
Malgré son nom et son lieu de naissance, Charles-Gustave Smith était de culture française et s’exprimait surtout en français. Son grand-père paternel, un Anglais, avait été un fabricant de machines et de munitions prospère près de Londres. Comme il faisait de bonnes affaires avec Napoléon, s’établir à Paris lui avait paru opportun. Le père de Charles-Gustave avait, semble-t-il, fait une partie de ses études à la University of Oxford ; sa mère venait de Bâle en Suisse. Charles-Gustave naquit pendant que ses parents étaient en visite à Londres. Sa mère, douée pour la musique, lui donna des leçons de piano jusqu’à l’âge de huit ans ; elle le confia ensuite à son ancien professeur, Pierre-Joseph-Guillaume Zimmermann, du conservatoire de Paris. Le jeune Charles-Gustave prit des cours à cette école durant huit ans, même s’il semble ne jamais y avoir été inscrit officiellement. Pour des raisons de santé, il dut se rendre à Marseille en 1844. Au cours des années qui suivirent, il voyagea beaucoup en Europe, en Afrique du Nord et en Inde, accumulant ainsi des expériences qui inspireraient plus tard ses conférences et ses écrits. En 1848, de retour en France, il se battit à titre de caporal sous la bannière républicaine ; blessé au combat tandis qu’il portait secours à un camarade blessé, il refusa la pension à laquelle il avait droit. En 1856, il obtint un diplôme du conservatoire et traversa l’Atlantique.
Après un court séjour aux États-Unis, où Smith travailla pour un peintre, il s’établit à Montréal en mars 1856 et trouva un emploi chez un peintre allemand du nom de Ruther. Il rencontra le sculpteur sur bois Louis-Xavier Leprohon, dont il épousa la fille en 1857, après s’être converti au catholicisme. La société montréalaise stimula son triple talent de musicien, de peintre et d’auteur. Il enseigna la musique au couvent des Religieuses du Sacré-Cœur à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord), rédigea des manuels d’enseignement de la musique, et écrivit des articles et des critiques sur la musique pour des revues ; vers 1860, il fut organiste et maître de chapelle à l’église St Patrick. En 1863, il ouvrit une petite imprimerie sous la raison sociale de Gustave Smith et Leprohon et, au début de l’année suivante, il prit en charge la rédaction et l’impression du périodique les Beaux-Arts qu’avait lancé Adélard-Joseph Boucher en avril 1863. Smith en fit « une revue des sciences, des lettres, de l’industrie », mais le faible nombre d’abonnements fit disparaître le magazine après la parution du numéro de mai 1864. Un peu plus tard, probablement pour des raisons de santé, Smith retourna vers le climat plus clément des États-Unis. À New York, il renoua avec son ami Marie-Hippolyte-Antoine Dessane*, musicien français qu’il avait rencontré à Québec en 1858. Après un an à New York, il se rendit à La Nouvelle-Orléans, où il travailla comme professeur de musique et musicien d’église jusqu’à son établissement à Ottawa en 1868. Pendant son séjour à La Nouvelle-Orléans, il avait appris du consul de France que sa bravoure au combat en 1848 lui valait, avec 12 ans de retard, le titre de chevalier de la Légion d’honneur.
À Ottawa, la principale activité musicale de Smith fut son travail d’organiste à la basilique Notre-Dame. Il remplit cette fonction de 1868 à 1892, malgré probablement quelques interruptions (une revue musicale de l’époque signala en 1882 qu’il avait remis sa démission). Smith enseigna la musique au couvent des Sœurs grises [V. Élisabeth Bruyère*] et au collège d’Ottawa [V. Joseph-Henri Tabaret*] ; il donna aussi des cours privés de chant et de piano. Une attaque d’apoplexie le laisserait paralysé en novembre 1894.
Entre 1870 et 1892, Smith travailla le jour comme dessinateur et commis pour le département fédéral de l’Agriculture, celui des Chemins de fer et des Canaux, et celui des Travaux publics. Dans le cadre de ses travaux de cartographie, il inventa et fit breveter une nouvelle façon d’utiliser de l’aquarelle sur toile, qu’il appela méthode au kaolin. En entrant à la fonction publique, Smith cessa les activités de critique musical qu’il exerçait depuis 1868 pour le Canada d’Ottawa ; cependant, de janvier à octobre 1870, il fut rédacteur en chef pour le Courrier d’Ottawa/Ottawa Courier (qui devint peu de temps après le Courrier d’Outaouais). Il continua de rédiger des articles sur la musique et les arts, et donna à l’occasion des conférences sous les auspices de l’Institut canadien-français d’Ottawa.
Charles-Gustave Smith se fit davantage remarquer à titre de professeur et d’auteur qu’à celui d’exécutant ou de compositeur. Son érudition était largement reconnue et ses manuels d’enseignement firent l’objet d’une vaste diffusion ; à cet égard, il surpassa tous les maîtres de musique de son temps au Canada. Son manuel intitulé Abécédaire musical [...], publié pour la première fois à Montréal en 1861, connut une 78e édition en 1920. Les compositions qui subsistent, environ 15 pièces religieuses de piano et de musique vocale, sont des œuvres sans importance du point de vue musical, et ses textes ont tendance à moraliser sur le « Vrai » et le « Bien » ; cependant, l’une de ses séries d’articles, intitulée « Du mouvement musical en Canada » et publiée à Montréal dans l’Album musical tous les mois pendant un an à partir de décembre 1881, revêt de l’importance du fait qu’elle représente l’une des premières chroniques de la vie musicale. Progrès ou déclin ? C’est la question que Smith pose et, d’après son expérience de 25 ans au Canada, il aboutit à une conclusion plutôt négative et déplore les tendances croissantes vers la superficialité et le mercantilisme. L’idéalisme dont il fit preuve au sein de sa collectivité fit sans doute contrepoids à ces tendances ; sa notice nécrologique le décrivait comme un gentleman aimable et plein de bonne volonté qui ne connaissait pas d’ennemis.
La première publication connue de Charles-Gustave Smith est une série de huit articles sur l’enseignement de la musique écrits pour le Pays (Montréal), 2 févr.–27 mai 1858. Ils furent suivis de Compte rendu de la réception de l’orgue de la chapelle Wesleyenne, le 5 février 1861 (Montréal, 1861) ; « Musique et Musiciens », l’Écho du Cabinet de lecture paroissial (Montréal), 4 (1862), 16 janv.–15 oct. (publié sous le pseudonyme de Diérix) ;d’une lettre en anglais sur la question des examens de musique publiée dans le Foyer domestique (Ottawa), 3, no 7 (14 févr. 1878), et dans l’Ottawa Daily Citizen, 2 sept. 1878 ; et d’une série de 13 articles (numérotés I–XII, un article sans numéro étant inséré entre les nos III et IV) appelée « Du mouvement musical en Canada », l’Album musical (Montréal), déc. 1881–déc. 1882.
Il est aussi l’auteur d’une série d’articles sur l’art qui ont paru dans le Foyer domestique : « Études sur les beaux-arts », 1, nos 1–3 (1er mars–1er juin 1876) ; « [...] iième étude : notions générales sur les arts du dessin », 1, no 4 (1er juill. 1876)–3, no 3 (1er mars 1877) ; and « [...] iiième étude : des couleurs », 3, no 5 (1er mai 1877)–no 35 (1er déc. 1878) ; ainsi que de deux courts articles dans le même journal : « Chronique musicale », 4, no 3 (1er mars 1879) et « les Livres », 5, no 5 (ler mai 1880).
Un manuscrit incomplet, daté de 1895, « Souvenirs et Relations de voyages (1826–1844–1856) » est conservé dans la ms coll. de la Bibliothèque nationale du Canada, Division de la musique (Ottawa), ainsi que le sont deux conférences que Smith a prononcées à l’Institut canadien-français d’Ottawa : « Souvenirs et Anecdotes » et « les Erreurs de la société moderne ».
Le premier des livres d’enseignement de la musique de Smith fut annoncé dans la Minerve, 9 août 1859. Comme aucun exemplaire de l’ouvrage intitulé « le Parfait Musicien ; ou, Grammaire musicale » n’a été retrouvé, il se peut qu’il ait été publié deux ans plus tard sous le titre de Abécédaire musical contenant la théorie simplifiée des principes élémentaires appliquée à l’étude d’un instrument ou de la voix (Montréal, 1861). L’œuvre a connu un tirage exceptionnel ; la 38e édition fut publiée à Montréal en 1901, la 78e en 1920. Seules les deuxième et troisième éditions du Guide de l’organiste practicien [...] sont connues (Montréal, 1874 et 1879). Deux manuels ultérieurs sont intitulés le Claviste ; ou, Petite Méthode pratique pour le piano [...] (Ottawa, 1890) et le Gamma musical ; ou, Exposé raisonné des principes de la musique [...] (Ottawa, 1891 [copyright date 1887]). [h. k.]
AN, Division des arch. cartographiques et architecturales, cartes exécutées par [C.-]G. Smith ; RG 31, C1, 1881, Ottawa.— ANQ-M, CE1-51, 19 août 1857.— Arch. privées, Helmut Kallmann (Nepean, Ontario), Anonyme, « Gustave Smith, artiste-musicien » (copie dactylographiée, s.d.).— Bibliothèque nationale du Canada, Music Division, ms coll., 1978–5.— Boucher & Pratte’s Musical Journal (Montréal), nov. 1882.— « Chronique musicale », l’Écho du Cabinet de lecture paroissial, 4 : 245, 458.— Guillaume Couture, « Chronique musicale », la Minerve, 5 oct. 1875.— Daily Free Press (Ottawa), 7 févr. 1896.— Ottawa Evening Journal, 7 févr. 1896.— Le Temps (Ottawa), 7 févr. 1896.— Canadian Music Library Assoc., A bio-bibliographical finding list of Canadian musicians and those who have contributed to music in Canada (Ottawa, [1961]).— Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.).— Montreal directory, 1861–1862 ; 1864–1868.— Morgan, Bibliotheca canadensis, 351.— F.-J. Audet, Historique des journaux d’Ottawa (Ottawa, 1896).— Helmut Kallmann, A history of music in Canada, 1534–1914 (Toronto et Londres, 1960).— Hector Legros et Sœur Paul-Émile [Louise Guay], le Diocèse d’Ottawa, 1847–1948 (Ottawa, [1949]), 584.— Gérard Morisset, Coup d’œil sur les arts en Nouvelle-france (Québec, 1941 ; réimpr., 1942), 115.— [Edgar Boutet], « Organiste et Journaliste, Gustave Smith a collaboré aux journaux pendant 25 ans », le Droit (Ottawa), 8 nov. 1958 : 24.
Helmut Kallmann, « SMITH, CHARLES-GUSTAVE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smith_charles_gustave_12F.html.
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Auteur de l'article: | Helmut Kallmann |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |